Développement de l'enfant

J’peux pas, mon bébé a piscine !

J’peux pas, mon bébé a piscine !

Les activités visant à familiariser les tout-petits avec l’eau, à prévenir les risques de noyade ou à partager un moment de détente à la piscine séduisent de nombreux parents. Mais l’offre est plus diversifiée qu’il n’y paraît. Petits coups d’œil sous la surface.

Dans la piscine, trois papas tiennent leur bébé dans les bras. Basile, 2 ans, et Diego, 20 mois, sont déjà venus plusieurs fois et sont visiblement enthousiastes. Pour Leerone, par contre, c’est la découverte. À presque 5 mois, il participe à son premier cours de bébé nageur. Mais, dès les premières minutes, lui aussi semble très à l’aise. Son visage est détendu et ses petites jambes se plient et se déplient dans l’eau chauffée à 32°C.

Un nouvel engouement

Si nous sommes venus assister à ce cours collectif de l’asbl Tip-Top, à Waterloo, c’est parce que, comme nous le confirme son directeur, Nicolas Vankerkem, les cours de bébé nageur rencontrent un intérêt croissant de la part des parents. Un « boum » qui s’explique, selon lui, par la (re)découverte récente que ces cours peuvent se donner « de manière ludique et douce, que c’est aussi un moment de détente et qu’ils ont beaucoup de vertus en termes de sécurité, d’accoutumance à l’eau, de psychomotricité… ».
Thomas, le professeur, passe d’un duo à l’autre pour expliquer aux parents comment tenir leur enfant et donner ses conseils et instructions. À l’aide d’un petit arrosoir en plastique, il fait couler de l’eau sur les bras de Leerone, puis sur l’arrière de sa tête. Lorsqu’un filet d’eau coule finalement sur son visage, le bébé reste calme et bloque automatiquement sa respiration, constate-t-il. Un réflexe qui perdure quelque temps après la naissance, et dont le petit va apprendre à faire un mouvement volontaire.

Les pratiques et les objectifs poursuivis peuvent en effet varier d’une piscine, voire d’un·e prof à l’autre

Cette capacité à bloquer sa respiration fait partie des bases de la sécurité que l’asbl Tip-Top cherche à inculquer aux bébés. Ils et elles apprennent également à se mettre sur le dos, pour leur permettre de flotter tout en gardant leurs voies respiratoires dégagées. Un apprentissage qui vise aussi les parents, puisqu’il implique de se faire à l’idée que son enfant risque de boire la tasse avant d’y arriver… « C’est moi qui flippe pour lui ! », reconnaît ainsi le papa de Diego, après avoir rattrapé trop rapidement son fils, qui se laisse joyeusement glisser d’un tapis d’exercice placé à la surface de l’eau.

« On voulait éviter qu’il ait peur de l’eau »

La sécurité n’est pas la première préoccupation des parents présents ce matin. Ils souhaitent avant tout passer un bon moment avec leur enfant, et que celui-ci s’habitue à l’eau. « On voulait éviter qu’il ait peur de l’eau, précise le papa de Basile. J’ai un fils plus âgé qui en avait peur et qu’on avait inscrit à des cours de bébé nageur. Aujourd’hui, il fait des saltos arrière ! ».
On sent que la dimension « accoutumance à l’eau » occupe ici une place de choix. « On recherche la sensation d’être à l’aise dans l’eau, de pouvoir mettre sa tête dans l’eau… », détaille Nicolas Vankerkem. Qui précise que « passée la barre des 1 an, 1 an et demi, les enfants commencent à développer des appréhensions » et conseille donc de commencer tôt (voir encadré). Il ajoute que certains jeunes enfants, parmi les plus réguliers, apprendront déjà à se déplacer seuls, en battant des pieds. Le tout accompagné par le jeu, comme en témoignent les cerceaux et balles colorées qu’on aperçoit autour du bassin.
Cette brève immersion dans la réalité d’un cours de bébé nageur offre un aperçu d’une des méthodologies proposées. Mais elle est loin d’être la seule. Les pratiques et les objectifs poursuivis peuvent en effet varier d’une piscine, voire d’un·e prof à l’autre. Entre la recherche de la sécurité et celle de l’accoutumance, le curseur sera à chaque fois placé à un endroit un peu différent. Il appartient donc au parent de se demander pourquoi il ou elle souhaite emmener son bébé à la piscine, et de se renseigner ensuite pour s’assurer que la méthode choisie correspond à ses attentes.

