Développement de l'enfant

« Offrir une seconde chance, c’est notre raison d’être »

Des jeunes majeurs s'inscrivent en promotion sociale pour reprendre leurs études secondaires

En septembre 2023, 106 308 personnes se sont inscrites en promotion sociale pour reprendre leurs études secondaires. Parmi elles, des grand·es ados comme Lily* ou Amaury* qui avaient décroché de l’enseignement ordinaire.

Lily a 20 ans lorsqu’elle pousse les portes de l’école de promotion sociale d’Uccle. « Je me suis dit, c’est maintenant ou c’est pas », résume celle qui a décroché de l’école quatre ans plus tôt. Tout commence en 6e primaire, Lily cumule problèmes familiaux et de santé. Elle passe son CEB à l’hôpital. Entre sa 1re et 4e secondaire, elle fréquente neuf écoles différentes en Belgique, en France et au Luxembourg. Une instabilité qui a raison de sa motivation.
« Je n’étais pas disponible pour les apprentissages, j’avais sans cesse des questions qui tournaient dans ma tête, du genre ‘Où est-ce que je vais dormir ce soir ?’, ‘Est-ce que j’aurais à manger ?’ ». À 16 ans, sur décision du Tribunal de la famille, Lily est émancipée. « Je ne trouvais pas non plus de sens à étudier alors que j’avais des factures à payer ».
Quatre ans plus tard, Lily décide pourtant de reprendre le chemin de l’école pour s’inscrire au certificat qualifiant d’éducatrice. Une formation en cours du jour de deux ans qui implique de renoncer à son travail dans un magasin de vêtements et d’en dégoter un nouveau, en soirée, compatible avec son horaire de cours. Ce qui la motive à sauter le pas ? Quitter un emploi qu’elle n’aime pas. Se rabibocher avec l’école. Se prouver qu’elle en est capable. « Le plus dur, ce n’est pas les faits, c’est ce qu’on se dit dans notre tête et qui nous met des barrières. C’est ma leçon de vie ».

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Groupe de jeunes adultes en formation

Des élèves qui, comme Lily, reprennent des études secondaires sur le tard, Jean-Marie Mfulu, directeur à l’EAFC d’Uccle, en accueille environ 2 000 chaque année. « Nos conditions d’accès sont plus souples que l’enseignement classique, ce qui nous permet d’être plus inclusifs ». Pour s’inscrire en technique de qualification éducatrice, Lily doit seulement présenter ses papiers d’identité et son certificat du deuxième cycle du secondaire (CE2D). Il est aussi possible de passer un test de français pour ceux qui ne l’ont pas.

Un enseignement à taille humaine, bien implanté sur le territoire

Christophe Lochy, directeur de l’école des cadets basée à Namur, a aussi expérimenté la promotion sociale à titre personnel avec son fils Amaury. « En 5e secondaire, il est rentré dans la spirale de l’échec, un mauvais point en chassait un autre ». Ajoutez à cela le mal-être parfois typique de l’adolescence et les difficultés relationnelles qui vont avec et vous obtenez la combinaison qui précipite sa sortie de l’enseignement ordinaire.
Amaury ayant plus de 18 ans, il n’est plus soumis à l’obligation scolaire et peut s’inscrire dans une école de promotion sociale (EPS). « Le cadre, le public, la relation avec le corps enseignant, tout lui convenait beaucoup mieux », précise son père. Pendant deux ans, à raison de cinq jours par semaine, Amaury raccroche ses wagons et décroche son CESS, qui valide la fin des études secondaires.
« Offrir une seconde chance, c’est notre raison d’être en promotion sociale, confirme Christophe Lochy. Nos écoles sont là pour accueillir des personnes qui ont eu des accidents de parcours, mais veulent rebondir. Nos formations donnent accès à un diplôme et à des connaissances qui leur permettent de s’insérer ou d’évoluer que ce soit sur le plan social ou professionnel ».

