Grossesse

Maternités : visites limitées pour plus de sérénité ?

Les visites en mode mineur pour cause de covid ont amené du calme dans les maternités. Au point de susciter des réflexions en profondeur afin d’essayer de conserver cette quiétude acquise lors de la crise sanitaire.

La crise sanitaire a bousculé l’organisation des hôpitaux. Elle les a mis en tension, parfois jusqu’à l’épuisement. Dans les maternités aussi, le coronavirus a chamboulé les modes de fonctionnement. Pour les familles, c’est l’interdiction ou la limitation drastique des visites qui ont été les éléments les plus visibles de cette réorganisation. Avec, à la clé, des répercussions jugées positives par les équipes qui accompagnent les jeunes mamans. Pour nous éclairer, nous avons contacté Julie Belhomme, cheffe de clinique d’obstétrique à l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles.
« Dans un premier temps, on a dû se poser la question de savoir qui on autoriserait à accompagner les mamans durant l’hospitalisation. Au départ, les papas n’étaient même pas admis si on s’en référait à la règle générale ‘zéro visite’ de l’hôpital. Heureusement, chez nous, on a pu obtenir que le papa puisse assister à la naissance de son enfant et qu’il reste auprès de sa femme. Seule contrainte, il ne pouvait pas partir et revenir. Les papas devaient rester tout le séjour avec les mamans. C’était assez chouette. »

Le reste de la famille, lui, ne pouvait pas venir ?
Julie Belhomme :
« Non. C’était d’ailleurs assez dur pour les grands frères, les grandes sœurs, qui n’ont pas pu faire connaissance avec le bébé à la maternité. Quand la première vague est passée, on a eu envie de faire revenir les fratries le plus vite possible parce que c’est un déchirement pour les mamans de laisser à la maison les plus grands. Des parents ont vécu ça douloureusement. Entre les deux pics, on a donc réussi à faire revenir les enfants. Puis, à la deuxième vague, on est reparti sur plus de sévérité. Actuellement, les frères et sœurs ne sont pas encore autorisés à revenir. Pourtant, c’est quelque chose qui est important pour la genèse d’une famille ou la construction d’une dynamique familiale. »

Avec ces limitations des visites, l’ambiance à la maternité a été complètement différente ?
J. B. :
« On s’est retrouvés avec une maternité hyper calme. Il faut dire que cette période connaissait aussi une petite baisse des accouchements. L’un dans l’autre, les couloirs se sont dépeuplés de quasiment tous les visiteurs. Il y avait moins de personnes et donc moins de bruit. Un autre rythme s’est installé. Beaucoup plus serein. Avant l’arrivée du covid, les visites se faisaient l’après-midi. Résultat, les sages-femmes essayaient d’organiser, de concentrer leurs soins et leur accompagnement afin que les mamans soient disponibles pour leurs visiteurs. Là, rien de tout cela. On a pu davantage étaler les soins sur une journée, de façon plus paisible. Ce n’est pas plus mal. Il faut savoir qu’aujourd’hui, les séjours à la maternité sont beaucoup plus courts, il n’y a plus que deux jours. Or, il y a beaucoup de soins à donner, beaucoup d’informations à transmettre aussi. Devoir gérer toutes les visites en plus, c’est très compliqué. Les patientes sont épuisées. Le premier et le deuxième jour après un accouchement, c’est terriblement fatiguant. Et quand ça se passe moins bien, ça l’est encore plus. Sur trois ou cinq jours, le suivi des jeunes mamans était nettement plus viable. »

Le dispositif Covid a donc permis de réfléchir sur la façon habituelle de fonctionner ?
J. B. : « Tout à fait, nous avons la conviction que ce dispositif a augmenté l’efficience et la qualité de nos soins, il a aussi renforcé les relations avec les couples. Une maman qui vient d’accoucher, et un papa aussi finalement, sont des êtres épuisés, parfois perdus, surtout quand c’est le premier enfant. Ils ont beaucoup de questions à poser. Le temps passé à la maternité est précieux à ce niveau-là. Il s’agit de profiter des professionnel·le·s à votre disposition sur un temps relativement court. Ne pas avoir de visites, l’après-midi, finalement, ça les aide. On a eu beaucoup de feedback de sages-femmes et de patientes qui vont dans ce sens. »

Que disent notamment les sages-femmes ?
J. B. :
« Ce qu’elles relatent, c’est qu’elles ont, par exemple, pu donner plus de clés à leurs patientes pour que l’allaitement s’installe et perdure. Pour les sages-femmes, c’est une mission importante de montrer les positions d’allaitement, de pointer les signes qui montrent qu’un petit a pu se nourrir correctement. Il y a aussi l’éducation aux phases d’éveil et de sommeil. Le rôle pédagogique des sages-femmes a vraiment pu s’épanouir. Elles ont également pu travailler davantage sur la suite, sur la préparation du retour à la maison. Dans le cas des gynécos, les relations avec les patientes ont aussi profité de cette métamorphose des journées. Clairement, avant, quand on passait voir une patiente vers 15h, on savait qu’on n’allait pas avoir de temps avec elle. Ou alors, on devait intervenir de façon autoritaire, désagréable. Ou, encore, il fallait composer avec des témoins et le secret médical n’était pas garanti. »

Au final, la maternité va donc s’engager dans cette voie de la limitation des visites ?
J. B. :
« On n’est pas encore sorti du covid. Aucune décision n’a encore été prise, mais l’expérience donne à réfléchir. Je ne veux pas revenir en arrière, recoller à l’avant. Il y aura des changements qui comprendront sans doute une limitation des visites. Est-ce que ce sera dans le temps, dans le nombre, dans le lien de parenté ? En tout cas, ma volonté, au sein de la clinique d’obstétrique, c’est de préserver la famille proche, de donner accès aux parents, aux co-parents et aux membres de la fratrie. Il faut pouvoir les rassembler pour cet événement qu’est une naissance, pour cette première rencontre qui a lieu à l’hôpital. Ça, je ne veux pas le perdre. Mais pour les autres visites… »

Choisir les personnes qui peuvent visiter la jeune maman, ça peut être sensible au niveau familial…
J. B. :
« C’est là où je suis en réflexion. Autoriser seulement une famille nucléaire, alors que dans la vie d’une patiente, c’est sa maman ou une tante qui est la plus importante, cela m’ennuierait. C’est pour ça que je m’interroge beaucoup sur la façon de limiter ces visites. Comment faire pour que cela ne soit plus de simples mondanités ? Comment ne pas couper les jeunes mamans de leurs personnes ressources qui ne sont peut-être pas membres de la famille nucléaire traditionnelle ? On est aussi dans des nouveaux modèles familiaux et il faut en tenir compte. »

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