Société

La suppression annoncée du quotient conjugal pénalisera un demi-million de ménages

À l’heure d’écrire ces lignes, la suppression du quotient conjugal, soutien fiscal aux ménages dans lesquels l’un des conjoints n’a pas ou peu de revenus, est l’une des pistes sur la table du gouvernement. Si cette réforme fiscale est confirmée, de nombreux et nombreuses pensionné·es seront gravement pénalisé·es, mais aussi 277 000 ménages actifs.

Le gouvernement pense remettre les femmes au travail en diminuant le revenu de leur ménage. Pour la Ligue des familles, c’est complètement illusoire alors que rien n’est prévu pour améliorer la conciliation entre travail et vie de famille. Nous appelons au maintien des droits acquis pour les pensionné·es et les personnes de 45 ans et plus, à une étude d’impact avant toute décision et, si suppression il y a, à la réaffectation de 100% du budget économisé à des politiques favorisant une meilleure conciliation entre travail et vie de famille.

Le quotient conjugal sera diminué et ensuite totalement supprimé

Selon nos informations, le soutien fiscal sera très fortement réduit en 2025. Le montant maximal sera réduit à 35% du montant maximal actuel (4 008€ au lieu de 11 450€). Dès 2026, le quotient conjugal sera complètement supprimé, sauf pour les pensionné·es. Ceci concerne 276 798 ménages.
Pour les pensionné·es, le quotient conjugal diminuera d’1/20e chaque année pendant les vingt ans à venir. Ils et elles seront donc immédiatement affecté·es et, dans vingt ans, le mécanisme aura totalement disparu pour eux aussi. Pour les ménages formés d’un pensionné et d’une femme au foyer (ou ayant un bas revenu), le quotient conjugal est également totalement supprimé dès 2026.
Même si nous nous interrogeons quant à l’évolution nécessaire de ce mécanisme, qui semble daté et contraire à l’émancipation financière des femmes, nous avons des inquiétudes quant à cette mesure aveugle aux conséquences pour un demi-million de ménages.

Les femmes qui ont arrêté de travailler pour s’occuper de leurs enfants pénalisées du jour au lendemain

Un couple de pensionnés qui a 67 ans aujourd’hui perdra la moitié de cette mesure de soutien d’ici dix ans, et la totalité d’ici vingt ans. À leurs 87 ans, alors qu’ils devront peut-être payer une maison de repos, ils ne pourront que constater la diminution de leurs revenus. Il en va de même pour les personnes qui n’ont pas atteint l’âge de la pension, mais n’ont plus travaillé depuis plusieurs décennies. Pense-t-on réalistement qu’une femme de 55-60 ans, qui n’a jamais travaillé, va subitement trouver du travail parce qu’on supprime le quotient conjugal ? Non, son ménage verra juste son revenu diminuer. 
La réforme pose aussi des problèmes majeurs pour les ménages plus jeunes. Les parents – en grande majorité des mères – diminuent fréquemment leur temps de travail ou arrêtent de travailler faute de place en crèches, pour prendre soin d’un enfant en situation de handicap ou tout simplement parce qu’elles ne trouvent pas d’emploi permettant de concilier travail et vie de famille. Ces mères ne vont pas par miracle retrouver une activité professionnelle compatible avec leur vie de famille. La suppression du quotient conjugal va réduire leur revenu dès 2025.

Préserver les droits acquis et réorienter les moyens vers un soutien aux familles

En ce qui concerne les pensionné·es et les personnes de 45 ans et plus, la Ligue des familles demande un maintien des droits acquis sans limite de temps. Il est inacceptable que des personnes qui ne peuvent plus modifier leur carrière voient leur revenu diminuer. C’est évident pour les pensionné·es, mais ça l’est aussi pour les 45 ans et plus : à peine 10% des femmes inactives de 45 à 49 ans retrouvent du travail ; au-delà de 49 ans, ce taux diminue encore drastiquement.
En ce qui concerne les personnes plus jeunes, une étude d’impact est nécessaire avant toute prise de décision afin de déterminer les obstacles à la reprise d’un emploi et les mesures à mettre en œuvre pour les soutenir. Qui sont les 277 000 ménages actifs qui bénéficient du quotient conjugal ? Depuis combien de temps l’un des conjoints ne travaille pas ou peu, et pourquoi ? Quels sont les obstacles au retour à l’emploi ? Ont-ils un enfant en situation de handicap ?
Si une suppression de ce mécanisme fiscal intervient finalement, nous demandons la réaffectation de 100% des économies à des mesures favorisant la conciliation entre travail et vie de famille. À commencer par une meilleure rémunération du congé parental et la suppression de la condition d’ancienneté. Nous plaidons pour une augmentation de la rémunération du premier mois de congé parental de 879€ à 1 500€ (2 000€ pour les familles monoparentales), puis progressivement à 100% du salaire.
Le ministre des Finances estime que d’autres aspects de la réforme fiscale compenseront en partie la perte du quotient conjugal. Selon le Conseil supérieur des Finances, la suppression du quotient conjugal rapportera 442 millions au fédéral, 42 millions à la Wallonie et 9 millions à Bruxelles. La totalité de ces moyens sera-t-elle affectée aux mêmes publics ? Il est permis d’en douter. Si ce n’est pas le cas, des ménages y perdront.

À LIRE AUSSI

Futurs tarifs à la SNCB : mieux prendre en compte tous les profils de familles

Société

Futurs tarifs à la SNCB : mieux prendre en compte tous les profils de familles

Des loisirs plus accessibles et qualitatifs pour nos enfants

Société

Des loisirs plus accessibles et qualitatifs pour nos enfants

Où sont passés les nouveaux pères ?

Société

Où sont passés les nouveaux pères ?

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies