Crèche et école

Leur (re)donner l’envie d’avoir envie

La motivation se situe au carrefour des questions de sens, de compétence, de contrôle et de besoin. Comment agir sur ces ingrédients ? Deux coachs scolaires, un conseiller en orientation, un enseignant, une psychoéducatrice et une psychologue nous livrent leurs pistes.

► SENS || Trouver la bonne orientation

La question de l’orientation est essentielle pour injecter du sens. On la développe avec Philippe Fonck, directeur du CIO (centre d’information et d’orientation de l’UCLouvain).

La question du sens s’invite surtout à l’adolescence. Avant cela, l’élève fait son petit bonhomme de chemin sans trop se poser de questions. C’est vraiment en secondaire qu’il/elle opère ses premiers choix : qu’est-ce qui le/la fait le plus vibrer, latin ou néerlandais ? Dans quelle carrière se projette-t-il/elle ?
Philippe Fonck constate un besoin de sens généralisé chez les jeunes. Selon lui, trois raisons peuvent l’expliquer. Primo, l’élève a sous-estimé la charge ou la méthode de travail de l’enseignement choisi. Deuxio, son choix ne correspond pas ou plus à son aspiration profonde. Tertio, des éléments perturbateurs (problème familial, difficultés relationnelles…) le polluent.
Le CIO a développé une offre de service pour y répondre. Les entretiens individuels permettent aux conseillers et conseillères d’orientation de cibler la nature du problème. Si la difficulté porte sur l’apprentissage, la remédiation est la bonne piste. Si c’est un choix mal posé, c’est à la réorientation qu’il faut penser. Des ateliers de réorientation sont organisés à plusieurs moments de l’année. « Ils se déroulent sur trois jours et permettent au jeune de se retrouver avec des pairs confrontés à la même situation. Ensemble, ils vont travailler sur leurs intérêts, leurs compétences, le tout dans une dynamique de groupe ».
Le centre a également créé une série de capsules vidéo dans laquelle des jeunes témoignent de leur parcours de réorientation (à voir sur le compte YouTube du pôle académique de Louvain). Dans l’une de celles-ci, Jonathan utilise l’image du slinky, petit ressort qui descend les escaliers, pour illustrer son parcours. Après une formation en menuiserie, il décide d’embrayer sur des études d’anthropologie. Monté sur ressort lui aussi, l’étudiant explique comment cette première expérience professionnelle lui a servi à gagner en maturité et à aborder avec confiance ses études universitaires.
Les questions sociétales sont aussi très prégnantes chez les jeunes. Le contexte multi-crises est source d’anxiété. Le CIO a développé pour les 5e et 6e secondaire un atelier « S’orienter dans un monde en changement » pour répondre à cette préoccupation.

  • Le conseil aux parents : rien ne sert de s’enferrer dans un rôle de contrôle ou de prescripteur, le jeune en quête de sens a besoin d’écoute. Ne focalisez pas tout sur l’école, valorisez aussi ce qui est positif en dehors pour son estime de lui.
À lire, notre dossier : Orientation en secondaire : l’avenir commence aujourd’hui  

► COMPÉTENCE || Renforcer sa confiance

Lorraine Lassere est coach scolaire, elle accompagne des groupes d’élèves dans la préparation de leurs examens. C’est par le prisme de la compétence, et plus particulièrement de la confiance en soi, qu’elle aborde la motivation.

« La seule personne que l’on peut motiver, c’est soi-même. Le parent n’a qu’un accès indirect à la motivation de son enfant. En revanche, il peut emprunter le chemin de la confiance pour agir dessus. 
L’élève a besoin d’avoir confiance en ses compétences pour se mettre en action et persévérer. Je pars toujours de ce qu’ils/elles aiment faire et qui suscite leur motivation. C’est une manière de faire tomber les barrières entre l’école et l’extra-scolaire. On essaye de voir ensuite comment ils/elles peuvent transposer cette énergie positive dans la sphère scolaire.
Une autre manière d’y parvenir est de leur demander d’écrire sur des bouts de papier ce qui les rend fiers, que ce soit à l’école ou non. Si un de ces petits papiers est ‘la danse à la fancy-fair’, l’objectif, c’est de voir avec l’enfant ce que cette réussite a mobilisé comme compétence. Ici, ce sera par exemple le respect des consignes et la mémoire pour retenir la chorégraphie. »

