Partir loin, de Juliette Huin et Marlène Janin (Hélium) et C’est bien mon cœur, d’Owen Gent (Obriart)

Cet album grand format nous propose pas moins de neuf voyages et quels voyages ! À chaque fois, en un récit d’une page et un paysage dessiné sur une pleine page fourmillant de mille détails, il nous invite à découvrir des contrées imaginaires : le pays du Magmadodo ponctué d’anciens volcans comme en Auvergne, le massif enneigé du Touchouss avec l’aiguille de Midi et demi, la Côte de Coquille d’or, mi-urbaine, mi-rurale et surtout maritime, le désert du Clair de Dune, la rivière de Kawaï amamazonienne, etc., etc. Grimpez au sommet des montagnes ou glissez le long de leurs pentes, laissez-vous emporter par le courant d’une rivière, envolez-vous dans les airs et l’espace… L’aventure surgit chaque fois que l’on tourne une page. Le raffinement de cet album baladeur se niche dans chaque page de garde délicatement dessinée. L’objet, en soi, est un plaisir pour les yeux et pour l’imaginaire, mais il se double d’un livre-jeu. L’autrice, Juliette Huin, prend le lecteur ou la lectrice par la main en les tutoyant et oriente leur regard pour qu’il fouille chaque image à la recherche des personnages en miniature tapis dans chaque recoin : un garçon en parachute, un ours blanc, des dinosaures, cerfs, lapins, crocodiles… Sans grand souci de cohérence il faut bien le dire. Nous ne sommes pas dans un documentaire mais plutôt dans un cherche et trouve ludique agrémenté des dessins aux traits très fins de Marlène Janin qui a mis un soin tout particulier dans les détails minuscules, augmentant le plaisir de la recherche. Entre les lignes, se glissent l’une ou l’autre pointe d’humour, des interpellations, voire de petites réflexions. Chaque voyage se termine par une invitation à rejoindre son lit comme pour poursuivre la rêverie proposée. Cette réussite des éditions Hélium se prête autant à une lecture menée par un adulte avant le coucher qu’à une lecture silencieuse de l’enfant qui peut s’y consacrer des heures (à partir de 4 ans).

Il ne faut parfois pas partir bien loin pour s’évader. Un jeune garçon se rend dans un parc proche accompagné de son père. L’enfant commence à fantasmer sur cette promenade et s’imagine grimper comme jamais au sommet des arbres, découvrir un autre monde, être dévoré par des serpents et sacré roi des sergents, se lier à un léopard, voler aussi haut que le soleil… et raconte ses aventures fantastiques à son père qui, à chaque étape, lui répond : « C’est bien, mon cœur », d’où le titre de cet album. Revenu sur terre, l’enfant découvre déconfit que son père, rivé à son GSM, n’a rien écouté. Une situation qui soulève une réalité bien d’aujourd’hui, y compris lors de vacances familiales. Au passage, on se demande si Owen Gent n’a pas écrit C’est bien mon cœur (éditions Obriart) autant pour les parents et les grands-parents que pour les enfants. Par ses illustrations aux couleurs chaudes, il a apporté au récit une belle dimension onirique. Il lui apporte aussi du mouvement en jouant de différents formats. Cet album sensible publié en anglais sous le titre That’s Nice, Love en 2022 et traduit par Céline Telliez a déjà reçu le prix World Illustration Awards 2023 et est sélectionné pour le prix de l’illustration du Victoria & Albert Museum (à partir de 3 ans).