Grossesse

Le papa, naturellement au premier plan

Le papa et l'accouchement

PRÊTS POUR LE JOUR J ?

Aujourd’hui, cela va de soi que les pères assistent à l’accouchement. Il y a un consensus là-dessus, c’est devenu la norme. Futur papa, le jour J, vous aurez votre place en salle d’accouchement. Puis, fraîchement devenu père, vous verrez, selon les possibilités qui s’offrent à vous, si vous restez dormir à la maternité, aux côtés de la maman et de votre bébé – cela est devenu courant. Pour faire votre bulle à vous… Jour J. Comment vivez-vous cette réalité ? Et comment la maman la vit-elle ? Racontez-vous mutuellement cette naissance : la vivre activement sur la table d’accouchement ou la vivre comme témoin, ce n’est pas pareil. Le tourbillon des émotions n’épargne personne…

Les papas au premier plan à l’accouchement… Et pourtant, ils se sentent bien patauds, parfois. « Mathieu était un peu perdu. Même s’il savait ce qu’il avait à faire, dans le stress, il avait besoin d’être guidé, d’abord par la sage-femme, puis par le gynéco », se souvient Caroline. Ce besoin d’être très concrètement accompagné, conseillé, aiguillé n’est, en fait, pas propre au père, relativise d’emblée Reine Vander Linden, psychologue en périnatalité. « La mère le ressent aussi, surtout quand c’est son premier enfant. Ce qu’elle a à vivre est nouveau, elle ne sait pas ce qui l’attend, même si elle en a parlé avec des professionnels, même si elle a suivi des préparations. » Bref, voilà un point sur lequel, futurs parents, vous pouvez vous rejoindre, « chacun veillant à ce que l’autre soit effectivement guidé ». Et donc, futur papa, il n’y a pas de honte à chercher votre place en salle d’accouchement, à demander de l’aide, à poser des questions.

Une présence qui compte

« Alexia et moi, on s’était préparés avec une sage-femme spécialisée en haptonomie. Je voulais être utile, témoigne Stan. L’accouchement s’est bien déroulé. Je ne me suis pas senti inutile, mais de là à dire que j’ai été utile… Quand les contractions se sont intensifiées, je n’ai rien pu faire. Je me suis senti impuissant : c’est un sentiment désagréable. J’ai massé les jambes d’Alexia, comme on me l’avait appris, pour qu’elle puisse oublier la douleur, en tout cas pour qu’elle l’accepte mieux. » Ce besoin de servir à quelque chose lors de l’accouchement, la plupart des papas disent l’éprouver. Comme ils disent ressentir in fine un sentiment d’impuissance. Ce qu’ils font leur semble bien peu de choses, comparativement à tout ce que vit leur compagne dans son corps et à tout ce qu’elle fait – pousser, résister à la douleur…

Être là, présent, c’est énorme ! Beaucoup de mamans disent que c’est ce qu’elles attendent le plus de leur compagnon. Ne pas être seules. Sentir que leur partenaire vit l’aventure avec elles. Faire l’expérience de cette solidarité

Et pourtant… Être là, présent, c’est énorme ! Beaucoup de mamans disent que c’est ce qu’elles attendent le plus de leur compagnon. Ne pas être seules. Sentir que leur partenaire vit l’aventure avec elles. Faire l’expérience de cette solidarité. « Le fait de sentir l’autre présent, attentionné, ouvert sur les petits détails – un petit massage qui fait du bien, un peu d’eau quand on a soif… –, c’est vraiment précieux pour les femmes, elles l’expriment clairement », insiste Reine Vander Linden. C’est une façon, pour les papas, de montrer à leur partenaire qu’ils ne la lâchent pas – « Elle avait mal, mais j’ai supporté avec elle sa douleur », « Je ne me suis pas enfui »…

Reprendre son souffle

Ceci n’empêche pas, lors des différentes étapes de l’accouchement, de désirer à certains moments « reprendre son souffle » loin de l’autre, d’exprimer des besoins spécifiques. C’est, pour la femme, oser dire à son compagnon : « Je préfère être un peu seule » ; c’est, pour l’homme, arriver à dire à sa compagne : « J’ai besoin d’aller prendre un café ou de respirer un coup »… « Si, dans le couple, la femme et l’homme peuvent vraiment être branchés l’un à l’autre, s’ils sont dans un dialogue souple, cela passera bien, assure la psychologue. Sinon, il y aura un risque que cela soit vécu comme un lâchage, une fuite, un désintérêt… »
Futur papa, dans ces derniers jours de la grossesse, vous vous rendez peut-être compte que votre femme se réfugie dans sa bulle de maternité, obnubilée par des préoccupations hyper-concrètes du style « Est-ce que je vais arriver à accoucher ? Est-ce que mon corps va y parvenir ? ». Un retrait à respecter, pour Reine Vander Linden : « Même si le futur papa ne peut pas pénétrer dans l’univers de sa femme à ce moment-là, c’est important qu’il lui montre qu’il s’y intéresse, qu’il est là, présent, et qu’il ne la lâche pas. Et ce, non pas en la rassurant à tout prix et en lui répétant : "Ça va aller, ne t’inquiète pas…", mais en accueillant ses peurs, ses émotions, ses angoisses qui sont quand même bien légitimes. »

