Société

La COP ? La Conférence des Parties. Née à la suite du Sommet de la Terre de Rio en 1992 qui a donné naissance à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la première COP a eu lieu en Allemagne en 1995, avant la naissance de Nadège Carlier ! Qui était à la 26e COP à Glasgow…
Bruxelloise de 25 ans, Nadège Carlier est doctorante en sciences politiques à l’UCLouvain. Elle a été choisie comme déléguée ONU francophone du Forum des jeunes à la COP 26. Le Forum des jeunes, c’est l’organe officiel de représentation des jeunes de 16 à 30 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles. Sa mission est d’informer et former les jeunes sur une série de sujets, tout en les encourageant à s’engager, à prendre position et à promouvoir des projets. Le Forum est actif sur toute une série de sujets : le climat, mais aussi l’environnement, le droit de vote, l’éducation, l’égalité de genres, etc.
Dans la délégation officielle
Outre une collègue flamande désignée par le Vlaamse Jeugdraad, l’équivalent flamand du Forum des jeunes, quantité d’autres représentant·e·s de la société civile comme des membres de la Coalition Climat ou de Youth for climate étaient présent·e·s à Glasgow. « Ceux-ci ont plus un rôle d’activistes, tout à fait nécessaire à mon humble avis, précise Nadège Carlier. Il y a plusieurs jeunesses et il n’y a pas nécessairement unanimité sur tous les sujets. C’est à chaque fois des équilibres délicats à trouver ».
Déléguée ONU francophone du Forum des jeunes, voilà un titre qui impressionne, mais qui a des implications précises. « Avec ma collègue, nous étions deux à représenter les jeunes dans la délégation officielle. Ce mandat a commencé en mars 2020, se souvient Nadège Carlier, alors que débutait la pandémie, et dure deux ans. Il y a une première année en tant que junior et une deuxième en tant que senior pour que l’on soit bien préparées au final pour une représentation à l’international. Mais la COP 26 a été la pointe la plus visible de l’iceberg qu’est l’engagement pour le climat qui s’est concrétisé principalement en Belgique depuis deux ans. Initialement, je devais participer à la COP en 2020, mais celle-ci a été reportée d’un an à cause de la pandémie ».
Du local au global
Être sélectionnée comme déléguée ONU pour le climat pourrait donner à penser que ce mandat exige une expertise particulière en climatologie, par exemple une formation en sciences de l’environnement. Il n’en est rien et Nadège Carlier y voit même un avantage en termes de vulgarisation de matières complexes.
« Je suis doctorante en sciences politiques et je considère que nous pouvons tous et toutes nous intéresser aux questions climatiques sans être ingénieure en biologie ou doctorante en sciences. Il y a assez d’informations dans des rapports comme ceux du GIEC pour se former et s’informer. Pour le climat, il y a même un enjeu, me semble-t-il, à ne pas être que dans le scientifique. Il faut que ces matières soient traduites par et pour les citoyen·ne·s afin que ceux-ci s’en saisissent, mais aussi que les politiques fassent de même. J’apprécie aussi d’avoir différentes facettes dans ma vie. Ma thèse ne porte pas sur les négociations climatiques à la COP, même si celle-ci concerne les projets transversaux et collaboratifs mis en place au niveau local, communal. J’aime voyager à différents niveaux, celui de l’ONU comme celui de la commune. Typiquement avec les politiques environnementales et climatiques, il y a nécessité d’une approche plus transversale pour prendre des décisions en s’éloignant de logiques plus hiérarchiques ou par silos. Ceci dit, mon mémoire portait sur la gouvernance climatique belge, ce qui m’a bien servi dans mon mandat. Je m’étais intéressée au burden sharing (Ndlr : le partage de l’effort ou de la charge en matière climatique entre entités fédérées). »
Au cœur des débats
Une première raison d’être de sa présence à Glasgow consistait à expliquer aux jeunes Belges ce qui se passait à la COP via les réseaux sociaux. Détentrice du badge officiel, Nadège Carlier pouvait participer, chaque matin, à la réunion de la délégation belge. Cela lui a permis de réaliser une autre partie de son job, à savoir faire du plaidoyer politique auprès de la délégation belge et de la délégation européenne.
Avec la Coalition Climat qui chapeaute diverses associations, syndicats, ONG environnementales, de développement et de coopération, tant francophones que flamandes, elle a pu rencontrer le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, le Premier ministre Alexander De Croo, les ministres Zakia Khattabi, Alain Maron et Philippe Henry.
