Développement de l'enfant

« Gaston a des yeux partout, dit joliment sa gardienne, et c’est vrai ! Un bout de fil dépasse quelque part : il tire dessus. Un morceau de couverture déborde de la corbeille à linge : il l’attrape… entraînant la corbeille qui se renverse sur lui. Il bouge énormément. Il n’est pas très prudent. Il s’appuie à des endroits qui ne sont pas très stables, et paf, il tombe ! Il est alors un peu sonné, mais cela ne l’arrête pas, au contraire… Si l’appui est bon, il se met debout. À 10 mois et demi, Gaston se met assis seul, il rampe partout mais il n’avance pas encore à quatre pattes », témoigne Caroline, sa maman.
À la suite de cette jeune mère, vous qualifiez votre bébé de dégourdi, d’aventurier, de casse-cou, d’intrépide, voire de dangereux pour lui-même… Il est curieux de tout. Il est plein d’audace. Votre petit, votre petite « escalade les poufs et les chaises », « se balade d’une pièce à l’autre », « aime avoir un objet dans chaque main », « attrape tout ce qu’il y a sous les tables ou sous les armoires », « suit sa grande sœur partout », « se lance et se rattrape avec les mains », « vient vers nous plutôt que de nous attendre » et va jusqu’à « manger les croquettes du chat – mais ce n’est pas la fin du monde ». Vous êtes toujours derrière votre bébé, « jetant toutes les deux minutes un œil dans sa direction, écoutant avec attention les bruits qu’il fait ». Et s’il tombe ou se cogne, un gros câlin, souvent, le réconforte et donne un nouvel élan à ses explorations.
Comme si votre bébé allait à la conquête de l’Everest…
« Vers 10 mois, le bébé est dans une phase glorieuse de la motricité, observe Monique Meyfroet, psychologue clinicienne. Une phase qui ne fait que démarrer car, après, ses expériences iront encore plus loin, elles seront encore plus fortes… et plus dangereuses. Son horizon a changé. Il remporte une belle victoire sur l’espace : celui-ci s’élargit de tous côtés, y compris vers le haut et vers le bas. Le bébé éprouve un vrai plaisir sensoriel, physique et psychique dans cette conquête de l’espace. Sensoriel parce qu’il expérimente avec tous ses sens. Physique parce qu’il monte par exemple sur un fauteuil pour, ensuite, atteindre un objet qui l’attire ; ces découvertes sont, pour lui, très intéressantes en tant que telles. Psychique parce qu’il n’y a pas que le plaisir de grimper ou d’attraper, c’est un peu comme s’il allait à la conquête de l’Everest : il y a aussi le plaisir de réussir ce qu’il entreprend, le plaisir de se sentir plus grand et plus fort de l’avoir fait ! Et, en fin de compte, son plaisir de la découverte renforce son désir de découvrir. Même si tout cela reste dans certaines limites : parce que l’enfant rampe mais ne marche pas encore à quatre pattes ou parce qu’il parvient à se mettre debout mais ne fait pas encore de pas… »
Au fil de ses explorations, votre bébé connaît bien sûr la frustration. « Elle est à la mesure de son désir de conquérir l’espace, elle peut donc être très vive, très intense, reconnaît la psychologue. On est tout le temps pris dans ce mouvement d’avoir envie de faire une chose mais de pressentir, dans le même temps, qu’on n’est pas assez grand pour y arriver, que cela viendra mais que ce n’est pas pour tout de suite. »

« Je trouve bien que les proches de l’enfant n’aient pas les mêmes réactions. C’est bien parce que cela permet à l’enfant de comprendre qu’il n’est pas le même pour tout le monde, que toutes les relations ne sont pas les mêmes et qu’on n’a pas tous les mêmes valeurs ou les mêmes inquiétudes »
Et vous avez beau cadrer les découvertes de votre bébé – non, vous ne le laissez pas grimper aux rideaux ! –, des mauvaises surprises – par définition, inattendues – l’attendent, c’est inévitable. Quant à vos bravos qui accompagnent ses exploits, ils lui font souvent afficher « un énorme sourire de fierté », comme le dit une maman.
Votre bébé sait s’occuper avec trois fois rien. Avec une croûte de pain, par exemple, au moment du repas familial. Il manipule son morceau de pain, mais il vous observe aussi. « Les tout jeunes enfants ont à la fois comme passe-temps et comme outil de prédilection l’observation, rappelle Monique Meyfroet. Pour eux, il y a une forme de bien-être à être à la table familiale, un moment plaisant, apaisé si on le compare à leurs autres expériences, ritualisé aussi. »
Des boucles de communication de plus en plus complexes
« Martin aime entrer en contact avec les gens, raconte Louise, sa maman. Mais, pour cela, il a d’abord besoin d’être sécurisé : une fois qu’il est dans les bras de quelqu’un qu’il connaît, il interagit avec les personnes qu’il ne connaît pas. En rue, il s’amuse à dire bonjour aux gens qui, pour la plupart, lui répondent. » Autre « jeu » de votre bébé : jeter les objets par terre et vous voir les ramasser… et réagir.
