Développement de l'enfant

Ah, la peau douce et fragile des bébés… ! Mais comment se caractérise-t-elle précisément ? Et à quoi faut-il particulièrement veiller ? Quelques repères avec Chantal Dangoisse, directrice de la Clinique de Dermatologie pédiatrique de l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Huderf) - Hôpital universitaire de Bruxelles (HUB).
Parlons d’abord de la peau « normale » d’un petit bébé. Un point essentiel concerne le film hydrolipidique de surface, à savoir le film protecteur de la peau constitué d’eau et de graisses. « Il est très pauvre chez le tout-petit et l’enfant en général. La peau du bébé a donc tendance à être plus sèche et, par là, plus irritable que celle de l’adulte. D’où la nécessité de l’hydrater régulièrement. »
« Sur le plan de la morphologie, la peau d’un bébé de 2 mois est identique à celle d’un adulte, poursuit la dermatologue. La perméabilité cutanée est ainsi la même. Mais grosse différence : chez l’enfant jusqu’à l’âge de 2-3 ans, le rapport surface/poids (c’est-à-dire le poids de l’enfant par rapport à sa surface cutanée) est grand, et donc la résorption cutanée est beaucoup plus importante que chez l’adulte. Il faut dès lors être conscient que, dès qu’on met quelque chose sur la peau d’un bébé, à cause de ce rapport surface/poids élevé, la résorption cutanée va être très importante, et ce même avec une perméabilité identique. » Le message est clair : attention à ce que vous mettez sur la peau de votre bébé !
Plutôt consulter que de soigner soi-même
Zoom sur quelques problèmes de peau fréquents chez les bébés. Il ne s’agit pas ici de faire une consultation… sur papier ! Ni d’inquiéter inutilement. Il s’agit d’abord, au-delà des précisions données, de rappeler l’une ou l’autre attitude opportune. « Quand un problème de peau surgit chez un bébé, ses parents ne doivent pas essayer de le gérer eux-mêmes : c’est un mauvais plan ! Mieux vaut qu’ils consultent : le pédiatre de l’enfant d’abord et si, malgré le traitement instauré par le pédiatre, le problème persiste, un dermatologue », insiste Chantal Dangoisse.
La dermatite atopique, appelée aussi eczéma constitutionnel, touche un bébé sur cinq. Débutant en général entre 2 et 5 mois, elle apparaît d’abord sur le visage et peut s’étendre sur les coudes, les genoux, le tronc… Ce n’est pas une allergie, contrairement à ce qu’on a tendance à croire parce qu’elle survient souvent au moment du sevrage, quand on introduit un lait en poudre dans l’alimentation de l’enfant. « La dermatite atopique est liée à des anomalies de l’immunité cutanée qui expliquent que la peau est hyper-réactive à l’environnement. Alors, effectivement, les enfants qui ont une dermatite atopique développent plus facilement des allergies, mais pas forcément. Et ils peuvent être allergiques non seulement à des aliments mais aussi aux acariens, aux poils de chat ou de chien, aux graminées… Ces anomalies de l’immunité cutanée s’ajoutent à des anomalies de la structure cutanée : la couche cornée de la peau, qui a une fonction de barrière étanche vis-à-vis de l’extérieur, n’est pas de bonne qualité et laisse passer tout ce qui est irritants, microbes et allergènes. » À savoir encore : la dermatite atopique a toujours une origine génétique. Et elle s’inscrit dans le cadre plus large de l’atopie : si les parents ont de l’asthme ou le rhume des foins, leur bébé risque plus d’avoir une dermatite atopique. Le traitement intègre des corticoïdes. Les gestes de prévention ? Bien hydrater la peau ; réduire la fréquence des bains, diminuer la température de l’eau et utiliser une huile de bain ; se passer d’adoucissant pour la lessive et ajouter un rinçage au programme habituel de la machine à laver ; opter pour des vêtements 100 % coton.

« Quand un problème de peau surgit chez un bébé, ses parents ne doivent pas essayer de le gérer eux-mêmes. Mieux vaut qu'ils consultent »
Les croûtes de lait (principalement sur le cuir chevelu), « c’est de l’eczéma… a minima, qui peut nécessiter un traitement à base de cortisone », précise encore la dermatologue.
Petits boutons, fesses rouges…
Les éruptions de petits boutons ne sont pas rares. La folliculite est une infection (par des bactéries, des levures…) spécifique aux nourrissons mais elle peut apparaître à tout âge chez les bébés. Un traitement adapté en vient à bout en quinze jours. L’acné néonatale, quant à elle, est induite par les androgènes maternels sur une peau de bébé génétiquement prédisposée à faire de l’acné. Elle disparaît spontanément en quelques mois. Mais elle peut être très inflammatoire et laisser des cicatrices, d’où l’importance d’un regard médical.
