Développement de l'enfant

Les jumeaux ont souvent du plaisir à jouer avec leur ressemblance, prêts à faire des farces à ceux qui les entourent, à leurs professeurs comme à leurs copains. Ils apprécient beaucoup moins d'être régulièrement pris pour celui qu’ils ne sont pas. Comment les aider à sauvegarder leur identité ?
Eliott et Lucas sont en 4e année primaire. Ce sont de vrais jumeaux : ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Quand on ne les voit pas souvent, il faut, pour les identifier, les avoir côte à côte devant soi et noter des petites différences : les cheveux plus longs de l’un, un petit air coquin chez l'autre, la couleur du pull...
Ils sont dans la même classe et les copains les identifient assez facilement. Ils connaissent leur manière de parler, leurs goûts, leurs amitiés. Eliott adore le foot. Ses copains sont les garçons de la classe. Lucas, lui, déteste les jeux des garçons, trop brutaux. Il a surtout des amies filles avec lesquelles il discute des récrés entières.
À la maison aussi, ils ont des intérêts différents, tout en ayant terriblement besoin l'un de l'autre. Il n'est pas rare que leurs parents les retrouvent le matin dans le même lit, alors qu'ils ont chacun voulu avoir leur chambre personnelle. Quand l'un est à un stage ou à un camp et l'autre à la maison, celui qui n’est pas parti erre souvent comme une âme en peine. Et quand ils se retrouvent, chacun est pour l’autre le premier confident et le restera probablement toute la vie.
Mais tous les jumeaux ne se construisent pas de la sorte. Ainsi, Mathias et Pierre ont, eux, évolué à l'identique. Mêmes goûts, mêmes compétences. Jeunes, ils excellaient tous deux en gymnastique sportive, participaient à des compétitions et obtenaient les mêmes points. Ils ont fait les mêmes études, se sont mariés et ont chacun des enfants. Ils habitent aujourd’hui dans des pays différents et se portent très bien.
Connivence et autonomie
Ayant vécu neuf mois ensemble dans le ventre maternel, les jumeaux ne peuvent démarrer dans la vie que dans un état de grande fusion. Une connivence particulière les lie, ce qui est et continuera d’être une richesse pour eux.
Ce lien très fort entre eux ne gomme cependant pas leurs différences. Dès la naissance, les parents aiment leur reconnaître des comportements spécifiques et, quand ils grandissent, des qualités et des compétences distinctes. Les différences se révèlent plus naturellement vers 2 ans.
À cet âge, l’entourage aime les identifier (jusqu’à les caricaturer parfois !) en leur reconnaissant des caractéristiques propres souvent complémentaires : il y a l’extraverti et l’introverti, le doux et le tonique, le fonceur et le timide… Certains parlent de jumeau dominant et de jumeau dominé. Ces caractéristiques peuvent évoluer, en fonction des activités, des affinités, des amitiés.
Avec l'entrée à l’école primaire, les enfants vont avoir des demandes beaucoup plus spécifiques. Leurs goûts, leurs envies, leurs compétences vont se préciser de plus en plus et ils vont s'intéresser à des choses différentes… tout en gardant leur connivence.
Questions de parents
Que dire de cette mère qui, fascinée par la ressemblance entre ses jumeaux, soutient depuis toujours le pareil, entretenant la confusion en les habillant systématiquement de la même façon au risque que leur entourage devienne incapable de les reconnaître facilement ? Les parents ont pourtant à accompagner à la fois cette connivence et ce besoin d'autonomie afin de ne pas freiner l'évolution de leurs enfants vers des personnalités distinctes.
Faut-il pour cela les mettre dans des classes différentes ? Pas nécessairement, sauf si un des enfants est tellement dominant qu'il ne laisse que peu de place à l’autre.
Les jumeaux ont la chance d'être nés dans ce lien étroit et particulier. C'est une grande force. Pensez donc ! À toutes les premières étapes de la vie, ils sont à deux pour les franchir : l'entrée à la crèche, à l'école, les mouvements de jeunesse, les premiers camps. Le couple de jumeaux a une identité propre où chacun des enfants doit trouver sa place.
Aux parents d’aider chacun à grandir vers son destin, à veiller à ce que ces liens soient une force et non un emprisonnement.
Mireille Pauluis
EN BREF
L’un n’est pas l’autre
Pas toujours utile de séparer des jumeaux. Par contre, il est important de soutenir leurs goûts, leurs compétences, leurs projets. Car, même si c’est une chance (mieux, une force !) d’avoir un frère ou une sœur si proche, ce lien ne gomme pas leurs différences.
Les parents en parle...
Thomas, 32 ans, jumeau de Martin : « Ne plus partager les mêmes copains »
Sur les photos d’enfance, nous avons les mêmes habits ou presque : j’avais un sweet-shirt jaune et un col roulé bleu et Martin, un sweet-shirt bleu et un col roulé jaune. Subtile nuance ! C’est vers 12 ans, au début des secondaires que nous avons commencé à manifester notre besoin de nous éloigner l’un de l’autre. À 14 ans, j’ai demandé à changer d’école : je ne voulais plus partager mes copains, je voulais devenir une personne à part entière. Nous nous sommes rapprochés par la suite. Aujourd’hui, nous nous voyons plusieurs fois par semaine, ce qui n’est pas le cas avec nos deux frères aînés. Nous sommes d’accord sur pratiquement tout, nous avons les mêmes goûts au point d’avoir entamé un cours de construction pour des projets futurs. Nous n’avons jamais vécu la moindre rivalité, au contraire, on se tire vers le haut l’un et l’autre. Cette stimulation est une chance pour mon frère et moi. Je crois que si je devais partager autant de temps avec une autre personne que Martin, on serait déjà en train de s’entredéchirer…