Vie pratique

[ La mort ] Les enfants déconcertent et donnent le change

L’enfant vit son deuil d’une manière très éloignée de l’adulte

C’est ressorti systématiquement des entretiens avec les professionnel·les du deuil : les enfants ont des réactions déconcertantes face à la mort. L’équipe des Espaces PAD (parole et accompagnement du deuil) de Namur livre les clés pour les décoder et les accompagner au mieux.

Kathelyne, Adeline, Laetitia et Dorothée sont psychologues aux Espaces PAD de Namur. Que ce soit en entretiens individuels ou dans le cadre de groupes de parole, elles ont fait de l’accompagnement du deuil leur cœur de métier ou leur métier de cœur. Leurs expériences aux côtés des enfants et des adultes leur ont permis de cerner les particularités des plus petit·es face au deuil.

Une indifférence apparente

« L’enfant vit son deuil d’une manière très éloignée de l’adulte. Il peut jouer et demander sans transition si son papa est devenu un squelette », entame Laetitia. « Les parents sont souvent surpris par la réaction de leurs enfants », confirme Adeline. Le parent met la forme et prend des précautions pour annoncer la mort. L’enfant reçoit la nouvelle et peut très bien repartir comme si de rien n’était. Cette indifférence apparente a de quoi désarçonner l’adulte comme le confie Caroline, maman de Cassis et Pablo, 8 et 10 ans.
« J’avais réfléchi toute la journée à la bonne manière de leur annoncer la mort de mon grand-père. Le cœur battant, j’ai lâché avec des trémolos dans la voix : ‘J’ai une triste nouvelle à vous annoncer, Papé est mort’. Ils ont encaissé sans piper mot et mon fils a demandé avec le plus grand naturel ce qu’on allait manger le soir. J’étais scotchée ! »
Cette manière de recevoir l’annonce de la mort sans approfondir ou questionner est le propre de l’enfance. L’enfant reçoit, repart à ses occupations, se réfugie dans le jeu, revient observer pour sonder les autres, repart dans son monde, avant de questionner pour savoir le pourquoi du comment. Un va-et-vient qui a de quoi déconcerter. Au point que certains parents se demandent s’il a vraiment compris ce qu’on lui a dit. Ce processus est tout à fait normal.
Ceci dit, l’équipe des Espaces PAD invite les adultes à être attentifs, attentives à la place de l’enfant quand un drame surgit. Face à l’annonce d’un décès, chaque membre de la famille reçoit la nouvelle comme il, elle peut, très vite les adultes préviennent les proches et racontent spontanément ce qui s’est passé.
Dans ce chaos, on a peu le réflexe de s’intéresser aux enfants et les inviter à raconter leur histoire, constate Kathelyne. « Je ne dis pas qu’il faut le faire le jour même, mais avoir cette attention à l’enfant, le questionner sur ce qui s’est passé pour lui ce jour-là. Dans nos groupes de parole, c’est fréquent qu’un enfant n’ait encore jamais raconté son histoire du deuil ».

Faire comme si tout allait bien

C’est d’autant plus important d’avoir cette attention à l’enfant qu’il va chercher à préserver son parent. « Il va tout faire pour ne pas ajouter sa souffrance au chaos, poursuit Kathelyne. Être témoin de l’effondrement de son parent, c’est tétanisant pour l’enfant qui n’a pas encore intégré qu’on peut à la fois être solide et ne pas aller bien. Si on ne lui explique pas que c’est un effondrement passager, il n’osera pas dire ce qu’il vit ».
Mettre un masque pour faire comme si tout allait bien ne se fait pas sans heurt. « Qu’est-ce que ça coûte à l’enfant d’aller bien ?, questionne Dorothée. Dans ma posture de psy, je n’ai pas d’attente par rapport à l’enfant. Il peut déposer sans chercher à protéger. Pour lui faciliter ce travail, je lui offre une écoute profonde. À partir d’une question sincère et ouverte, je laisse l’enfant répondre sans chercher à induire ou orienter l’objet de la conversation ».

BON À SAVOIR

Parler
Les Espaces PAD proposent des entretiens individuels (gratuits pour les moins de 25 ans) et des interventions en groupe à Namur (cycle gratuit pour les enfants et 2,5€/adulte), en Brabant wallon et à Bruxelles. Ils organisent aussi des groupes de parole à Namur.
Contact : 0495/78 83 86 - info@espacespad.be

Écrire
L’association des soins palliatifs en Province de Namur a édité deux carnets d’expression : Le temps qui reste et Depuis que tu n’es plus là.

Que ce soit de façon soudaine ou attendue, la mort s’invite inévitablement dans nos vies de famille

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Parler de la mort aux enfants