« Au fur et à mesure que le bébé grandit, on est dans des boucles interactives de plus en plus longues, mais, pour cela, il faut qu’elles soient soutenues par le parent. Par exemple, le bébé grimpe sur le fauteuil, sa maman s’approche, il lui sourit et continue sur sa lancée, elle lui dit : "C’est bien mais tu vas redescendre", il arrête vite, ou pas, son escalade, puis va explorer quelque chose d’autre pour lequel il sait qu’il sera de nouveau en interaction avec sa maman… Il ne grimpe pas seulement pour grimper. Il est curieux de voir ce qui se passe dans la communication. Les interactions se complexifient. Vers 10 mois, on en est à six-huit boucles de communication. »
Vous, le papa et la maman, ne réagissez pas pareil aux explorations de votre bébé ou quand vous jouez avec lui. Vous pouvez vous montrer plus ou moins inquiets – « Fais attention ! » – ou plus ou moins encourageants – « C’est formidable, tu fais cela bien »… « Je trouve bien que les proches de l’enfant n’aient pas les mêmes réactions, assure Monique Meyfroet. À la crèche non plus, on ne va pas applaudir aux mêmes actions du bébé ou on ne va pas avoir les mêmes peurs. C’est bien parce que cela permet à l’enfant de comprendre qu’il n’est pas le même pour tout le monde, que toutes les relations ne sont pas les mêmes et qu’on n’a pas tous les mêmes valeurs ou les mêmes inquiétudes. »
Des pauses plus qu’utiles
Toutes ces expériences qu’il fait, votre bébé doit pouvoir les intégrer. Pour cela, il a besoin d’un temps « pour rééprouver dans sa tête les choses qu’il a vécues, pour les retricoter », il a besoin de moments de pause. Ainsi, vous le surprenez calmement allongé dans son parc, malgré tous les jouets qui l’entourent, ou vous le trouvez les yeux ouverts dans son lit sans appeler ni pleurer… « Ce ne sont pas des pauses pour ne rien faire, elles sont utiles, un peu comme quand on rêve pendant la nuit : on se repose, mais on construit, on déconstruit, on reconstruit son vécu et les émotions qu’on a éprouvées. Ces pauses permettent au bébé de se désexciter après une période d’excitation intense, de se calmer et, quelque part, de tirer les leçons des choses. »
L’AVIS DE L’EXPERTE
Un répertoire de relations variées
Monique Meyfroet, psychologue clinicienne
Toutes les relations, pour autant qu’elles soient significatives – et donc, pour autant qu’elles soient vécues dans la continuité et avec des personnes adéquates telles que les puéricultrices de la crèche –, sont un plus pour l’enfant.
Je pense que beaucoup de bébés profitent de la crèche.
Les puéricultrices risquent moins que les parents de se laisser déborder par les bébés, d’être au bord de la crise de nerfs, elles ont une connaissance et une expérience qui leur permettent d’accepter un certain nombre de choses. Un enfant qui est « insupportable » parce qu’il touche à tout, le sera sans doute moins à la crèche qu’à la maison où il y a plus de « tentations » et où il a une grande envie de vérifier la cohérence des attitudes de ses parents. L’expérience est plus « paramétrée » à la crèche et la tolérance à ce que l’enfant y fait n’est pas la même qu’à la maison.
Cela donne un répertoire de relations variées au bébé : avec papa, avec maman, avec les puéricultrices de la crèche…
Dans cette palette de relations, il y a aussi les grands-parents. Et les frères et sœurs. Ce sont souvent les grands qui sont intéressés par les petits : avec un petit frère ou une petite sœur, on a la chance de rejouer à des jeux auxquels on ne jouerait plus tout seul ! Les petits, quant à eux, observent avec admiration et passion ce que font les grands.
LES PARENTS EN PARLENT…
Ces moments de calme…
« Il y a des moments où Matteo est calme. Quand il est à table avec nous, par exemple : il a pris son bibi avant, on lui donne une croûte de pain et cela l’occupe tout le temps du repas. Le matin aussi, il peut rester dans son lit, éveillé, sans nous appeler, sans broncher. À la crèche, il fait pareil, nous ont dit les puéricultrices. »
Sandro, papa de Matteo
EN PRATIQUE
Attention, terrain miné !
- À toujours se rappeler : pour un petit de 10-11 mois, tirer sur le fil électrique de la lampe, tirer sur le fil du tricot de sa maman ou tirer sur le petit fil qui dépasse de son pantalon, c’est du pareil au même. Il tire sur tout et n’a que faire du degré de dangerosité de son geste. Une simple chaise est un objet incroyable de découvertes. Comme le thé bouillant posé sur la table basse.
- Pour offrir un environnement sécurisé à leur bébé, certains parents déménagent tout, d’autres ne déménagent rien. Le mieux dans ce domaine comme en tout : viser un juste milieu.
- Des sources utiles : l’association Éduca Santé, le Centre Antipoisons (téléphone en cas d’urgence 070 245 245) et la Fondation des Brûlés.
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