Crèche et école

Pression sur le CEB : et si on relativisait les choses ?

Pression sur le CEB : et si on relativisait les choses ?

C’est quasi un rituel. Passé le congé de Pâques, le CEB pour le primaire et autre CE1D pour le 1er degré du secondaire s’offrent quelques offensives médiatiques à travers des suppléments publiés dans les journaux. Les parents inquiets de la scolarité de leurs enfants s’y plongent. La pression monte. Et si on restait zen ?  

« Il y a beaucoup de parents qui disent ‘On a réussi notre CEB’, ce qui veut tout dire ». Valentine Anciaux est psychoéducatrice. D’emblée, elle pointe le problème. Et si les parents projetaient trop de choses dans le CEB (le certificat d’études de base) et les épreuves certificatives ? Il y a la peur de voir son enfant recalé et donc empêché de suivre une voie traditionnelle, fidèle à une certaine « normalité » scolaire. Il y a la crainte du jugement extérieur, de la sanction sociale vis-à-vis de son enfant. Pour Valentine Anciaux, c’est clair, il faut prendre de la hauteur. Se concentrer sur l’essentiel. « On peut suivre le truc de loin, s’investir un petit peu, mais on n’est pas aux jeux olympiques ».
Au palmarès de la pression, le CEB (qui permet de poursuivre dans le secondaire sans restriction) est sans doute l’épreuve certificative qui en génère le plus. « On se trouve à la fin de la primaire, les enfants sont plus jeunes, encore malléables, fort sous la coupe des parents. Après, à 14 et 18 ans, les parents ont compris qu’ils devaient lever le pied. Et puis le CEB est passé par là et a relativisé les choses ».
Valentine Anciaux le constate, ce fameux CEB génère du stress chez les papas, chez les mamans. Pourtant elle en est convaincue, « moins le parent en fait, mieux c’est. C’est vraiment important de ne pas rajouter de la pression. Elle est déjà suffisante avec ce qui se passe à l’école. Le job du parent, sa première mission, c’est de faire confiance à l’enfant ».
Bref, il faut rester cool et disponible. « Dans la vie quotidienne, cela se traduit par des petites phrases du type : ‘Si tu as besoin d’aide, on est là’, ‘Si tu veux qu’on répète ce week-end, c’est possible’. Il faut avoir une discussion vraiment mature avec son enfant, identifier ses besoins réels ». Ce dernier point est important. Les besoins réels, ils sont objectivables, concrets. Les peurs de parents, ce n’est pas toujours le cas. On s’inquiète légitimement, mais, parfois, il faut bien l’admettre, cela touche à l’irrationnel. Il est donc conseillé de cibler clairement les difficultés rencontrées pour aider efficacement.

Le travail de toute une année

La méthode « grosse Bertha » en guise de préparation n’est donc pas une bonne solution. « Il y a ainsi des parents qui impriment tous les tests depuis 2008 et les font faire à leurs enfants. Cela n’est pas nécessaire. Allez voir les questions des CEB précédents, cela rassure surtout les parents, en fait. Il faut savoir qu’à l’école, ces tests sont déjà préparés. Il faut éviter d’ajouter des devoirs aux devoirs ». Là, c’est la confiance dans l’école qui doit jouer. Durant le mois de mai, les classes font du drill, renforcent les socles de compétences.
Catherine Larbuisson, coach scolaire, souligne le travail de fond réalisé par les instituteurs et institutrices. « Bien sûr, ça varie en fonction des écoles, mais aujourd’hui, les enseignant·es travaillent notamment dans la perspective de ces épreuves. Les exercices s’inspirent des questionnaires des années précédentes. Au final, le CEB devient le résultat du travail de toute une année avec l’instituteur ou l’institutrice ».

Les apprentissages à l’école suffisent normalement pour réussir le CEB, rien ne sert donc de mettre la pression sur son enfant  

Un des points essentiels, c’est aussi la méthode, la façon d’envisager les épreuves. Catherine Larbuisson met ainsi en relief toute l’importance de l’approche des questions lors du CEB : « La gestion des documents, la lecture attentive des consignes, le fait de repérer des mots-clés, l’organisation du temps ». Autre conseil-clé, renforcer la confiance de son enfant, le rassurer. « Lorsqu’on revoit la matière avec eux, commencer par ce qu’ils connaissent, cela leur permettra d’aborder les choses de façon plus sereine, de prendre conscience de leurs capacités ».
Valentine Anciaux estime aussi qu’il y faut dédramatiser. « Il y a une pression énorme autour de ces CEB. Les parents doivent donc aider leurs enfants à décompresser. Il faut les chouchouter, les bichonner. Il faut veiller aussi qu’à côté de leur préparation au CEB, les enfants continuent de jouer, de faire du vélo. Ils doivent se recharger. C’est très important ». En clair, si l’enfant a traversé le primaire sans trop de difficultés, estime la psychoéducatrice, il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

Et pour le stress du jour J ?