  • Le conseil aux parents : « Je pense qu’il faut réhabiliter deux choses aux yeux des parents : l’erreur et la pause. Il y a toujours quelque chose à apprendre d’une erreur. C’est une opportunité, et comme le dit bien l’expression, c’est en se plantant qu’on fait les meilleures racines. La pause, elle, est souvent sous-estimée. Elle joue pourtant un rôle important dans l’apprentissage : éviter au cerveau de surchauffer et mettre de l’ordre dans les idées. Une pause doit être relaxante, récréative ou relationnelle. Comme le cerveau imprime mieux les informations en début et en fin de séance de travail, deux courtes séances de travail entrecoupées d’une pause valent mieux qu’une longue, on multiplie ainsi par deux les opportunités de retenir. »

► CONTRÔLE || Adapter son environnement de travail sur mesure

Gaëtan Gabriel est accrocheur scolaire à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il évoque l’environnement de travail comme un levier sur lequel l’élève a prise.   

« Pour commencer, on dédramatise l’Everest à gravir. Oui, il va falloir travailler, mais on va fixer un début et une fin et les définir en fonction du temps pendant lequel l’élève est capable de se concentrer. Structurer le temps, c’est aussi identifier les moments où son esprit est vif et ceux où placer les pauses.
Il y a d’autres éléments de l’environnement à prendre en compte : l’élève travaille mieux seul·e ou à plusieurs ? Dans sa chambre ou dans un lieu de vie ? Assis·e ou en mouvement ? En récitant tout haut ou en faisant des fiches visuelles ? La plupart du temps, il lui sera difficile de répondre à ces questions. C’est là que le parent intervient, en aidant son enfant à tester différentes formules. C’est un processus d’affinage que de construire un environnement de travail adapté. Tout le rôle du parent sera d’accompagner, il n’y a pas de baguette magique, à chacun de trouver la formule qui convient. »

  • Le conseil aux parents : avec un élève démotivé, la première chose à faire, c’est de normaliser. C’est normal de ne pas être motivé par tout, tout le temps. En tant que parent aussi, on éprouve de la démotivation. Le simple fait de le reconnaître apaise et rassure.

► SENS - CONTRÔLE || Les amener à se projeter

Valentine Anciaux, fondatrice de Psychoeducation.be, mise sur la piste de la projection pour doper la motivation des élèves qu’elle reçoit en consultation. Se définir un projet, un rêve, une destination, c’est injecter du sens, mais aussi reprendre le contrôle sur sa situation.

« J’utilise souvent un mètre et je marque une croix en dessous du chiffre qui correspond à leur âge. C’est une manière de leur faire réaliser qu’ils ne sont qu’au début de leur vie. Je leur demande ensuite de se projeter : comment te vois-tu quand tu auras 18 ans ?
Selon la personnalité, l’âge de l’enfant ou de l’ado, on peut choisir différentes portes d’entrée comme les quatre questions de Fred Pellerin, un conteur québécois : c’est quoi ton rêve ? C’est pour quand ? Qu’est-ce que tu as fait pour lui aujourd’hui ? En quoi ton rêve est bon pour le bonheur des autres aussi ?
Autre approche, jalonner les choses dans le temps. On peut le conscientiser avec la technique du 5-4-3-2-1 : qu’aimerais-tu faire dans cinq ans, dans quatre mois, dans trois semaines, dans deux jours et dans une heure ? Cette projection à échéances multiples fait que le cerveau s’enclenche et s’anime, cherche des perspectives à égrainer dans le temps pour l’aider à atteindre sa destination finale.
Le tableau de visualisation (vision board) fonctionne aussi très bien avec les plus visuels. C’est un collage géant composé d’éléments visuels inspirants que l’on place à un endroit de passage. Devant une photo d’un foulard scout et d’une plage, le cerveau comprend que s’il ou elle veut profiter de son camp scout et partir en vacances en famille, il faudra réussir sans examen de passage. »

  • Le conseil aux parents : peu importe la méthode, l’objectif est identique : sortir de l’instant présent et offrir de nouvelles perspectives. Chercher le truc plus grand qui allume son feu intérieur. Toucher du doigt sa motivation profonde et voir comment on peut l’amener sur cette voie.

