Développement de l'enfant

Les nuits, toujours fatigantes

Quand les nuits sont difficiles avec un bébé de 3 mois

À partir de 6 semaines, la plupart des bébés sont capables de dormir six heures d’affilée la nuit. Une heureuse évolution, diront leurs parents ravis ! Et cette tendance continue à se renforcer pour atteindre neuf heures de sommeil vers 3 mois, lesquelles peuvent être interrompues par un rapide repas. « La plupart des bébés », écrit-on. Et les autres ? Leurs pauvres parents sont-ils voués à des insomnies à répétition ? Rien n’est définitivement joué !

Quelques pistes avec Micheline Cleeremans, sage-femme à domicile, pour sortir de soirées trop marquées par l’énervement ou l’inquiétude.

Le rooming-in, toujours d’actualité

Le bébé, à 3 mois, dort dans la chambre des parents, séparé d’eux, mais tout proche aussi. Le rooming-in, ou chambre partagée, est recommandé jusqu’aux 6 mois de l’enfant environ. C’est, rappelons-le, une des mesures de prévention de la mort subite du nourrisson (on recourt à ce terme pour parler du décès inopiné de bébés apparemment en bonne santé et âgés de moins de 1 an).
À partir du moment où le bébé commence à passer ses nuits, pas mal de parents pensent néanmoins qu’il est temps de le mettre dans sa chambre. Une suggestion ? Entre 3 et 6 mois, vous pouvez progressivement éloigner le petit lit de votre enfant pendant la nuit. Alors que, juste après la naissance, le berceau était collé à votre lit pour permettre à votre bébé de percevoir votre présence et pour que, sans que vous vous leviez, vous puissiez répondre au mieux à ses besoins, voilà que petit à petit ce même berceau va par exemple migrer vers un coin de la chambre parentale. Des mamans qui appréhendent un tel éloignement (leur cœur et leur cerveau ne sont pas encore prêts pour cela) usent d’astuces. Même si elles procèdent par étapes… Certaines occultent d’abord les espaces entre les barreaux du petit lit, « comme ça, mon bébé ne me voit plus ». D’autres préfèrent installer, dans un premier temps, un paravent entre le lit de l’enfant et celui des parents. Et puis, certains bébés dorment très bien dans leur chambre, avec les portes grandes ouvertes ou avec un baby-phone performant à leurs côtés. Il y a, en fait, des tas de façons de faire.
Le principal, c’est d’avancer comme vous le sentez, de faire évoluer vos pratiques si vous êtes prêts pour cela. Il est sans doute plus difficile pour les mamans que pour les papas d’apprivoiser l’idée de ne plus passer les nuits tout près de l’enfant. Surtout, expliquez calmement les changements en cours à votre bébé : il est capable de comprendre beaucoup de choses. Et dites-lui qu’il restera en sécurité en dormant un peu plus loin de vous et qu’il peut toujours se manifester s’il y a un problème.

S’endormir et se rendormir seul…

Que faire si, le soir venu, votre tout-petit ne parvient pas à s’endormir seul, autrement dit s’il reste dépendant de vous pour trouver le sommeil ? Rien de tel qu’un coaching serré, constate Micheline Cleeremans : « Expliquer à la maman que son petit ne va pas être mal loin d’elle, qu’il est normal qu’il s’endorme seul, qu’il est possible qu’il pleure cinq-dix minutes avant de s’endormir et, surtout, lui répéter que, malgré ses doutes, elle est une "bonne" mère, attentive aux besoins de son petit qui déjà grandit. »
Il y a des conseils très pratiques aussi. Un : vers 2 mois déjà, votre bébé peut faire la différence entre le jour et la nuit, et ce, d’autant plus si vous l’installez dans une ambiance douce, apaisante et feutrée dès le début de la soirée. À éviter, dès lors : les jeux (comme un mobile au-dessus de la tête qui stimule plus qu’il ne calme), la musique excitante, la télé et les autres écrans, les conversations animées… Deux : dès que votre bébé, fatigué mais encore éveillé, fait mine de s’endormir, déposez-le dans son lit. Éventuellement avec un doudou chargé de l’odeur maternelle (mais tous les bébés n’en ont pas besoin !), en lui souhaitant une bonne nuit ou en lui chantant une berceuse. Dès la naissance, les habitudes ou rites d’endormissement ont du bon, ne fût-ce que parce qu’ils calment les parents, les mettent dans une ambiance apaisante de nuit, ce qui contamine positivement l’enfant. Mais, désormais, votre bébé les reconnaît et, du coup, il les apprécie. Il anticipe, il sait qu’après le « bonne nuit » ou la berceuse, vient le dodo. Le sommeil est un phénomène neurologique : son évolution et sa régulation dépendent de la maturité cérébrale… et pas du remplissage de l’estomac ! N’instituez pas le repas comme rituel d’endormissement. Trois : éloignez-vous, sortez de la chambre et laissez votre bébé s’endormir seul, même s’il pleure un peu et que ses pleurs vous fendent le cœur. Faites-lui confiance, il grandit.

