Santé et bien-être

L'hypersexualité de la société et nos enfants

Mai 68, la révolution sexuelle est en marche. Du tabou, la sexualité bascule dans le « tout dire », le « tout montrer ». Il n’y a qu’à allumer la télévision ou ouvrir un magasine pour s’en rendre compte: le sexe est partout. Avec les conséquences que ça peut avoir sur notre perception d’adulte (procréation vs plaisir sexuel) mais surtout, sur notre progéniture.

Choquant pour certains, inévitable parce qu’en phase avec l’évolution de notre société pour d’autres, l’hypersexualisation des enfants ne laisse personne indifférent. Mais qu’entend-on exactement par ce terme et quelles en sont les conséquences sur nos enfants ? Et surtout, comment y réagir en tant que parent ?

Danger réel ou fantasmé ?

Jean-Pierre Lebrun, psychiatre, nous le confirme : « Les enfants sont aujourd’hui de plus en plus confrontés à des présentations ostentatoires de la vie sexuelle des adultes. Là où avant on jouait au docteur, aujourd’hui on joue à la partouze. Avec cette omniprésence sexuelle, l’enfant a accès à tout. Ce n’est pas nécessaire pour un enfant d’être si vite confronté à tout ça. On est passé d’un extrême à l’autre. Avant, il ne fallait rien leur dire, on ne parlait pas de sexualité, c’était tabou. Aujourd’hui, c’est l’inverse, il faut tout dire, tout dévoiler, il faut tout afficher. Ça a le même effet, voire pire. L’enfant n’est pas en mesure de métaboliser ce que va être la sexualité adulte. Il doit faire son propre chemin. »
En bref, il est sain pour l’enfant de s’interroger sur sur ce qui se passe derrière la porte de la chambre de ses parents, pour peu qu’il en soit encore exclu. Répondre à ses questions, oui. Mais ne pas les anticiper pour qu’il avance à son rythme.
Le psychiatre va même plus loin : « Pour être un adulte sexuellement responsable, il y a un trajet qui doit être fait. Ce n’est pas sûr que nous le favorisons aujourd’hui. »

L’enfance instrumentalisée

Au sein de notre société mercantile, les faiseurs de mode ont vite compris qu’il y avait un marché à prendre, voire à créer: certaines marques vont même jusqu’à proposer des strings et soutiens-gorges rembourrés pour des fillettes de 8 ans. Et, pour favoriser l’identification, des publicités n’hésitent pas à mettre en scène des jeunes filles posant lascivement, telles une femme consentante. Si l’hypersexualisation consiste, selon le CRIOC, à donner un caractère sexuel à un comportement ou à un produit qui n’en a pas en soi, on se rend vite compte qu’en pratique, cet aspect « non conscient » est difficilement identifiable. Que ce soit par des tenues vestimentaires suggestives (décolleté, pantalon taille - très - basse, string) ou encore des attitudes et postures à caractère sexuel, le message envoyé est troublant : «Je suis sexuellement disponible », semble dire l’enfant devenu objet.
Faux, selon le psychiatre, professeur émérite à la faculté de médecine de l’UCL, Jean-Yves Hayez : « Il ne faut pas confondre attitudes séductrices et désirs de rapports sexuels. La jeune fille qui imite une starlette et s’habille de manière légère n’est pas du tout en train de dire qu’elle souhaite un rapport sexuel. C’est selon moi un fantasme d’une partie de la société adulte d’imaginer que parce qu’elles sont habillées comme cela, tous les vieux pédophiles du monde vont leur tomber dessus. »
Et que penser du phénomène de « mini-miss » qui nous vient tout droit du pays de l’oncle Sam ? L’avis du psychiatre est sans appel : « Je m’y oppose fermement. C’est très clairement une instrumentalisation de l’enfant ‘à l’insu de son plein gré’. Là encore, les enjeux commerciaux prédominent sur le bien-être de l’enfant. Et des dégâts psychologiques potentiels sont à craindre: l’enfant qui n’est pas n°1 est déçu et culpabilisé par les parents. Et celui qui gagne devient un narcissique insupportable. Avec, à l’extrême, le risque pour cette jeune fille de croire qu’on peut tout obtenir avec le corps et la séduction. »
Quelle attitude adopter dès lors face à cette surabondance de sexualité ? Faire encore et toujours preuve de bon sens et de nuance. Protéger son enfant sans pour autant dramatiser. Sensibiliser sans interdire. Et lui faire confiance. Dans la plupart des cas, votre enfant sera capable d’appréhender son environnement pour en garder le meilleur.



C. V. N.

Témoignages

« Jamais je ne laisserai ma fille porter des trucs pareils, mais quelle horreur ! Entre essayer les chaussures de maman et mettre un string, il y a une frontière que je ne franchirai jamais ! Par contre, à la maison, si elle veut essayer de se maquiller, de mettre du vernis, pourquoi pas ? Mais je ne la sortirai pas comme ça en rue ! »
Vanessa, maman de Louise, 7 ans                                             

« À mon sens, mis à part peut-être certaines exceptions, entre 8 et 10 ans, les enfants sont trop jeunes pour comprendre le sens et l'impact réel que peut entraîner un tel comportement provocateur ! Je vois bien chez nous : l'ainée de mes filles a 9 ans et on est très loin des strings... Elle n'est pas ignorante pour autant ! Par contre, dans la classe de mon fils de 11 ans, certaines filles n'hésitent plus et se ‘lâchent’, et la provocation commence... Mais savent-elles réellement ce qu'elles font ? L'image qu'elles envoient d'elles, est-elle réellement celle qu'elles souhaitent donner ? »
Florence, maman de Jeanne, 9 ans

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