Développement de l'enfant

Le plaisir des « mots-sons »

Langage : le plaisir des « mots-sons » chez votre enfant

Votre enfant a déjà découvert le plaisir des bruits qu’il peut produire avec sa bouche et sa langue. À partir de 1 an ou un peu plus, il passe du plaisir des sons au plaisir des « mots-sons ». Oui, cette musique parlée par vous et son entourage a un sens. Il la déchiffre de mieux en mieux chaque jour. Il comprend presque tout ce qu’on lui dit. Il essaie de mettre du sens sur ses babillages. « Bababapapa », entonne-t-il avec entrain. L’a-t-il dit ? « Papa » ? Serait-ce son premier mot ? Peut-être bien que oui. Ou, du moins, le premier mot que vous entendez ou que vous reconnaissez. Car si votre enfant est déjà dans le langage, cela ne signifie pas qu’il soit tout de suite compris de tous.

Tendez bien l’oreille, vous entendrez des sons qui se répètent et qui se précisent. Ses premiers mots arrivent à pas de souris. Ils sont souvent entendus entre les 12 et 14 mois de l’enfant, parfois plus tard. Entendus… ou plutôt reconnus. Car ils ne sont pas toujours complets ni impeccablement prononcés. « To ! », c’est peut-être la moto qui vient de passer. Mais ça peut aussi être une auto ou tonton… Si vous ne comprenez pas votre enfant, suivez son regard. Le mot remis dans son contexte est souvent plus compréhensible.

Certains enfants disent une dizaine de mots

Entre 1 et 2 ans, le vocabulaire de votre enfant s’élargira de quelques mots. La prononciation se précisera aussi. Car, dans sa tête, beaucoup de sons sont fixés avant qu’il ne soit capable de les répéter parfaitement. Il dit peut-être « ssa » pour chat, mais il entend la différence dans votre bouche entre « ça » et « chat ». Si, pour rire, vous lui demandez s’il n’a pas vu le « ssa », il pourrait bien vous répondre : « Pas le ssa, le ssa ! » Mais pas à 1 an, pas encore, et sûrement pas pour tous les enfants. Les scientifiques observent une grande variabilité dans l’acquisition du langage par les petits. À 1 an, certains prononcent une dizaine de mots, tandis que d’autres ne commencent à parler que six mois plus tard.

Entre 1 et 2 ans, le vocabulaire de votre enfant s’élargira de quelques mots. La prononciation se précisera aussi

Avant de savourer les premières petites phrases de votre enfant, guettez ses premiers mots, ainsi que tous les échanges de communication. Car le langage ne se limite pas aux mots. Il y a les babillages qui résonnent, mais aussi toute la gestuelle et les regards qui permettent d’entrer en contact ou d’échanger avec son petit. Les pédiatres sont d’ailleurs souvent attentifs à ces signes de communication et vérifient si les bébés regardent une personne qui leur parle et s’ils réagissent à leur prénom.

Parler grâce aux oreilles

« Mon filleul Loann ne parlait quasi pas à 18 mois, parfois un peu seul dans son coin, il ne nous répondait pas quand on l’appelait et semblait toujours distrait. Il marchait un peu en se dodelinant et se cognait. Heureusement, une amie médecin nous a suggéré d’aller voir un ORL. Loann avait du liquide derrière les tympans, qui l’empêchait tout simplement d’entendre comme tout le monde. En fait, il entendait comme s’il avait la tête sous l’eau. Tous les sons qui l’entouraient étaient étouffés. Normal qu’il ne nous répondait pas et qu’il perdait son sens de l’équilibre », témoigne Nadège. Une fois le problème dépisté et corrigé, il a pu entendre, comprendre et à son tour babiller avec entrain ! « C’est devenu un autre petit garçon, beaucoup plus ouvert et curieux depuis qu’il entend mieux. Quelle joie de voir ses progrès », ajoute fièrement sa marraine.
Mais un enfant de 1 an qui ne parle pas encore n’a pas forcément de soucis d’audition. Avant 18 mois, pas d’inquiétude si les mots ne sortent pas bien. Surtout si l’enfant grandit dans un monde multilingue. « Je parle anglais à notre fils, mon mari lui parle français et on a choisi de le mettre dans une crèche néerlandophone. Pour l’instant, il est vraiment loin de parler, ça n’a pas l’air de l’intéresser du tout. Il observe, se laisse vivre et servir comme un petit roi. La surprise, c’était hier à la crèche quand une puéricultrice m’a dit que Robin était toujours le premier à dire "nog, nog" pour demander d’être resservi à l’heure du repas. Donc, en fait, il connaît déjà au moins un mot, en néerlandais », témoigne Mary, maman de Robin, 15 mois.

