Développement de l'enfant

« Les grands-parents représentent, avec l’entrée à la crèche, une première étape en dehors du noyau familial. Une expérience importante pour l’enfant, les parents et les grands-parents, un jeu de découvertes, se réjouit Julien, heureux papa d’Agathe, 3 ans, et de Félix, 5 mois. Les grands-parents se révèlent dans un nouveau rôle à inventer. En confiant leur bébé aux grands-parents, les parents apprennent à passer du temps sans lui et peuvent souffler un peu. Et le bébé, lui, noue de nouvelles relations, en ayant toute la sécurité affective qu’il faut. C’est gai pour lui, même tout petit, de voir que les choses peuvent se passer autrement qu’à la maison. »
Selon Le Baromètre des parents 2024 de la Ligue des familles, quand un jeune enfant ne fréquente pas la crèche, dans un peu moins d’un tiers des cas (31 %), ce sont les grands-parents ou un autre proche qui s’en occupent (au moins une partie du temps). Autre donnée chiffrée, tirée quant à elle du Baromètre des parents 2020 : quand l’enfant est malade, 33 % des parents disent recourir à leurs propres parents pour le garder. C’est dire combien les grands-parents s’impliquent dans le quotidien de leurs petits-enfants !
Grands-parents disponibles… jusqu’où ?
« Ma belle-mère garde Émilie (2 ans) depuis ses 4 mois et Ben (5 mois) depuis ses 3 mois. C’était convenu bien avant leur naissance. Du coup, on vit cela sur un mode cool », raconte Aurore. Savoir tôt que vous pouvez compter sur vos parents est rassurant. Les raisons qui vous poussent à faire garder votre bébé par les grands-parents sont diverses. Parmi elles, il y a la question financière et celle du manque de places dans les milieux d’accueil. Donc, souvent, les parents font une demande de disponibilité « structurelle » aux grands-parents, par exemple un jour par semaine.
« Certains grands-parents, plutôt libres dans leur emploi du temps, sont vraiment heureux de pouvoir répondre positivement à une telle demande. Mais beaucoup d’autres travaillent encore et s’inquiètent de ce type de sollicitation, surtout s’ils appartiennent à la génération sandwich et qu’ils doivent, en plus, s’occuper de leurs propres parents de plus en plus dépendants. Ils sont prêts à être disponibles, mais pas systématiquement ! », observe Reine Vander Linden, psychologue en périnatalité. Côté grands-parents, il y a donc souvent la joie d’avoir toute la confiance des parents pour garder le bébé. Mais ils éprouvent peut-être aussi du malaise parce que leur oui n’est pas tout à fait franc – « J’ai envie de garder mon (mes) petit(s)-enfant(s)… mais j’ai aussi besoin de temps pour souffler » –, sans compter la crainte d’une trop grande fatigue à la longue. Côté parents, au-delà du plaisir de confier le bébé aux grands-parents, il peut y avoir de la culpabilité – « Ils acceptent de nous dépanner, mais je ne sais pas si c’est lourd pour eux ». Et un peu de déception ou de reproche aussi – « Mes parents ont longtemps attendu d’avoir un petit-fils ou une petite-fille et, là, ils ne sautent pas de joie à l’idée de s’en occuper une fois par semaine », « Ils font plus pour ma sœur ou mon frère que pour moi »…
Les relations entre grands-parents maternels et grands-parents paternels peuvent être teintées de complicité comme de rivalité
« Cette question de la disponibilité est vraiment difficile, reconnaît Reine Vander Linden. Parents et grands-parents devraient oser s’en parler ouvertement. Ils devraient pouvoir expliciter librement leur position, leurs envies et leurs freins. Et ce, idéalement, avant la naissance de l’enfant. » Et la psychologue de préciser : « Il faut en discuter de couple à couple. Pourquoi est-ce presque toujours les grands-mères qui reçoivent des remarques sur le fait qu’elles ne sont pas assez disponibles ? »
Situations particulières : parfois, les parents ne souhaitent pas confier leur bébé aux grands-parents. À cause de tensions tenaces entre eux. Ou parce qu’un grand-parent a un usage excessif d’alcool ou de médicaments.
