Société

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Retour sur les premières Rencontres d’été de la Ligue des familles

C’est dans le cadre exceptionnel de la Bourse de Namur que la Ligue des familles a pris ses quartiers début septembre, lors de ses premières Rencontres d’été. Au menu du jour, membres du personnel et volontaires de la Ligue réuni·es pour partager par le biais de différents ateliers leurs regards sur les évolutions familiales.

Que l’on soit parents, grands-parents, habitant en ville ou en campagne, parents-sandwich (ceux et celles qui deviennent les parents de leurs parents), parents solos ou familles recomposées… nous nous sommes rappelé une chose évidente, mais parfois oubliée : nous sommes toutes et tous l’enfant de quelqu’un et de quelqu’une. D’une certaine manière, la famille, malgré parfois des liens fragiles ou rompus entre ses membres, reste au cœur de nos vies.

La famille est politique

Si la notion de famille peut sembler naturellement inconditionnelle, son caractère politique ne l’est pas pour autant. Quand on y réfléchit bien, l’État, et ses volontés de régulation de la « chose familiale », se sera d’ailleurs immiscé assez tard dans la sphère hautement privée des parents. Retenons parmi les mesures conséquentes, la loi sur l’instruction obligatoire et gratuite en primaire en 1914 et la loi de la protection de l’enfance, en 1912, qui reconnait la nécessité de protéger l’enfant d’un environnement familial néfaste et institue la possibilité de prononcer la déchéance de l’autorité paternelle. C’était l’époque du mariage comme ciment du noyau familial avec le père comme seul référent tout-puissant.
Ce n’est que quelques décennies plus tard, avec l’évolution des rapports entre hommes et femmes en lien avec celle du marché du travail et l’accroissement du secteur tertiaire des services et communication que le mariage s’effrite et que l’on reconnait à la définition de familles de plus en plus de configurations (monoparentales, recomposées, homoparentales…), avec une place croissante dédiée à la parentalité et à ses nouvelles normes.
Dorénavant, l’enfant est considéré comme sujet de droit, son intérêt doit être au centre de la dynamique familiale, les parents doivent l’aider à s’autonomiser et à s’émanciper. Par-là, ils deviennent de plus en plus responsables moralement et juridiquement. En parallèle, l’enfant est confronté et nourri par une multitude de référentiels éducatifs : aux côtés de ses parents, c’est l’école et l’éducation informelle, via notamment les activités extra-scolaires, qui s’invitent dans son éducation. Paradoxalement, alors qu’on reconnait aux parents leurs responsabilités, ils doivent en même temps partager de plus en plus l’éducation de leurs enfants.

Le doigt sur la gâchette

En filigrane, les politiques publiques tentent d’encadrer cette notion de parentalité. Par le biais d’expert·es, de juges, de travailleurs sociaux et travailleuses sociales, de médiateurs, médiatrices ou de coachs, le parent est aidé, mais jugé dans ses capacités à suivre les normes pour éduquer son enfant. Certains responsables souhaiteraient d’ailleurs pouvoir punir les parents ! 
Au gré des couleurs politiques, la volonté de l’État d’agir pour cadrer les enfants en réprimant leurs parents refait surface. Rappelons-nous les propos de Georges-Louis Bouchez en pleine campagne électorale en mai 2024 qui disait vouloir couper les aides sociales et les allocations familiales pour les parents dont les enfants commettent des délits graves ou sont récidivistes. En écho, quelques mois plus tard, c’est Bart De Wever qui évoque l’idée de sanctionner les parents pour les mauvais résultats scolaires de leurs enfants.
Pourtant, vous le savez comme moi, il n’y a pas de recette pour devenir parents. Pas de guide de montage Ikea à suivre étape par étape. Pas non plus de gri-gri ou d’incantations magiques. Tout juste quelques conseils glanés à gauche, à droite. En réalité, les parents font ce qu’ils peuvent. Et ils ne sont pas tous égaux dans leur possibilité de parentalité.
Si des dispositifs existent (tels que le congé parental, le congé enfant malade rémunéré…), ils ne sont pas accessibles de manière équitable et adaptée à la diversité des profils de parents. Si l’État doit réguler la parentalité dans son ensemble, il doit se donner aussi les moyens d’assurer à tous les parents l’accès à ces dispositifs. Et ce, quelle que soit la trajectoire de leurs enfants. Ce sont bien de changements systémiques dont nous avons besoin, non pas de mesures qui flinguent individuellement les parents sous prétexte des comportements de leurs enfants.