Une bouillie de langues

Si les premières phrases d’un futur bilingue ressemblent à une bouillie de langues différentes, pas d’inquiétude ! L’enfant fera rapidement le tri si ses parents respectent le principe « une langue par parent ». Il faut lui laisser le temps d’enregistrer et de mettre tout cela en pratique. Une fois qu’il aura fait le switch, que son cerveau aura compris la gymnastique, il aura de réelles facilités à apprendre d’autres langues. Mais ce n’est pas tout. Cette expérience bilingue aura des répercussions positives sur d’autres aspects de sa vie, notamment la créativité.

EN PRATIQUE

Comment l’aider à parler ?

Pour aider votre enfant à développer son langage, commencez par éteindre la radio, la télévision et tous les jeux musicaux ou bruyants qui risquent de le distraire.
Mettez-vous en face de lui et « discutez » avec lui. Racontez-lui ce que vous faites ou commentez ses exploits. Nommez les objets qu’il regarde ou manipule. N’hésitez pas à placer le mot le plus important à la fin de la phrase, position stratégique pour que l’enfant le retienne.
Quand c’est votre enfant qui prononce un mot, répétez-le et n’hésitez pas à l’inclure dans une phrase complète. « Delo ! » « Tu veux boire de l’eau ? Tiens, voici de l’eau. »
Et surtout, ne vous lassez pas de lui raconter des histoires.

LES PARENTS EN PARLENT…

Frustré de ne pas parler ?!
« J’ai l’impression qu’on est dans l’âge des frustrations. Notre petit essaie de parler. Il veut nous dire plein de choses, s’énerve et crie quand il est incompris. Dans son regard, on passe pour des imbéciles parce qu’on ne le comprend pas… Et ça finit presque en drame. Hier encore, j’ouvre le frigo et il me dit un truc – "gnaa" –, je me demande ce qu’il veut, je lui propose un verre de lait, un yaourt, il demande de plus en plus fort – "gnaaaaa" –, je sors une tranche de fromage, un bout de saucisson, rien à faire, ses cris sont de plus en plus stridents, il se met même à se rouler par terre, c’est horrible ! Je sors une carotte, une branche de céleri et là, derrière les légumes, je vois une petite grappe de raisins un peu brunis. Ses yeux s’illuminent, ses cris cessent : j’ai trouvé l’objet de ses désirs, le trésor qu’il espérait. Rhaaa, j’ai cru que j’allais devenir fou. Vivement qu’on se comprenne, tous les deux ! »
Pierre, papa de Félix, 14 mois

« Elle dit "caca" pour "papa", enfin je crois »
« Ça y est, ma fille Ernestine a dit son premier mot, c’est "caca". "Caca" pour notre petit chien, Cacahuète. Mais elle dit aussi "caca" quand elle veut encore de la panade et même "caca" quand elle appelle sa mère ou moi… Quelle cata ! »
Thomas, papa d’Ernestine, 13 mois

L’AVIS DE L’EXPERTE

À 1 an, les enfants comprennent énormément

Julie Bertels, chercheuse à l’ULBabyLab* et professeure de psychologie du développement cognitif de l’enfant à l’Université libre de Bruxelles

À 1 an, les enfants comprennent déjà énormément. Ils saisissent le sens de quasi tout ce qu’ils rencontrent dans leur quotidien. Ils ont déjà un petit vocabulaire de base, disent « maman », « papa », « bébé »… et comprennent beaucoup plus que ce qu’ils peuvent exprimer.
S’ils ne s’expriment pas du tout, les parents ne doivent pas s’inquiéter. Le développement est très personnel et peut avancer à différents rythmes.
Comment l’enfant apprend-il à parler ? Au BabyLab, on se centre sur l’apprentissage des régularités dans une langue. C’est-à-dire que l’enfant entend un langage sans pause entre les mots et associe les syllabes qu’il entend souvent ensemble. S’il entend « jolie maman », il ne sait pas que ce sont deux mots distincts mais, au fil des conversations, il pourra repérer cette régularité, repérer que « jo » et « lie » sont plus souvent ensemble que « lie » et « ma », et que « jolie » signifie donc quelque chose. Quand l’enfant extrait une régularité, qu’il repère un mot dans une phrase d’adulte, il peut mettre un label dessus.
Dans cette optique d’apprentissage des régularités, les parents peuvent utiliser souvent des mots simples dans des phrases assez courtes pour que l’enfant les entende et les reconnaisse dans différents contextes.

* LULBabyLab, créé par l’ULB, fait partie de l’Unité Conscience, Cognition et Computation et du Centre de Recherche Cognition et Neurosciences. Pour ses études sur le développement du langage et les capacités cognitives du jeune enfant, il recherche des bébés « volontaires ».