Vie pratique

L’ARCHIVE DU LIGUEUR
En octobre 1959, un article fait réagir les lecteurs et lectrices. Il n’est pas question d’éducation sexuelle à l’école. De rythmes scolaires. Ou encore de participation financière à l’achat de matériel informatique (on est encore loin de tout cela). Non, ce qui a provoqué une levée de bouclier, c’est une chronique consacrée au vélo.
Pourquoi ces réactions ? Parce que le journaliste s’est montré un tantinet pessimiste et résigné. La question était de savoir s’il fallait laisser aller ses enfants à vélo. Regrettant les routes d’antan, vierges (ou quasi) de voitures, l’auteur regrette le trafic automobile en expansion et conclut ainsi : « Eh bien, non, mes enfants. Pas de vélo pour vous. La bicyclette a fait son temps. Ce temps, nous l’avons vécu. Vous ne le connaîtrez pas. Laissez les deux-roues aux spécialistes du Tour de France. C’est dommage. Mais qu’y pouvons-nous, vous et nous, qui vivons en 1959 ».
Deux numéros plus tard, revoilà le vélo à grands coups de pédales. C’est que le courrier a fusé, critiquant l’article de ce néanmoins « excellent » collaborateur. Parmi les épistoliers, un certain monsieur Smet du Royal Dolhain Vélo qui y va d’une bafouille bien structurée où l’amour de la petite reine s’impose comme Jonas Vingegaard sur le tracé de la dernière Grande Boucle. Le vélo, c’est bon pour la santé, c’est démocratique, c’est sain, c’est nécessaire. Et notre homme d’aligner une série d’arguments et de preuves qui montrent qu’indéniablement, le vélo a encore de beaux jours devant lui.
Il se réjouit ainsi qu’un directeur d’école ait interdit à ses étudiants « de se servir d’un vélomoteur, qui rend paresseux, et leur conseille de faire leur chemin à bicyclette, ce qui mettra bien en train, constituera pour des adolescents un dérivatif à leurs travaux intellectuels, et leur évitera tous les inconvénients des voyages en commun ». Voilà un chantre de la mobilité « active » telle que décrite dans le dernier Ligueur. « Le vélo reste pour beaucoup la seule possibilité de faire un peu d’exercice physique, empêche jeunes et vieux de s’ankyloser, de devenir des êtres gros et gras, lourds et mous ».
O.K., mais la sécurité dans tout ça ? Ce lecteur bien informé entend convaincre la Ligue des familles de militer pour « des travaux d’aménagement du service routier en Belgique, qu’il soit prévu des pistes cyclables lesquelles permettraient aux jeunes comme aux vieux d’user d’un moyen de locomotion sans courir trop de danger ». On ne sera jamais assez reconnaissant à monsieur Smet d’avoir plaidé la cause du deux-roues dans les pages du Ligueur et d’avoir forcé un certain rétropédalage.
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