Développement de l'enfant

« Mon petit sait de mieux en mieux ce qu’il veut… »

« Mon petit Lucas montre très clairement ce qu’il veut. Quand il voit s’approcher son biberon par exemple, il retire sa tutte de sa bouche et la jette avec force par terre, comme pour dire : "Vite, vite, mon biberon !", et il s’énerve car cela ne va jamais assez vite à son goût. Il ne sait toujours pas patienter, c’est même peut-être pire qu’avant ! Mais il n’y a rien à faire, c’est comme cela : faire les choses prend du temps. Lucas doit le comprendre, il doit arriver à gérer ses frustrations… », raconte avec réalisme Stéphanie, la maman de ce petit bout qui a 1 an tout rond.

Ce n’est pas nouveau : avec les mois qui passent, et au fil des mêmes séquences de vie qui reviennent (les repas, les dodos, les bains, les sorties au parc…), votre loulou fonceur acquiert progressivement une connaissance de ce qui va arriver, il anticipe de mieux en mieux, il est capable d’attendre un peu. Il ne se comporte plus comme le nourrisson qu’il a été. Vous sentez bien, par exemple, qu’il ne va pas être anéanti parce que son repas n’arrive pas à la seconde où il le réclame. C’est ce qui vous permet de lui dire : « Attends un peu », réaction que vous n’auriez jamais eue lorsqu’il n’avait encore que quelques semaines. On aurait pu imaginer que ce mouvement progresse et que votre petit qui grandit se montre maintenant de plus en plus patient. Mais, bizarrement, ce n’est pas exactement ce que vous notez ! Il y a comme une rupture…
Vous le remarquez : votre enfant sait de mieux en mieux ce qu’il veut. Il a des idées dans la tête. Il se fait comprendre, par ses gestes – comme les bras tendus ou le doigt pointé –, par les petits bruits qu’il émet… Par le fait même qu’il rampe ou se déplace à quatre pattes, voire qu’il marche déjà, son univers s’élargit énormément et il a la possibilité d’accéder à de plus en plus de choses. Il a envie de les découvrir. Il n’a pas conscience des dangers éventuels auxquels il s’expose, il ne tient pas compte de ce qui lui est permis et de ce qui lui est interdit. Les dangers, les interdits, ce n’est pas son affaire ! C’est à vous de vous en préoccuper. Lui fonce. Avec toute sa force. Avec toute sa maladresse. Une tornade ! « Il est fort dans le besoin immédiat », dites-vous, et quand il n’a pas ce qu’il veut, ou ne l’a pas assez vite, « il devient difficile et stressant ». Quand il ne parvient pas à accomplir ce qu’il souhaite, « il râle, il pleure ».

Une force intérieure, un élan vital

« L’enfant a une espèce de force intérieure qui révèle son besoin de montrer qu’il a une idée sur les choses. Elle le pousse à faire par lui-même, à obtenir par lui-même, à découvrir par lui-même, insiste Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Et quand il rencontre une limitation à ce niveau-là, cela peut le mettre dans des frustrations terribles. » Le fameux pédiatre américain T. Berry Brazelton parle, dans son ouvrage Points forts. De la naissance à 3 ans (Le Livre de Poche), de « l’élan qui pousse l’enfant vers l’indépendance » au cours de sa deuxième année. Votre petit trésor veut attraper le jouet sur la table, il n’y arrive pas, il râle. Il veut grimper sur le divan du salon, on le lui interdit, il pleure. Son goûter ne vient pas assez vite pour lui, il l’exprime. Il trouve très intéressant de tirer les cheveux de son petit voisin, on lui dit stop, il crise. Bonjour les frustrations ! « Celles-ci vont naturellement augmenter avec le temps parce que plus l’enfant a une autonomie d’envie, de mouvement, de pensée, plus les écarts entre ce qu’il est capable de faire et ce qu’il a le droit de faire risquent d’être grands », annonce Reine Vander Linden.

Votre enfant n’a pas conscience des dangers éventuels auxquels il s’expose, il ne tient pas compte de ce qui lui est permis et de ce qui lui est interdit. Les dangers, les interdits, ce n’est pas son affaire !

Chez certains enfants, envies et frustrations tournent essentiellement autour de la nourriture – « Il sait bien qu’il va avoir à manger mais c’est compliqué pour lui d’attendre », confirme une maman à propos de son petit bonhomme. Pour d’autres, elles touchent particulièrement la motricité – « Elle hurle chaque fois qu’on l’empêche de monter les escaliers toute seule », renchérit un papa au sujet de sa petite canaille.

Des non, des stops… et autant de frustrations !