Le rooming-in est recommandé jusqu’aux 6 mois de l’enfant environ. C’est une des mesures de prévention de la mort subite du nourrisson

« L’inquiétude est apparue à partir du moment où Noé a bien dormi ! C’était le stress quand je ne l’entendais pas. Était-ce normal ? J’avais besoin d’entendre un bruit, pas un pleur, un bruit. Je devais me discipliner pour avoir confiance dans le baby-phone. J’étais dans un tel état que j’allais tout le temps vérifier s’il fonctionnait bien, raconte Zabel. Avec le recul, je ris de moi… » Vaincre vos propres peurs (en n’anticipant pas les problèmes) et, dès lors, faire confiance à votre bébé, c’est cela aussi lui permettre de devenir autonome pour s’endormir seul et retrouver seul le sommeil s’il se réveille au milieu de la nuit.

VOTRE QUESTION

Pouce vs tétine

Micheline Cleeremans, sage-femme

Le pouce et la tétine ne sont pas ma spécialité ! Mais quand les parents d’un bébé de 3 mois me posent la question « pouce ou tétine ? », il y a deux choses que je leur dis.

  1. Si un bébé trouve son pouce et le prend, il n’y a, en fait, pas grand-chose à faire. Sauf attacher sa main dans le dos comme on faisait jadis, ai-je envie d’ajouter en rigolant, ou ne pas lui enfiler la manche de son pyjama, comme ça on garde le bras dans le pyjama, ou mettre un produit très amer sur le pouce. Quelles horreurs ! Le bébé a toujours son pouce sur lui : impossible de l’empêcher de le sucer !
  2. En ce qui concerne la tétine, si un enfant en a besoin dans son lit pour s’endormir, c’est très bien mais il doit absolument être autonome par rapport à cet objet. Donc, s’il se réveille la nuit parce qu’il a perdu sa tétine, il ne faut pas que ses parents se précipitent pour la lui redonner. Il doit se rendormir sans l’aide d’un adulte qui viendrait lui remettre cinq fois, dix fois la tétine en bouche. C’est essentiel. Autre point important : quand, le matin, le parent sort le bébé de son lit, il laisse la tétine dans le lit. Il n’est pas question que l’enfant se promène toute la journée avec sa tétine en bouche. Je conseille déjà cette attitude quand le bébé a 1 mois, histoire d’anticiper les choses. Tant que le bébé n’a pas différencié le jour de la nuit, cela n’a pas énormément d’importance. Mais, à 3 mois, c’est indispensable : si on loupe cette fenêtre d’opportunité comme on dit, on est parti pour la gloire ! Et là, il faut rester fort, ne pas lâcher, car les enfants « négocient » terriblement ! Ceci est un avis tout personnel mais je pense que beaucoup de personnes le partagent…

LES PARENTS EN PARLENT…

Résister, tenir bon !
« Jade fait ses nuits depuis un bout de temps déjà. N’empêche, il y a toujours des nuits plus fatigantes que d’autres… Le pédiatre de l’ONE me conseille de la mettre au lit éveillée pour qu’elle puisse s’endormir seule. En plus, cela lui permet de se rendre compte qu’elle n’est pas abandonnée. S’il lui arrive de se mettre à pleurer au cours de la nuit, je dois la laisser pleurer et ne pas intervenir. J’essaie. Je ne vais pas dans la chambre, même si ses pleurs m’arrachent le cœur. "Résiste", me dit le papa. "Tiens bon", me conseille la grand-mère. Elle se rendort en général seule au bout de dix minutes, un quart d’heure. Au-delà d’un quart d’heure, j’interviens. Bien sûr, les pleurs de panique, c’est autre chose : là, j’accours. »
Camille, maman de Jade

Une fois, mais pas deux !
« Avec notre premier enfant, Romane, les nuits ont été horribles. Nous étions incapables de l’entendre pleurer la nuit, elle est donc restée dans notre lit pendant des mois. Nous avons eu les pires difficultés du monde à lui faire passer une nuit complète dans sa chambre. Elle a maintenant 2 ans et demi et ce n’est toujours pas gagné : elle dort souvent une partie de la nuit avec nous. Il est exclu de revivre cette expérience avec notre deuxième ! On ne nous aura pas deux fois… Dès qu’Elsa a eu 6 semaines, nous avons débuté notre training : la déposer éveillée dans son lit, la laisser pleurer cinq-dix minutes, et si, au bout de dix minutes, elle pleure toujours, venir la consoler sans la prendre dans les bras, mais surtout ne pas céder, ne pas craquer… »
Stéphanie, maman de Romane et d’Elsa