Vie pratique

Juin 1973 : êtes-vous pop ou Béjart ?

L’ARCHIVE DU LIGUEUR 

Au début des années 70, une menace pèse sur les « concerts pop » à Forest National. Le bourgmestre en a marre des problèmes qui surviennent lors de ces spectacles. « Trop de violence », estime-t-il. D’où un appel maïoral lancé aux jeunes. Si cette violence persiste, il se verra contraint d’interdire les shows susceptibles de dégénérer.
Pour justifier sa position dans les pages du Ligueur, le mayeur Jacques Lepaffe évoque un concert de Deep Purple organisé le 20 mars. Fumigènes. Bousculade. Vitres éclatées. Portes arrachées. Plus un policier blessé, frappé avec une table. En avril, bis repetita avec Emerson, Lake and Palmer. Vandalisme à la peinture rouge décliné en slogans qui invitent les jeunes à ne pas payer parce que les tickets sont définitivement trop chers.
C’est là que l’interviewer remet les choses un peu à leur place. Au fil de l’entretien, on s’aperçoit que les incidents se déroulent avant le concert, provoqués par des jeunes qui restent à l’extérieur. « Quatre ou cinq cents jeunes, en attendant de trouver une place à l’intérieur, chantent l’Internationale ou scandent le mot anarchie », affirme le bourgmestre.
Mais quel rapport avec la musique ? Aucun. La mesure potentielle du bourgmestre se révèle peu logique. Elle semble plutôt trahir une certaine animosité vis-à-vis des « concerts pop ». « Cette musique est presque toujours violente, quand ce ne serait que par la quantité de bruit qu’elle développe. Il y a aussi une sorte d’érotisme dans ces rythmes et qui doit avoir son importance. Il y a les cris du chanteur, ses gémissements, les hurlements, la volonté d’avoir l’air drogué (…). Et puis il y a la publicité, les affiches où les musiciens pop font de leur mieux pour avoir l’air de vagabonds déguenillés, hirsutes, révoltés… ». N’en jetez plus. La « pop » n’est pas le truc de l’élu forestois.
Mais parlez-lui des ballets de Maurice Béjart et des jeunes disciplinés qui viennent y assister. Là, il est admiratif. « Ils paient leur place… cher… applaudissent frénétiquement… Et s’en vont calmement. (…) J’ai pensé à ceci : quand il s’agit de Béjart, les places louées sont numérotées. Pour les concerts pop : non. Il faudrait le faire. Cela mettrait un peu d’ordre ».
Tout cela lance un dossier sur « Les jeunes et la violence » dans le Ligueur qui s’intitulera de façon un peu provocative : Cassons la baraque. Quelques articles essaient de cerner la problématique, mais les témoignages sollicités par la rédaction se feront visiblement rares et n’entretiendront donc pas une série sur la longueur, série victime aussi, sans doute, de l’approche de l’été.
Notons tout de même cet avis peu divinatoire, mais révélateur, attribué aux jeunes et partagé dans les pages : « Il ne faut pas se casser la tête. La musique pop va bientôt finir sa carrière. De toutes façons, elle sera quand même remplacée par un machin qui remplira encore plus vite les poches des croulants ». Et si au bout du compte le vrai sujet, plutôt que la violence, avait été le prix de l’accès à la culture ?

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