Vous avez l’impression que vos non et vos stops se multiplient à l’égard de votre petit loup. Ce n’est pas qu’une impression… « En tant que parent, on devient de plus en plus frustrant, observe Reine Vander Linden. Comme l’enfant se déplace et que son champ d’exploration s’agrandit considérablement, les dangers possibles et les interdits augmentent et, donc, il y a des limitations plus grandes et plus fermes à lui donner. »
Lui ne comprend pas encore pourquoi il est constamment freiné dans son élan. « C’est à force de vivre la frustration qu’il va pouvoir peu à peu l’assumer, plutôt que de la manifester par des pleurs et des cris. Et ce, en utilisant sa tête : "Je sais que cela ne sert à rien de hurler. Chaque fois que maman prépare mon repas, je sais que je vais le recevoir. Chaque fois que je dois attendre, je peux utiliser ma mémoire pour comprendre que c’est inutile de hurler…" L’expérience de ses phases frustrantes "s’engramme" en lui. Elle est naissante, cette mémoire. S’il réagit encore souvent au quart de tour, il comprend aussi, petit à petit, que c’est inutile de hurler. Et comme parent, on peut de plus en plus faire l’expérience que son enfant peut, malgré ses pleurs, supporter les non et l’attente. »

Choisir son angle d’approche

Chouette côté de la situation : « Si le quotidien avec un petit de 12-15 mois peut s’avérer difficile et fatigant, on peut se réjouir d’avoir un enfant qui exprime ce qui l’intéresse, qui montre qu’il a envie de se mettre en mouvement et de progresser », propose Reine Vander Linden. Voir les choses sous cet angle entraîne, c’est sûr, une dynamique de gestion des crises et des colères différente. « Non, votre enfant n’est pas un affreux moutard, indocile, qui s’amuse soudain à vous faire tourner la tête ! Voilà un merveilleux moutard qui se dit "J’ai une capacité à faire des choses" et qui veut expérimenter cette capacité. Il y a cette force intérieure qui s’exprime. À vous de lui montrer simplement que la vie n’est pas comme il le souhaite au moment où il le souhaite… »

« C’est à force de vivre la frustration que l’enfant va pouvoir peu à peu l’assumer, plutôt que de la manifester par des pleurs et des cris »
Reine Vander Linden

Psychologue

Les colères – et les crises d’opposition – vont constituer une des grandes caractéristiques de la deuxième année de vie de votre enfant. Hier bébé docile, il va se transformer en enfant têtu et résistant, tournant la tête de gauche à droite – non, non et non. Mieux vaut s’y préparer ! « Et adopter d’ores et déjà une attitude qui calme le jeu plutôt que de l’attiser, et ne pas entrer dans un bras de fer – qui serait de toute façon inefficace – avec son enfant. Inutile encore de le raisonner, de discuter ou de négocier avec lui. Mais lui dire : "Voilà, c’est comme cela, on n’y peut rien : si le repas n’est pas prêt, il n’est pas prêt. Je voudrais t’aider, mais je ne le peux pas." Bref, le mettre face à la frustration, et la frustration, ce n’est pas quelque chose auquel on peut trouver une solution. Agir autrement serait lui envoyer comme message qu’il y a une éventuelle issue à la frustration ; or, il n’y en a pas. »

TÉMOIGNAGE

Les parents en parlent...

Sa chaise, c’est sa chaise !
« Elsa n’aime pas que les choses n’aillent pas comme elle le souhaite. Si son grand frère de 3 ans lui pique son jouet ou s’il la pousse, elle tire la tête et se met à pleurer. Elle agit comme cela avec son frère, mais aussi avec nous. Ce week-end, chez mes parents, on a remarqué que si quelqu’un venait s’asseoir sur "sa" petite chaise, elle piquait sa crise : c’était elle ou personne sur cette chaise ! »
Quentin, papa de Noé, 3 ans, et d’Elsa, 14 mois

ZOOM

Les câlins, c’est quand il veut !

On a une propension à embrasser un bébé mignon, sympa. En matière de tendresse et de bisous, on doit désormais tenir compte des envies de son petit trésor. « Fini, les câlins selon notre propre désir, assure la psychologue Reine Vander Linden. L’enfant de 12-15 mois ne se laisse plus faire comme avant. Il s’échappe et se débat quand il estime qu’il a sa dose ou qu’autre chose l’attire. C’est lui qui décide. On perd le choix du quand et du comment. Il nous montre par là aussi qu’il a ses territoires et ses moments d’"envie" et de "pas envie". »

L’AVIS DE L’EXPERTE

Une pause pour emmagasiner l’expérience

► Reine Vander Linden, psychologue clinicienne

Quand l’enfant exprime l’élan de vie qu’il a en lui, il doit aussi pouvoir récupérer. Tout d’un coup, il lâche tout, il a un moment d’arrêt, il fait une pause.
C’est une manière pour lui de « mentaliser » ce qu’il a fait comme expérience. Il y a de la pensée qui s’élabore. Il n’est plus en train de vivre les choses dans son corps, mais son expérience se transforme doucement en image. Cette pause, c’est un moment où il « met en magasin » son expérience : il l’emmagasine.
Les choses que l’enfant emmagasine sont soit du côté des séquences d’activités qu’il vit, soit du côté du manque ressenti – « Je n’ai pas pu y arriver », « Je dois un peu attendre pour obtenir ce que je veux », « Papa ou maman me dit non »… Il n’est pas encore capable de penser à propos de la limitation qu’il rencontre, mais il emmagasine cette limitation. Par exemple, il ne va pas réfléchir aux raisons pour lesquelles il ne peut pas grimper sur le fauteuil ; par contre, il peut retenir que, là, il y a une limite. Il emmagasine qu’il doit un peu attendre avant de recevoir son repas parce qu’avant chaque repas, il attend un peu.
Ce moment d’arrêt peut être court, de l’ordre de quelques minutes. Comme s’il fallait attendre que le sable coule dans le sablier… Aux parents de respecter cela, c’est important.

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