Grossesse

Post-partum : une expo avec vous dès 2025

Post-partum : une expo avec vous dès 2025

Les femmes sont aujourd’hui engagées dans un vaste mouvement de réappropriation de leur corps dans ses dimensions les plus intimes. Dans ce « combat », le post-partum est l’objet d’une prise de conscience de plus en plus forte. La Ligue des familles a pris le thème à bras-le-corps. Une exposition citoyenne est annoncée pour 2025. Elle se prépare activement.

Le post-partum est au cœur des réflexions et actions de la Ligue des familles. Cette période si sensible et bouleversante qui débute après l’accouchement et qui, selon les définitions scientifiques et les vécus des mamans, est plus ou moins longue, mérite bien toute cette attention. Fin 2022, la campagne Le post-partum n’est pas tabou, parlez-en autour de vous a été lancée. Elle se déploie sur la base du solide plaidoyer construit par le service Études et Action politique de l’association parentale, Post-partum : il faut soutenir les femmes qui viennent de donner naissance. D’une meilleure préparation au post-partum avant l’accouchement à l’allongement du congé de maternité et du congé de naissance, les revendications sont multiples.
Nouvelle pierre à l’édifice, en ce début 2023 : le pôle Éducation permanente de l’asbl porte le projet d’une exposition itinérante pour sensibiliser le public. Il s’agit, ici encore, de lever le tabou qui entoure le post-partum, d’inviter au partage d’expériences, de mieux informer et soutenir les (futurs) parents dans les premiers mois qui suivent une naissance, de faire bouger les lignes. Sur le plan politique, au niveau sociétal. Originalité de l’exposition : elle est imaginée collectivement, avec les parents.
Coup de projecteur sur sa préparation avec Ingrid Desramault et Chloé Abdelfettah qui sont, avec Caroline Massart et Anne-Sophie Hubaux, aux commandes des opérations – toutes les quatre étant chargées de projets d’Éducation permanente à la Ligue des familles.

Parents experts

La co-construction est centrale dans ce projet ; elle est inhérente à toute démarche d’éducation permanente. « On dit souvent en éducation permanente qu’on construit par, pour et avec les citoyens et citoyennes, insiste d’emblée Ingrid Desramault. On part du fait qu’ils et elles sont les expert·es de leur vécu. Le post-partum étant une période de bouleversements physiques, psychiques et psychosociaux pour les parents, cette co-construction est plus que jamais légitime ».
« Notre démarche est ascendante, enchaîne Chloé Abdelfettah. On s’attache d’abord à l’expertise des parents, sans bien sûr délégitimer celle des spécialistes de la périnatalité. On croit à l’intelligence collective. On écoute la voix du peuple, ses revendications pour ensuite les remonter vers les sphères qui peuvent influencer les décisions politiques ». Sûr que c’est un processus au long cours. « J’utilise souvent cette formule : ‘Tout seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin’ », confirme Ingrid Desramault.

Se livrer n’est pas simple, même dans un climat bienveillant et de confiance. Se livrer fait du bien

Première phase de cette co-création : une tournée d’une douzaine de rencontres, à Bruxelles et en Wallonie. C’est à cette étape qu’on se trouve. Le 30 janvier dernier, en soirée, a lieu la première de ces rencontres, à Bruxelles. Elle rassemble une quinzaine de participantes. Ce jour-là, que des femmes (jeunes mamans, pour la plupart), même si les hommes sont bien sûr les bienvenus. L’accueil est chaleureux, et il n’est pas seulement dû au potage maison servi. Les enjeux du projet sont présentés. Le dispositif de co-construction, explicité.
Deux groupes se forment. Invitation est faite aux participantes de partager leur expérience en matière de post-partum et de la résumer en trois mots ou idées qui comptent pour elles. À partir de là, une « carte mentale » collective est dessinée. Puis, les deux groupes se rejoignent pour une mise en commun de leurs points forts. L’expo est en train de s’esquisser…

Du vécu personnel au combat collectif

C’est clair, la parole des femmes se libère. Se livrer n’est pas simple, même dans un climat bienveillant et de confiance. L’émotion est forte. Les récits successifs se font écho. Se livrer fait du bien. « Merci pour vos témoignages », dit une participante avant de se lancer.
« Ce qui me touche particulièrement, c’est l’effet cathartique, thérapeutique de déposer des mots sur ses maux, confie Chloé Abdelfettah. Et là, je dois rester dans mon rôle de chargée de projets, qui est de veiller à ce que la parole circule librement, de façon fluide, et ne pas me transformer en thérapeute. Et puis, il y a la force du ‘moi aussi’. C’est fascinant d’observer le poids du collectif, car, à un moment, la question devient : comment changer ces souffrances individuelles en un combat collectif ? »
Ingrid Desramault approuve : « Ce qui est magique, c’est de partager son expérience individuelle, de se rendre compte qu’on n’est pas seul·e à être concerné·e par une situation, une injustice, une souffrance et, de là, d’en faire un combat collectif – parce qu’on prend conscience de lacunes à un niveau sociétal, structurel. Ensemble, on va essayer de faire bouger les lignes pour soi ET pour les autres. C’est cela qui distingue la démarche d’éducation permanente d’une démarche psychologique ».
Pour les mamans, prendre part à une rencontre, « c’est faire exister la réalité qu’elles ont vécue ou vivent toujours », dit encore Chloé Abdelfettah. « C’est (se) rendre justice : certaines ne s’attendaient pas à tant de difficultés, elles ne veulent pas que cela arrive à d’autres », ajoute Ingrid Desramault. « Dans un des groupes, une participante a déclaré : ‘C’est encore nous, les citoyennes, qui devons nous mobiliser pour faire changer les choses’. Il y avait de la colère en elle », observe Chloé Abdelfettah.
Et les hommes ? « Alors, oui, 99,9 % des personnes inscrites à la tournée sont des femmes. C’est logique : dans la société, aujourd’hui, le post-partum est d’abord une affaire de femmes, note Ingrid Desramault. Mais, à travers notre campagne, on veut faire passer comme message que c’est aussi l’affaire des papas ». Une rencontre leur est d’ailleurs dédiée le 23 mai à Bruxelles. À noter également : un rendez-vous en ligne, le 30 mai (de 20h à 22h), pour celles et ceux qui auraient manqué les réunions locales.