« Le premier levier en faveur du climat tient au changement de nos comportements de consommation et donc de production »
« Ceci dit, ajoute Nadège Carlier, des militantes comme Anuna De Wever ou Adelaïde Charlier avaient accès à pas mal de réunions et des contacts avec de nombreux officiel·le·s belges qui faisaient apparemment preuve de plus d’ouverture que lors de sommets précédents. Les habitudes évoluent manifestement d’un sommet à l’autre, notamment en fonction des représentants politiques, certains étant plus ouverts à la société civile que d’autres. »
Une COP en demi-teinte
Chaque COP suscite son lot d’attentes et génère quantité de désillusions. Un sentiment que partage Nadège Carlier sur plusieurs points, mais qu’elle tient à nuancer.
« D’une manière générale, la COP, c’est bien, mais pas assez. Tout est toujours en demi-teinte. D’un point de vue positif, on a mentionné pour la première fois la diminution des énergies fossiles dans l’accord final. Ce qui m’a choquée, c’est que ce point fasse encore débat. Le point négatif, c’est que l’on mentionne une diminution sans inscrire une vraie sortie des énergies fossiles. Le deuxième élément positif que je retiens, c’est cette participation des jeunes en tant que génération la plus affectée, porteuse de changements et en général plus sensibilisée à ces questions que les autres générations. Un autre constat positif que je tire de la COP, c’est sa dimension médiatique, ce momentum qui permet à toute une série de voix de se faire entendre. Je pense aux représentant·e·s de peuples indigènes, des îles Pacifique comme les îles Salomon, qui ont pu témoigner et défendre leurs positions. Par contre, j’ai été impressionnée de constater comme petits et grands pays n’ont pas les mêmes moyens, les mêmes leviers d’actions. L’ONU finance un minimum pour chaque délégation, genre un·e ou deux délégué·e·s, et le reste est financé par chaque pays. C’est ainsi que la Belgique avait une grosse délégation, d’autant que Glasgow n’est pas trop loin. D’autres pays comme les États-Unis ont des dizaines de négociateurs et négociatrices. Par contre, des pays du sud qui sont les plus affectés par la crise climatique ont trois, quatre représentant·e·s. Il y a aussi toute la partie avec les pavillons comme celui du Bénélux ou de diverses associations. Mais tous les pavillons n’ont pas la même taille : il y a un côté un peu exposition universelle, les plus voyants étant ceux du Qatar et de la Russie. On y voit de manière très concrète les inégalités entre pays. »
Quelles solutions ?
Si les constats sont mitigés, Nadège Carlier n’en a pas moins des idées à défendre pour aller de l’avant : « Je me suis rendu compte que la COP n’est pas une structure qui permettra de prendre des décisions radicales. On crée beaucoup trop d’attentes autour des COP. On entend souvent dire que c’est la COP de la dernière chance, mais ce genre de rendez-vous, c’est avant tout itératif et graduel dans le changement. Elle rassemble des états souverains qui ne vont pas s’imposer des contraintes excessives. Comme, en plus, les décisions se prennent par consensus, il ne faut pas s’attendre à des changements radicaux ou à une révolution du système. Je crois par contre que ce serait pire si les COP n’existaient pas. De plus, je pense que la crise climatique ne se résoudra pas par la technologie. J’ai été étonnée de constater combien le narratif autour de la technologie était encore très présent à la COP. Dès qu’on entrait dans le grand hall, on était accueilli par une voiture de course électrique ainsi qu’un avion électrique. Pour moi, on essaie de nous enfumer en nous suggérant que le secteur privé et la recherche vont nous apporter des sources d’énergie inépuisables. Les innovations technologiques contribueront à des améliorations et j’encourage la recherche, mais le premier levier à mes yeux tient au changement de nos comportements de consommation et donc de production. Et la pression doit venir du bas comme du haut. Cela m’a frappée comme les choses bougent en Belgique parce qu’il y a la pression de la rue avec les marches pour le climat, mais aussi celle de la COP et son poids médiatique ».
À son retour de Glasgow, Nadège Carlier a créé un événement avec le Forum des jeunes pour décrypter cette COP. Elle poursuit également le suivi des dossiers entamés l’an dernier, notamment sur l’alimentation durable au niveau belge et européen, en particulier la PAC.
« L’alimentation durable est un levier de changement important, explique Nadège Carlier, car elle est au carrefour de nombreuses réalités du quotidien des gens en termes de biodiversité, de climat, de santé publique, de justice sociale, d’économie… Aborder l’alimentation, c’est aborder des enjeux globaux. Sinon, j’arrive à la fin de mon mandat et ma successeuse va reprendre bientôt le flambeau. »
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