Vie pratique

Médiation et grands-parents : pour adoucir les relations

Dans certaines familles, les conflits enveniment fortement les relations, parfois au détriment de la relation grands-parents/petits-enfants

Les forums débordent de témoignages de grands-parents, d’enfants et de beaux-enfants qui se plaignent amèrement des relations vécues en famille. Derrière les tensions se cachent souvent des règlements de compte qui remontent à l’enfance. Comment faire pour sortir du pugilat ? La médiation familiale est-elle une solution ? Réponse avec deux médiatrices, Donatienne Jans et Claire Escoyez. Et des témoignages de grands-mères.

Martine, trois petits-enfants dont deux éloignés d’elle
Ma fille habite à plus de mille kilomètres de chez nous. Elle a coupé tout lien avec nous, sinon quelques rares lettres ou cartes postales pour nos anniversaires. Je ne veux pas m’immiscer dans sa famille, ni l'obliger à quoi que ce soit, je voudrais juste la convaincre d'encaisser les chèques que je lui envoie pour qu'elle achète des cadeaux de Noël pour mes petits-enfants de 6 mois et 4 ans. Je ne voudrais pas qu'un jour, ils pensent qu'on les a délaissés, contrairement à leur cousine que je vois régulièrement.

Sophie, maman d’un enfant de 1 an, oppressée par sa belle-mère
Depuis que mon fils est né, je ne trouve pas ma place face à une belle-mère toute-puissante. Mon conjoint me dit que c'est dans ma tête. Mais quelqu'un qui ne vous laisse pas le temps de dire quoi que se soit, qui répète à tout bout de champ : « Fais pas ci, fais pas ça », qui s’interpose quand je donne tel ou tel légume au petit… Elle a trop d'emprise et se braque quoi qu’on lui dise. Non, vraiment, je n’en peux plus !

Anne-Marie, grand-mère de deux adolescentes
Je n’ai ni tué, ni volé, j’ai juste eu un passé agité, un peu tabou. Je le reconnais, à l’époque, ma fille en a été affectée… Devenue maman à son tour, elle a raconté mon histoire à mes deux petites-filles qui, aujourd’hui, me demandent de justifier mon passé. La vie que j'ai eue a fait la femme que j'ai été et que je suis, la mère que j'ai été et la grand-mère que je suis, je ne peux me résoudre à me justifier devant mes petits-enfants… Je ne sais plus quoi faire et n'ai plus envie de me battre à 71 ans !

Grands-parents : la réparation impossible

Les grands-parents se tournent rarement vers la médiation pour résoudre leur conflit avec leurs enfants et beaux-enfants. Ce constat, Donatienne Jans, avocate et médiatrice depuis plus de vingt-cinq ans, l’explique par la méconnaissance des grands-parents à propos de leurs droits.
« Ils pensent qu’il n’y a rien à faire et laissent tomber les bras. Par contre, souligne-t-elle, s’il y a médiation, c’est généralement à leur demande ». Des médiations difficiles car les conflits ont souvent pris racine dans l’enfance. « Au moment où l’enfant devenu grand se met en couple et a, à son tour, un enfant, les tensions se réactivent comme si, de part et d’autre, on revivait les mêmes choses. La jeune mère (c’est surtout des conflits entre mère et fille ou belle-mère et belle-fille) veut évacuer tout ce qui n’a pas été positif durant son enfance et la grand-mère espère enfin réussir avec son petit-enfant ce qu’elle n’a pas réussi avec sa fille. »
C’est à ce moment-là que la barrière entre les deux générations s’installe car la jeune maman n’a aucune intention de confier son petit à cette grand-mère qui ne peut pas faire mieux que ce qu’elle a fait avec elle, enfant. La médiation peut-elle aboutir dans ces conditions ? Donatienne Jans est claire : « Ce n’est pas la panacée si ce n’est que le jeune couple peut parfois mieux se situer par rapport à la situation et que d’autre part, parce que les choses sont dites, chacun comprend mieux où il en est dans le conflit ».
Moins de non-dits, moins de possibilités d’extrapoler, d’imaginer qu’il est encore possible de… La médiation permet à chacun de savoir ce que l’autre pense, particulièrement pour les grands-parents qui, après avoir tout essayé pour reprendre les relations, peuvent enfin entamer un certain deuil ou une thérapie familiale. Des situations souvent inextricables où la médiation piétine plus qu’autre chose.
« Mais, insiste Donatienne Jans, les personnes se reparlent et chacun connaît la position de l’autre. Hélas c’est très difficile de décaler les gens de leur position parce que ce sont des conflits trop anciens ». Une issue ? « La sagesse et l’expérience de vie des grands-parents qui se remettraient plus en question que les parents (souvent trop jeunes pour faire la part des choses) et qui choisiraient de faire profil bas. »