« Il faut relativiser les choses, glisse Catherine Larbuisson. Rappeler aux enfants de bien respirer durant l’épreuve pour s’apaiser, se relaxer. De se concentrer sur l’énoncé avant de se lancer. De prendre de la hauteur pour ne pas bloquer sur une question, parfois certaines questions qui suivent permettent d’orienter celle qui posait problème ». Une série de conseils à dispenser évidemment avec une approche fluide et bienveillante, loin de la pression d’un briefing à la veille d’une opération militaire décisive.
Cela étant dit, quid des enfants qui ont des troubles de l’apprentissage ? Là aussi, Valentine Anciaux se veut rassurante. « Les problèmes de l’apprentissage ne se découvrent pas en mai. Ils l’ont été bien avant. Dans ces cas-là, il faut savoir qu’il y a des aménagements qui existent. Certain·es élèves peuvent disposer de plus de temps. Dans certains cas, une aide extérieure peut lire les questions ».
Plusieurs aménagements sont en effet inscrits dans la circulaire qui accompagne l’épreuve, ils touchent notamment les questionnaires : « Pour les élèves qui présentent un trouble de l’apprentissage ou visuel diagnostiqué et qui bénéficient d’aménagements plus importants des documents durant l’année, l’épreuve existe aussi en versions adaptées ». Ces versions ont des polices différentes, des mises en pages plus aérées, etc.
Ce qui est sûr, c’est que le CEB ne doit pas se transformer en calvaire pour les élèves. Mais voilà, la pression scolaire est telle que, parfois, cela fait des dégâts. Valentine Anciaux vient avec cet exemple particulièrement cruel. « Le truc le plus horrible que j’ai vu, c’est cette enfant qui était seule à ne pas avoir réussi son CEB dans une classe, alors qu’elle avait travaillé dix fois plus que les autres. L’école a fait une remise des CEB, laissant la gamine de côté, sans rien. Ce sont vraiment des trucs à ne pas faire. C’est violent. Ce type de proclamation, ce n’est pas nécessaire ».
Au bout du compte, l’histoire se termine bien. « L’élève est devenue puéricultrice et ça marche pour elle. Elle est parvenue à surmonter ce qui s’assimile pour moi à une espèce de maltraitance ».

ZOOM

La 1re différenciée

Rater son CEB, la fin du monde ? Pas vraiment. Tout d’abord, il faut signaler qu’un CEB est réussi lorsque votre enfant décroche 50 % dans chacune des disciplines. Si cette exigence n’est pas atteinte, il ou elle peut encore être délibéré·e favorablement par le jury d’école ou le conseil de classe. Il y aussi des possibilités de recours. Si malgré ça, le CEB n’est pas en poche, l’élève peut recommencer son année ou aller en 1re différenciée.
L’objectif de cette année différenciée (qui n’est pas dispensée dans toutes les écoles) est de permettre aux élèves d’obtenir le CEB pour conserver tout l’éventail des possibles pour leur parcours scolaire, notamment grâce à un plus petit nombre d’élèves par classe.
Sur ce point, Valentine Anciaux s’emballe : « Dans cette 1re différenciée, les élèves vont être accueilli·es par des équipes ultra bienveillantes. Elles savent ce qui s’est passé. Elles savent qu’elles sont face à des enfants qui ont fait beaucoup d’efforts pour peu de résultats. Et donc, elles travaillent la confiance soi pour restaurer tout ce qui a été abimé lors des six années précédentes. C’est un véritable petit cocon où on rattrape les acquis. Les enseignant·es vont recharger les batteries de leurs élèves. Si l’objectif est de repasser le CEB en fin d’année, certain·es y arriveront, d’autres pas. Mais ils auront trouvé leur voie. Il y a des enfants qui ont été sauvés par le dynamisme et la créativité de ces classes-là ».