Les taches de naissance, de différentes sortes, sont une autre réalité chez les bébés. Les naevi congénitaux sont des grains de beauté présents à la naissance sous forme de taches brunes. Leur taille notamment dicte une visite chez le médecin. Autre sorte : les taches vasculaires. Dans cette catégorie, on trouve les angiomes plans, des taches rouges et planes présentes dès la naissance. Ceux localisés sur la nuque ne disparaîtront pas (les Alsaciens racontent qu’ils correspondent à la trace de la pince de la cigogne !). Ceux situés sur le front s’effaceront en deux, trois ans ; ce sont des pseudo-angiomes plans. Parfois, ils se retrouvent n’importe où sur le corps et nécessitent une mise au point médicale. À côté des angiomes plans, il y a les hémangiomes infantiles : des taches vasculaires rouges et en relief, qui peuvent apparaître dans les jours qui suivent la naissance. Ils disparaissent spontanément, en plusieurs années, mais demandent parfois un traitement médicamenteux.
Des petites fesses mal rincées et séchées, qui sont en contact prolongé avec des selles et de l’urine et qui sont enfermées dans des langes, cela peut faire des dégâts. Bonjour les fesses rouges, ou érythème fessier ! « Grâce aux progrès apportés aux couches, le problème est moins fréquent », observe Chantal Dangoisse. Maîtres mots alors, côté soins quotidiens : changer le bébé le plus souvent possible, laver ses petites fesses avec un gant de toilette et de l’eau claire, éviter les lingettes, utiliser une crème de protection à l’oxyde de zinc. Bref, de nouveau, la prévention compte…
EN PRATIQUE
Mieux vaut prévenir…
« Avec la peau d’un bébé, la prévention est essentielle », insiste la dermatologue Chantal Dangoisse. Alors, quels bons soins lui prodiguer ?
- D’abord, ne pas lui donner un bain tous les jours, en raison du film hydrolipidique qui n’est pas encore bien constitué, et ne pas le laisser des heures dans l’eau… qui, en Belgique, est bien calcaire et dessèche la peau – cinq-dix minutes, c’est bon. À éviter : les eaux trop chaudes. Sûrement pas au-dessus de 37 °C ; 36 °C, c’est mieux. On utilise un savon neutre, à pH physiologique, et, s’il y a le moindre problème d’eczéma, une huile de bain. On peut aussi employer un « syndet » (pour « synthetic detergent »), un savon spécial non irritant. Le savon neutre sert aussi à laver les cheveux. Si le bébé a des croûtes de lait, on emploie un shampooing doux « spécial bébé ».
- Le séchage doit être soigneux et délicat. Le mieux, c’est de tamponner délicatement la peau. Il faut bien essuyer entre les petits orteils, dans les plis… Quand la peau est encore un peu humide, on l’hydrate avec une crème hydratante.
- Au rayon des langes, on change souvent le bébé. Et, à chaque change, on enduit – généreusement – ses petites fesses d’une crème protectrice à l’oxyde de zinc.
- Concernant la lessive du linge et des vêtements, pas d’indication spécifique si le bébé a une peau normale. Avec un bébé atopique, il faut éviter les adoucissants et ajouter un rinçage après le programme classique de la machine à laver.
LES PARENTS EN PARLENT…
Les petits boutons partent tout seuls
« La peau des tout-petits… Très souvent, des petits boutons sortent très vite et ils repartent tout aussi vite. Théo en attrape par moments sur le visage ou le corps. On s’inquiétait beaucoup au début, mais plus trop maintenant. Le pédiatre nous rassure : en général, ce n’est pas grave et il ne faut rien faire. En agissant, on risque d’ailleurs de faire pire que bien. On laisse donc les choses évoluer. Et c’est vrai que cela part tout seul. Bon, bien sûr, le docteur nous dit de le rappeler si le problème dure… »
Sophia, maman de Théo
Le « cachet » du papa
« Quand Manon est née, elle avait la tache de naissance de son papa, à laquelle j’étais habituée, à l’arrière de la tête. Cela ne m’a pas du tout inquiétée. C’était plutôt sympa, cela m’a même fait marrer. J’ai dit à mon homme : "Tu vois, c’est bien ta fille, il y a ton cachet !" À part ça, Manon, c’est moi tout craché, j’ai mis ma marque. De plus, comme Manon est une enfant métissée, elle a la "tache sacrée" bleu-gris dans le bas du dos. Tous les bébés métis peuvent l’avoir. Moi aussi, je l’avais quand j’étais bébé. Elle s’estompe après quelques années. »
Coralie, maman de Manon
À LIRE AUSSI