► BESOINS || Choisir en fonction de ses besoins

Francine Belair est une psychologue canadienne. Depuis plus de trente ans, elle forme des professionnel·les à la théorie du choix.

Selon l’approche de la théorie du choix, nous éprouvons toutes et tous cinq besoins : sécurité, appartenance, pouvoir, plaisir et liberté. Aucun n’est supérieur à un autre, si ce n’est celui qui est en souffrance et qui va alors devenir prioritaire.
La force de cette approche ? C’est à l’enfant ou au jeune de choisir en fonction de ses besoins. D’habitude, c’est le parent qui décide pour son enfant. Ici, on permet à ce dernier de réfléchir et de poser des choix. Cela implique de la part du parent qu’il sorte de son rôle de prescripteur ou de conseiller, ce qui est assez inhabituel. Plutôt que de dire « Va travailler », il interroge : « Tu as du travail pour l’école ? Est-ce que travailler t’aidera à réussir ? Qu’as-tu fait jusqu’à présent pour réussir ? Est-ce suffisant ? ». En fonction des réponses, on pourra cibler le besoin en souffrance. Il a peut-être envie de jouer avant pour satisfaire son besoin de plaisir. Ou d’inviter un·e ami·e qui comprend mieux la matière pour satisfaire son besoin d’appartenance. Ou de se soustraire à la contrainte pour exprimer son besoin de liberté. Résultat : l’enfant fait l’expérience des conséquences de ses choix. Sa réussite lui appartient, mais son échec aussi. Comme son nom l’indique, l’approche implique de faire des choix. Oui, choisir, c’est renoncer. Oui, choisir, c’est se confronter. Mais c’est aussi se responsabiliser.

  • Le conseil aux parents : cette approche n’est pas incompatible avec l’exercice de l’autorité parentale. Il ne s’agit en aucun cas de laisser tout faire à l’enfant, mais bien de le questionner pour qu’il prenne conscience de la conséquence de ses actes. Le parent reste le capitaine du bateau, il donne un cadre, une direction.

► BESOINS || Présenter une proposition de travail sécurisante

Maurice Cornil est enseignant et directeur d’un service d’accrochage scolaire (SAS). Il reçoit chaque année des élèves qui ont décroché à qui il soumet une nouvelle proposition de travail.

« Il y a quelque chose dans le parcours des décroché·es qui est venu casser la dynamique scolaire. Ça peut être leur estime de soi qui a été abimée, le fait qu’on les catalogue ‘mauvais·e élève’, un problème de harcèlement ou familial… Tout à coup, ils/elles décrochent, pas seulement de l’école, de la vie sociale aussi. Au SAS, on leur soumet une proposition qui allie un travail personnel et une dynamique collective. Notre approche est très organisée et explicitée. On les informe du cadre de travail très structuré avec des règles, un horaire, l’interdiction d’avoir leur téléphone pendant les ateliers. Contre toute attente, c’est très bien accepté, c’est même sécurisant pour eux.
Notre travail se concentre surtout sur le vivre ensemble alors qu’à l’école, l’enseignant·e est centré·e sur le rapport au savoir. Cet enjeu du vivre ensemble, de faire groupe est certainement le besoin le plus important chez nos jeunes aujourd’hui. Les jeunes n’ont jamais été autant connectés virtuellement, mais déconnectés humainement. Pour leur développement, ils doivent rencontrer d’autres jeunes. C’est tout autre chose de se confronter à l’autre en présentiel que sur les réseaux sociaux. Les jeunes sont beaucoup trop plongés dans un monde rêvé avec leur smartphone, ils se construisent une identité virtuelle idéalisée plutôt que de s’affirmer tels qu’ils sont. Il y a un décalage entre ce monde imagé et la réalité de la vie. Certains s’enferment dans ce monde factice et sont de moins en moins aptes à se frotter au réel. »

  • Le conseil aux parents : « N’ayez pas peur de fixer des balises avec votre jeune. Bien sûr, elles ne seront pas toujours respectées, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas en mettre. Elles serviront de base au dialogue. Je reçois tellement d’appel de parents désespérés qui n’arrivent plus à réveiller leur ado le matin tout ça parce qu’il n’y a pas eu de cadre, qu’il a passé la moitié de la nuit sur son téléphone. »
À lire, notre dossier : Décrochage scolaire, symptôme d’une jeunesse fragilisée

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