Petits-enfants : une perte sèche

Et les petits-enfants dans tout ça ? Ne sont-ils pas un peu les oubliés, ceux qui sont pris en otage ? N’ont-ils pas le plus à perdre ? Pour Claire Escoyez, médiatrice familiale : « Les grands-parents permettent au petit-enfant de s’inscrire dans la lignée, d’avoir accès à ses racines, de prendre connaissance de l’histoire qui a précédé sa naissance, d’avoir des contacts avec les oncles et tantes, avec les cousins, bref de se retrouver pleinement dans la constellation familiale. Un papy, une mamy peut aussi être une oreille indépendante, un lieu stable et douillet pour l’enfant pris dans le désordre d’une séparation. C’est souvent dommage pour un enfant de ne pas avoir accès à ses grands-parents à moins que ceux-ci dénigrent, par exemple, ses père et mère ».

Médiateur : un tiers neutre

Le médiateur peut-il à un moment décider qu’il vaut mieux ne pas raccommoder la relation entre les grands-parents et leurs enfants ? « Par définition, le médiateur a une position neutre, rappelle Claire Escoyez. Il ne peut être juge de la situation et travaille sur la demande. Pourquoi viennent-ils ? Les raisons sont variées. C’est les aider, par exemple, à reprendre le dialogue rompu avec leurs enfants et que la visite des petits-enfants n’en est alors que le corollaire. »
Les situations sont multiples. Les parents reprochent parfois aux grands-parents d’être trop laxistes avec leurs mômes ou, à l’inverse, les papys-mamys trouvent qu’il y a un trop grand laisser-aller chez leurs enfants et veulent récupérer la sauce. Il peut aussi y avoir une question de rythme des visites : l’enfant qui était gardé tous les jours par ses grands-parents grandit, prend son autonomie ou encore des parents qui changent de boulot et qui, du jour au lendemain, n’ont plus besoin des services de papy-mamy. Les grands-parents se retrouvent alors complètement dépossédés et demandent de réorganiser les choses.
« Le principe de la médiation, c’est de confier aux personnes la gestion de leur conflit, mais en aucun cas le médiateur ne décide de la fin de l’histoire. Par contre, s’il estime que les conditions de la médiation ne sont pas réunies (absence de respect, injures, échanges destructeurs, etc.), on a la responsabilité d’y mettre fin », précise encore Claire Escoyez.

EN PRATIQUE

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LA QUESTION

Quel droit pour le grand-parent ?

Les grands-parents ont un droit reconnu d’office aux relations personnelles avec leurs petits-enfants, sachant que ce que le juge va évaluer, c’est l’intérêt de ces enfants. Si le litige est trop exacerbé, il n’autorisera pas ce droit. Au mieux, il y a une après-midi par mois où les grands-parents sont autorisés à voir leurs petits-enfants. Ce droit est rarement homologué et reste donc très fragile.
Par contre, une belle-mère dans une famille recomposée doit prouver, pour avoir droit aux relations personnelles avec les petits-enfants, que c’est dans leur intérêt.