Vie pratique

La palette des nuances grand-parentales au XXIe siècle est large, mais les grands-parents ne se sont pas éloignés de leurs missions de transmission et d’ancrage dans l’historique familial. Comme les autres générations, leur quotidien est engagé dans des enjeux propres à notre époque, sociétaux, environnementaux, conjugaux ou personnels. Benoît Schneider, professeur émérite en psychologie à l’université de Lorraine (France), investigue les problématiques familiales sous l’angle de la grand-parentalité et des questions intergénérationnelles. Avec lui, nous avons tenté de baliser la grand-parentalité d’aujourd’hui.
Être grand-parent en 2023, qu’est-ce que cela veut dire ?
Benoît Schneider : « Être grand-parent il y a une trentaine d’années et l’être aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même chose. On peut tout d’abord l’expliquer simplement par des facteurs démographiques, comme l’amélioration de la santé globale, l’augmentation de l’espérance de vie qui en découle (ndlr : en Belgique, l’espérance de vie globale est passée de 69 ans à 81 ans depuis 1960 selon Statbel), et puis, plusieurs évolutions sociétales, comme une sorte de bascule vers une meilleure valorisation de la fonction grand-parentale. Lorsque ce nouveau chapitre de la vie familiale démarre, la représentation de soi qu’a un grand-parent est celle d’une personne en bonne santé. Il y a trente ou quarante ans, lorsqu’on devenait grand-parent, on se disait : ‘Pourvu que j’ai quelques années devant moi pour en profiter’. Aujourd’hui, lorsqu’on rentre dans la grand-parentalité pour la première fois, on travaille encore, on sait qu’on a de fortes chances de voir ses petits-enfants grandir et devenir adultes. Dans les classes moyennes et suffisamment aisées, l’aspiration qu’on a à entrer dans les années de retraite nous donne parfois envie d’autre chose que de grand-parentalité. On veut bien jouer au grand-parent pour ce que ce rôle a de gratifiant et d’enrichissant, mais pas au prix de sacrifices trop importants, en sauvegardant sa disponibilité, ses voyages, sa vie sociale, sa liberté. Chaque grand-parent aura donc un seuil de tolérance par rapport à la charge grand-parentale. »