La méthode « Depelseneer »

Pour se faire une idée de cette diversité d’approches, nous nous sommes intéressés à deux activités très différentes. La première est la méthode Depelseneer. Mise au point dans les années soixante par un couple de Belges, René et Édith Depelseneer, elle est à l’origine du concept même de « bébé nageur » et met un accent tout particulier sur la prévention de la noyade et la recherche de l’autonomie de l’enfant dans l’eau.
« Notre priorité, c’est la sécurité », confirme Catherine Lemaître. Formée par le couple, elle enseigne depuis trente ans à la piscine « Le Petit Bleu », à Braine-l’Alleud, et a contribué à moderniser la méthode, qui se caractérise par un cadre précis, où chaque geste compte : « Nous développons, corrigeons ou entretenons, via des manipulations et positions spécifiques, les réflexes de bébé afin d’arriver à un brevet de survie, qui passe par la position dorsale. Nous utilisons aussi les pulsations de bébé comme ‘contrôle’ et fil conducteur pour la leçon donnée ». Ce n’est qu’une fois ce brevet obtenu que les parents sont autorisés à accompagner leur bébé dans la piscine, s’ils le souhaitent, et que les cours prennent une dimension plus ludique, axée sur le plaisir, l’harmonie et l’apprentissage des bases de la natation.
« On tient toujours compte des appréhensions des parents et des enfants », précise Catherine Lemaître. Qui reconnaît que « cette première étape, tellement rassurante pour la suite, est parfois impressionnante pour les parents », et insiste sur l’importance de la communication. Il est en effet essentiel, lorsqu’on opte pour cette méthode, de se sentir suffisamment en confiance avec le ou la prof pour lui confier son bébé en toute sérénité.
Parmi les parents qui font appel à elle, Catherine Lemaître constate d’ailleurs qu’un grand nombre a connu la méthode par le bouche-à-oreille ou en a déjà fait l’expérience. Le brevet ne dispense pas les adultes de surveiller leur enfant, conclut-elle, mais « il donne des chances supplémentaires et permet que le parent ait le temps de réagir, parce qu’un moment d’inattention va très vite ».

Les rencontres « Bébé bulle »

Autre lieu, autre activité. Tous les dimanches de 17h à 18h, des bénévoles de la Ligue des familles organisent des rencontres « Bébé Bulle » à la piscine de Wanze. Ici, pas de cours de bébé nageur, mais un moment de pure détente destiné aux familles avec au moins un enfant de moins de 4 ans, toujours accompagné d’un adulte.
« Nous disposons de deux pataugeoires et d’un bain à bulles, explique Monique Englebert-Lejeune, qui coordonne les activités de la Ligue des familles à Wanze. Un maître-nageur est également présent pour mettre à disposition du matériel, surveiller et donner des conseils aux parents qui le souhaitent ». Et d’ajouter que l’idée n’est « pas d’apprendre à nager, plutôt de s’affranchir : de dépasser la peur de l’eau, du bruit, de l’inconnu, dans une ambiance beaucoup plus tranquille que pendant les heures d’ouverture de la piscine ».
À l’inverse des cours de bébé nageur, souvent organisés dans des piscines privées et donc relativement chers, l’activité est très accessible : 7€ pour l’enfant et l’adulte qui l’accompagne, et 1€ par personne supplémentaire. Car l’initiative a clairement pour objectif de créer du lien : « Les parents sont souvent contents parce qu’ils passent un bon moment. Ils sortent en souriant. Ça occupe la fin du week-end. C’est une petite pause après la sieste, et puis quand l’enfant rentre chez lui, il peut aller au lit ».
Tiens, voilà certainement une chose que toutes ces activités ont en commun : à la sortie, les petit·es roupillent…

ZOOM

À partir de quel âge ?

Les cours de bébé nageur s’adressent généralement aux enfants à partir de 3 ou 4 mois, jusqu’à 3 ou 4 ans. Mais les critères peuvent varier d’un endroit à l’autre. Chez Tip-Top, on ajoute que l’enfant doit avoir reçu ses premiers vaccins. Quant à la piscine « Le Petit Bleu », elle accepte les nouveau-nés à partir de 3,5 kg.
De son côté, l’ONE n’encourage pas la pratique de la natation par les bébés âgés de moins de 1 an. Elle se base sur un avis du Conseil supérieur de la santé (2011), qui souligne que les bébés constituent une population particulièrement vulnérable face aux risques d’affections, notamment respiratoires, liées au chlore. Il estime par ailleurs que, selon ses expert·es, « la fréquentation des piscines ne confère pas de bénéfices réels aux enfants de cet âge ».
Les deux piscines privées que nous avons contactées dans le cadre de cet article nous assurent cependant que leur teneur en chlore est bien moins élevée que celle des piscines publiques et que la qualité de l’eau et de l’air y est strictement contrôlée. En cas d’hésitation, le plus judicieux est sans doute de se tourner vers le ou la pédiatre qui suit votre bébé et connaît ses éventuelles fragilités.