La question de la juste place
Quelle juste place pour les grands-parents ? « La question est délicate, prévient Reine Vander Linden. Cela dépend de la tonalité du lien que les parents avaient avec eux préalablement. Si les grands-parents sont plutôt intrusifs, du genre à avoir un certain contrôle sur leur fils ou leur fille, ils risquent de le garder, ce contrôle, par rapport à la génération suivante, et donc par rapport à leurs petits-enfants. Bien sûr, parents et grands-parents peuvent discuter de cette question de la juste place, mais il ne faut pas se leurrer : les choses ne vont pas fondamentalement changer pour autant. »
Avec un bébé de 5-6 mois, les principes éducatifs tournent beaucoup autour de la gestion des pleurs et du sommeil. « Par chance, on est sur la même longueur d’onde avec les parents de ma compagne, témoigne un jeune papa. On a la même façon de réagir face aux pleurs d’un petit bébé : comment on le rassure, comment on lui dispense de la tendresse pour qu’il se sente bien, comment on fait pour qu’il s’endorme dans les meilleures conditions… »
Grands-parents maternels, grands-parents paternels
Les relations entre grands-parents maternels et grands-parents paternels peuvent être teintées de complicité comme de rivalité. « La réalité est fortement liée à la manière dont le couple de parents gérait ses contacts avec les grands-parents avant l’arrivée du bébé. Et là, la présence ou l’absence de tensions autour de l’organisation du réveillon de Noël constitue un bel indicateur ! Si le couple de parents n’est pas suffisamment soudé face aux couples de grands-parents, s’il en arrive à des "Ma mère trouve que ta mère est comme ceci ou comme cela…", il y a un risque de voir surgir des difficultés. Ce n’est pas tant ce qui se passe entre les grands-parents qui est ici important, mais ce qui se joue au sein du couple de parents par rapport aux grands-parents. »
Au fil des rencontres et des retrouvailles entre votre bébé, ses grands-parents et vous, il y a du bon, du très bon à prendre : la joie de voir vos propres parents s’émerveiller devant votre tout-petit. « Une belle opportunité, pour les parents, de nourrir leur regard du regard des grands-parents – "Regarde, comme il est chouette, ton bébé". Et ainsi de sortir, si besoin, de la fatigue ou de l’énervement. Ce regard, légèrement décalé, offre un peu d’essence à la machine du plaisir. »
Parfois, vous avez juste besoin de « lâcher » votre bébé en des mains sûres pour dormir correctement, récupérer un peu, vous offrir une soirée en amoureux. Les grands-parents dépannent. Coup de chapeau à eux ! Merci à eux !

UNE GRAND-MÈRE RACONTE
Le plaisir de prendre le temps
Un grand-parent n’est pas l’autre. Paroles d’une grand-mère, parmi beaucoup d’autres donc. « J’ai commencé à garder Isaline à ses 5 mois. On avait parlé de cette possibilité avec mon fils et ma belle-fille un peu avant la naissance, raconte Sophia. J’ai juste dit que j’étais prête à prendre congé un jour par semaine pour m’en occuper : j’étais motivée, mais je ne voulais rien imposer, c’était à eux de décider. Et ils ont accepté.
C’est important de connaître son rôle, sa place. Je donne du bon et je veux prendre du bon. Les parents font grandir l’enfant. Ils disent d’ailleurs souvent : "Comme il grandit vite !" Nous, grands-parents, on prend le temps et on lui laisse du temps. C’est gai. Je mets Isaline sur son tapis. Je lui présente des jouets, je lui fais écouter des mélodies, je lui donne des petits livres. Je l’observe beaucoup. Je pense que les grands-parents ont une notion du temps différente de celle des parents. Les bébés sentent qu’ils ont le temps. Cela les sécurise.
Je reçois des consignes claires de mon fils et de ma belle-fille. Je les suis. Quand on est grand-parent, il faut faire confiance à ses enfants. Ne pas les conseiller à tout-va, mais attendre qu’eux soient demandeurs de conseils. Sinon, ça casse la communication. C’est stratégique. Laisser les parents trouver "leurs" solutions. Attendre qu’ils soient intéressés d’avoir notre avis. »
LES PARENTS EN PARLENT…
Trop petite encore
« On n’est pas fans de demander aux grands-parents de garder Alix : elle est encore trop petite. Jusqu’à maintenant, chacune des grands-mères l’a gardée une fois une heure. Cela sera plus facile quand elle commencera à parler. »
Sandra, maman d’Alix
Un temps plein à la crèche, c’est plus simple
« Kate va à la crèche tous les jours. On ne sollicite donc pas les grands-parents pour qu’ils la gardent en journée. C’est plus simple qu’elle soit à temps plein à la crèche : on reproduit tous les jours le même schéma. De même, les grands-parents ne vont pas la rechercher à la crèche, parce que j’ai envie de recevoir les infos en direct des puéricultrices. Ils se chargent, par contre, d’aller chercher notre Gaston, 4 ans, à l’école. Ils le font quatre jours par semaine. Ça fait moins de trajets pour moi, ça allège ! »
Any, maman de Gaston et de Kate
Une habitude ?
« On s’habitue vite à ce que les grands-parents soient dispos ! Il ne faudrait pas considérer cela comme naturel, normal. On ne devrait jamais perdre de vue la reconnaissance qu’on leur doit. »
Nicolas, papa de Nathan
Couper la poire en deux
« D’après ce que j’entends autour de moi, il y a d’office de la rivalité entre les grands-parents des deux bords. Et je la sens entre mes parents et ceux de mon chéri. Par exemple, si on demande à ses parents de prendre Nour le week-end, ma mère va tout de suite me dire : "Tu ne dois pas hésiter à faire appel à moi…" Parfois, on coupe le week-end en deux. Oui, il y a de la rivalité, mais cela n’entache pas les relations, c’est surmontable, plutôt léger… »
Souad, maman de Nour
Lâcher prise
« Au tout début, je supportais mal que ma belle-mère me donne tout le temps des conseils : sur le sommeil, les pleurs, l’utilisation du berceau… Ma philosophie, maintenant : faire confiance. De toute façon, quand ton enfant est chez ses grands-parents, tu n’es pas là. J’ai besoin d’eux. Donc, je lâche prise. Ce qui se passe chez eux, c’est chez eux. J’essaie de garder une distance. Je n’ai pas envie d’être intrusive. Je me contrôle. Si mon bébé dort chez eux, je demande juste si la nuit s’est bien passée. »
Paola, maman de Lila
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