Grands ados travail en équipe

Autour de la table, Catelyne Papa, enseignante en français, complète : « Le complément CESS leur permet de se remettre sur les rails, c’est aussi un marchepied, car nos élèves sont nombreux à poursuivre avec une formation supérieure ».
Le retour à l’école n’est pas simple pour autant. Nombreux et nombreuses sont les élèves qui cumulent école et emploi. Certain·es doivent encore concilier avec une vie de famille. Fatiguée par ses journées à rallonge, Lily a failli abandonner à plusieurs reprises. « Il m’arrive de devoir jongler plusieurs jours d’affilée en horaires de jour et de nuit ». À renfort de café, mais au prix d’une énorme fatigue, Lily tient le coup. Ce qui l’aide à tenir ? L’écoute et la compréhension des professeur·es. La solidarité des étudiant·es. « La fatigue reste, mais il y a une bouée en dessous ».
Un avis partagé par Sophie-Charlotte Cauuet, enseignante de communication et français à l’EAFC d’Uccle. « Les professeurs qui s’impliquent dans ce type d’enseignement savent que les élèves ont des parcours de vie difficiles. Je me considère davantage comme une coach que comme une enseignante quand il s’agit de les encourager. C’est ce qui rend cet enseignement beaucoup plus humain ». Nos reportages dans les écoles d’Uccle et Namur le confirment, une grande cohésion émane des établissements. Les tables du réfectoire sont rassemblées et ça papote de tous côtés. À l’extérieur aussi, les échanges foisonnent, témoins des liens entre les étudiant·es. Et pas seulement.
Après le confinement, les dames du réfectoire de l’EAFC d’Uccle interpellent le directeur. Précarisé·es, certain·es élèves passent leur journée sans boire ni manger. Des contacts sont pris avec des supermarchés et le marché matinal pour récupérer leurs invendus. Désormais, tous les mardis et jeudis, les étudiant·es peuvent se rendre à l’épicerie sociale Solid’R où, pour la somme de 5€, ils et elles ont droit à dix passages.
Revenons aux spécificités des EPS. Pour Jean-Marie Mfulu, la méthode d’enseignement très participative et connectée au terrain professionnel séduit aussi bon nombre d’élèves. « Notre enseignement bénéficie aussi d’une très bonne implantation territoriale », ajoute Christophe Lochy. L’EPS compte 152 écoles réparties autour de vingt arrondissements. Une donne non négligeable pour des jeunes qui sont encore largement tributaires des transports en commun.

Choisir de revenir à l’école, ça change tout

Mais ce qui caractérise surtout l’enseignement de promotion sociale, c’est l’inscription sur base volontaire. L’impulsion de départ n’est plus dictée par l’obligation scolaire. En promotion sociale, c’est l’étudiant·e qui choisit de revenir sur les bancs de l’école. Et ça change tout. « Cette fois, rien ne m’était imposé. Ce choix, je me le dois à moi-même », explique Lily. Un choix guidé par son parcours chahuté durant lequel elle a pu compter sur le soutien indéfectible d’un éducateur. À son tour, Lily a eu envie de rendre ce qu’elle avait reçu.
C’est aussi son parcours de vie qui la motive à postuler pour un stage à l’hôpital psychiatrique Titeca. La responsable qu’elle a en ligne la refroidit tout de suite. Ils ne prennent pas d’éducatrice A2. Mais Lily ne se laisse pas démonter, elle raconte son histoire personnelle et constitue un dossier pour témoigner des connaissances engrangées sur la santé mentale. De quoi venir à bout des dernières réserves. La pugnacité paye et Lily décroche un stage dans l’unité qu’elle convoitait. Dans la foulée, elle est même engagée comme étudiante.
Arrivée au terme de sa formation d’éducatrice, Lily n’a pas oublié son choix de cœur : devenir infirmière. Catelyne Papa nous avait prévenus, la formation secondaire est un marchepied. Lily est maintenant partie pour une année de complément CESS pour obtenir le diplôme équivalent qui sera un sésame pour les études supérieures d’infirmière. La route est encore longue, mais Lily sait où elle va. Son choix est mûri et réfléchi en fonction de son parcours de vie et c’est ce qui lui donne tout son sens.

* Prénoms modifiés

EN SAVOIR +

Votre enfant ou un proche a décroché de l’enseignement ordinaire ?

L’enseignement de promotion sociale est une autre voie possible pour obtenir un diplôme équivalent au Certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS). Pour pouvoir s’inscrire, il faut :

  • avoir plus de 18 ans (c’est-à-dire ne plus être soumis à l’obligation scolaire),
  • disposer de papiers d’identité ou d’un titre de séjour valide,
  • présenter un certificat de cycle secondaire inférieur (CESI) ou de second cycle (CE2D) (réussite d'une 4e générale, technique ou professionnelle) ou réussir un test d'admission afin de confirmer que l’élève dispose bien des connaissances correspondant à la 4e secondaire.

Pour entrer en contact avec une des 152 écoles implantées, rendez-vous sur promsoc.cfwb.be