Une histoire d’engagement

Des observations déjà après plusieurs rencontres ? Ingrid Desramault : « On s’attendait peut-être à ce que les symptômes physiques du post-partum (lochies, tranchées, douleurs liées à l’épisiotomie, etc.) soient davantage relevés par les participantes. Mais ce qu’elles mettent en avant, ce ne sont pas tant les maux physiques que les maux psychiques ». Comme le sentiment de ne pas être entendue, comprise, aidée – « J’étais entourée, mais je me sentais très seule ». Ou l’oubli de soi.
Un motif de chouette étonnement est l’incroyable motivation des participantes. « Notre projet est, en quelque sorte, une réponse à la solitude qu’elles ont connue. Elles nous remercient de l’avoir initié. Elles ont tellement foi en la force du collectif qu’elles sont prêtes à s’engager. Et s’engager, dans ce cas-ci, ce n’est pas juste signer une pétition, c’est assister à des réunions, etc. », analyse Chloé Abdelfettah.
« On dit souvent que les parents de jeunes enfants sont peu disponibles, remarque Ingrid Desramault. La plupart des participantes sont mamans de jeunes enfants, mais elles prouvent le contraire : elles veulent donner de leur temps et de leur énergie au projet pour que les réalités du post-partum soient mieux connues et prises en charge dans notre société. »
Après la tournée de rencontres, des collectifs citoyens se mettront en place. Ils se réuniront une à deux fois par mois. En 2023, ils plancheront sur le contenu de l’exposition. En 2024, ils se concentreront sur sa forme. De bout en bout, la parole des citoyen·nes sera respectée. Ce qui ne balaie pas l’éclairage des spécialistes de la périnatalité, important pour garantir la crédibilité du projet.
Le lancement de l’exposition est prévu pour 2025. Avec ateliers, animations et colloque à l’appui. Elle voyagera et « fera du bruit » dans toutes les localités où elle passera. « 2024 est une année d’élections. Et donc, malheureusement, l’exposition ne tournera pas avant 2025, regrette Ingrid Desramault. Mais des participantes aux rencontres ont déjà manifesté leur envie d’agir avant ». L’avenir nous en dira davantage…
Sans doute que ce sont les personnes qui ont vécu un post-partum compliqué qui s’expriment le plus. Comment, dès lors, arriver à une juste présentation des réalités multiples ? Ingrid Desramault : « On valorise, on glorifie la maternité, on en met plein les yeux. Alors, quand on crée un espace d’expression autour d’une réalité dont une partie est invisibilisée, c’est cette partie-là qui va le plus se révéler. Les témoignages sont le contrepied de ce qui est le plus visible. Mais les côtés merveilleux ne sont pas niés pour autant. À côté des mots ‘charge mentale’, ‘solitude’ ou ‘dépression’, des mots ou idées comme ‘s’amuser’, ‘amour’, ‘tout finit par passer et donc essayons de profiter de chaque instant’ sont présents. Les participantes elles-mêmes nuancent ».

VÉCUS

Quand la parole se libère

Les témoignages partagés ce 30 janvier, lors de la première rencontre, sont forts. Il y a autant de post-partum qu’il y a de parents. En même temps, des tendances se dessinent. Morceaux choisis.
Une maman raconte son « état d’angoisse permanent », son manque de sommeil, son hospitalisation dans une unité maman-bébé – « Je ne me sentais plus capable de m’occuper de mon enfant » – et son très progressif retour à l’apaisement – « Il m’a fallu deux ans pour me sentir réparée de ma dépression ».
« J’avais des images de moi jetant mon bébé, j’avais peur d’être jugée, explique une autre maman. J’étais débordée par cet enfant qui voulait téter tout le temps. Tout était centré sur lui. Personne ne pensait à moi ».
Une autre encore : « Ton bébé pleure, tu ne le comprends pas. Ton manque de sommeil, tu le vis comme une torture. Le décalage était trop grand entre ce que j’imaginais de la vie avec un bébé et la réalité. Et tout devenait noir. Je me disais : ‘Je suis nulle. Je suis la seule à ne pas pouvoir gérer’. J’ai eu la chance d’avoir un compagnon qui a été un ange gardien pour moi ».

EN SAVOIR +

Les dates des prochaines rencontres organisées par le pôle Éducation permanente, l’étude complète de Lola Galer du service Études et Action politique...

Toutes les infos sur la campagne post-partum