Développement de l'enfant

Elles sont susurrées par des voix amies. Accompagnées de gestes, elles joignent le toucher aux mots et à la musique. Elles aident l’enfant à prendre conscience de son corps. Elles le sécurisent tout en l’invitant à l’aventure de vivre. Ne nous privons donc pas de chanter pour et avec nos tout-petits.
À l’origine, le terme de comptines renvoyait à ces chansons enfantines récitées pour déterminer par le compte des syllabes à qui sera dévolu un rôle dans un jeu. Le terme aujourd’hui est synonyme de « jeux de nourrice », ces jeux qui nourrissent littéralement les enfants.
UN SEUL ET MÊME CORPS
Mais comment les nourrissent-elles ? Marie Laisney, des Jeunesses Musicales, nous livre quelques éléments de réponse. L’association promeut les jeux de nourrice dans les crèches. Des stages sont également organisés pour les parents accompagnés de bébés.
« Les comptines, chez les tout-petits, joignent le toucher à la voix et, avec la musique, aident le bébé à prendre la mesure de son corps. Ainsi, prend conscience de ses limites physiques. »
Voilà pourquoi « la petite bête qui monte qui monte et qui chatouille » est-elle bénéfique à celui ou celle sur qui elle poursuit son ascension. Les jeux de doigts, comme on les nomme, ne manquent pas. Connaissez-vous cette comptine-ci : « Quelqu’un monte l’escalier… cogne à la porte… toc toc toc » ?
Le doigt monte du ventre, tapote le front, tire doucement le lobe de l’oreille et attrape le bout du nez. « En passant le corps en revue, on recolle en quelque sorte ses morceaux encore éparpillés pour l’enfant. Autre chose : la répétition de la comptine permet aussi d’apprivoiser la surprise. Cela contribue à conforter le sentiment de sécurité. »
SÉCURITÉ
Ce sentiment de sécurité, d’autres comptines vont aider à le développer chez l’enfant. Celles qui évoquent l’absence, comme la célèbre : « Ainsi font, font, font les petites marionnettes… trois petits tours et puis s’en vont. Et elles danseront, les petites marionnettes. Et elles danseront quand les enfants dormiront. »
De quoi laisser entendre et montrer, si on agite les mains en même temps, que la disparition est provisoire. De faire comprendre aussi qu’une chose qu’on ne voit pas existe toujours, ailleurs. Les comptines peuvent aussi « chahuter » gentiment les enfants. Ainsi «Bateau sur l’eau, la rivière la rivière… Bateau sur l’eau, le bateau a chaviré…Tous les enfants sont tombés…Plouf ! »
« Si vous faites basculer l’enfant, conseille Marie Laisney, il est important de le relever et de faire mine de l’essuyer ensuite. C’est un réconfort. Le massage est un message, à savoir qu’on a beau avoir chaviré, on revient à terre. »
Relever l’enfant, l’initier à la verticalité, voilà aussi une des fonctions des « chansons de cheval » où on le fait sauter sur les genoux. Car ce dont il est question ici, c’est de bien grandir. En lui parlant aussi d’un monde où il y a des grands et des petits, des riches et des moins riches.
La main est le terrain idéal, avec ses doigts qui deviennent autant de personnages. C’est comme ça qu’on raconte l’histoire du petit Poucet : « Petit Poucet part en voyage… celui-ci l'accompagne, celui-ci porte la valise, celui-là tient le parapluie, et le tout petit court derrière lui. »
Les variations sont nombreuses. On connaît aussi l’histoire du petit doigt condamné à lécher le plat quand les autres préparent la soupe et la mangent ! « Ce que disent ces comptines, explique encore Marie Laisney, c’est qu’il y a une place pour tout le monde, que le petit est relié aux autres. J’ai pu observer que les adultes en ont en général gardé le souvenir. Et c’est au petit, au dernier qu’on s’identifie le plus souvent ! »
OUVERTURE
Les comptines accompagnent les premiers échanges avec l’entourage. Elles aident à appréhender la vie. Apparemment anodines, elles abordent des thèmes fondamentaux : les départs, la séparation, la nourriture, les animaux… Elles constituent un fonds commun culturel.
À la crèche, à l’école, elles seront aussi utiles comme supports précieux pour l’apprentissage et la socialisation. On peut compter sur elles pour aider à ramener le calme, retrouver la concentration, découvrir de nouveaux mots, initier à la poésie…
V. J.
LA QUESTION
La comptine, un rituel ?
Avec ses répétitions, ses jeux de mains ou de doigts, la comptine a tout pour tenir lieu de rituel. Celui du coucher, par exemple, qui est un rituel de séparation. Les parents, sans se piquer d’être de grands psychologues, sentent bien que chanter « Ainsi font, font, font… » a du sens. On ne sait d’ailleurs pas pour qui cela a le plus de sens : pour le tout-petit ou pour le papa, la maman ? La comptine efface la peine, la tristesse de la séparation.
L’enjeu du rituel dépasse la sécurité affective. Il permet d’anticiper et joue ainsi un rôle dans la création de la pensée. Il sécurise puisqu’il permet à l’enfant de prévoir ce qui va se passer avec une certaine régularité. Attention, un rituel n’est pas magique. La comptine du soir n’a de sens que si c’est un plaisir partagé et non une obligation.
EN SAVOIR +
- Le site www.comptinesanimees.com propose des centaines de comptines mimées en images.