ZOOM

Une présence de choix

Chaque histoire est foncièrement singulière. En même temps, quelle que soit leur réalité particulière, la plupart des femmes qui sont sur le point d’accoucher expriment des besoins similaires. « Comme une présence bienveillante à leurs côtés, lors de l’accouchement. Une présence indispensable », dit et redit la psychologue Reine Vander Linden.
Que le couple soit hétéro ou homo ne change rien à l’histoire. Ainsi, au sein du couple homosexuel, la femme qui accouche attend de sa compagne qu’elle soit là, présente, qu’elle partage avec elle ce qu’elle est en train de vivre, qu’elle la soutienne, qu’elle réponde à ses demandes hyper-pratiques, qu’elle réceptionne ses émotions (sans chercher à les modifier ou à les distordre)…
D’une manière générale, il est important que la femme puisse être accompagnée de la personne de son choix. Parfois, ce choix peut paraître étrange aux yeux de l’entourage ou de l’équipe des soignants. Quand, par exemple, il s’agit de la meilleure amie, du meilleur ami ou de la future grand-mère. « Mais si la femme qui accouche veut cette personne-là à ses côtés et personne d’autre, son choix est à respecter : c’est cette personne-là, point. »

LES PARENTS EN PARLENT…

Pas si trash !
« Le papa était très angoissé à l’idée de l’accouchement : ça a été la peur de sa vie depuis longtemps ! Au début, mes contractions étaient fortes, il me massait. Puis, j’ai eu une péridurale et la douleur s’est calmée. Il n’avait plus rien à faire, si ce n’est être là, attendre près de moi. Pour moi, c’était suffisant… Quand j’ai dû pousser, il s’est mis au niveau de ma tête pour ne pas trop voir ce qui se passait. Il s’attendait à quelque chose de plus trash. Il n’imaginait pas que cela se passerait si facilement. Il pensait en garder un souvenir atroce, sanglant. Une fois l’accouchement derrière nous, il s’est senti soulagé. C’est aujourd’hui un très bon souvenir pour lui. Je l’ai vu très ému quand on a mis Adam sur moi. »
Alicia

Quelle place pour les papas ?
« Ma première fille est née à 29 semaines. Cela a été très difficile à vivre. Elle est restée cinq semaines en néonatologie. Les pères ne sont pas assez intégrés dans les hôpitaux. Il n’y a pas de place pour eux. Par exemple, c’est toujours aux mamans que les professionnels s’adressent. J’invite les futurs papas à prendre leur place. »
Florent

Mal pour l’autre
« Au moment de l’accouchement, Adriano s’est senti inutile. Je voyais bien qu’il n’était pas bien pour moi. Si notre sage-femme avait été présente (elle était en vacances ce jour-là), peut-être qu’il se serait senti plus zen… »
Cécile

Porte-parole
« À la base, je ne voulais pas de péridurale. Mais, dans la voiture, en route vers l’hôpital, j’ai quand même prévenu Mathieu : "Si jamais j’ai trop mal et qu’on te demande si je veux une péridurale, dis oui." J’avais changé d’avis, j’avais trop peur de ne pas supporter la douleur. Mon homme allait être mon porte-parole s’il le fallait. »
Caroline

À son service
« Question préparations, j’ai dit à ma compagne : "Tout ce que tu veux, on le fait." C’est elle qui allait devoir fournir tous les efforts, alors elle se préparait comme elle le voulait ! On s’est rendus à la maternité après dix heures de travail à la maison. Je n’ai conduit la voiture ni trop vite, ni trop lentement, juste comme il fallait, m’a-t-elle dit. Je me sentais utile. Comme je suis infirmier, je savais comment l’aider à se déshabiller et à mettre sa blouse. Là aussi, je me sentais utile. Dans la salle d’accouchement, j’étais content d’être là, près d’elle. Mon rôle ? Lui donner le plus vite possible ce dont elle avait besoin. »
Fabien