Développement de l'enfant

Des regards de velours, des mots de miel et pleins d’amour, des amis arc-en-ciel, un monde doux, pacifique et du soleil… Oui, on veut le meilleur pour nos enfants. Sauf qu’en vrai, il y a aussi l’obscurité de la nuit, le grand chien du parc, le bruit de l’aspirateur, l’orage… et tellement d’autres sources de peurs pour nos si mignons.
En tant que parents, on ne peut pas empêcher toutes les peurs ou idées sombres d’envahir de temps en temps nos petits chéris. Par contre, on peut les aider à apprivoiser leurs angoisses et peut-être même à les dépasser un jour. Un fameux challenge qui n’est pas toujours simple. « Pour pouvoir accompagner au mieux un enfant qui a peur, les parents doivent d’abord accepter qu’il puisse avoir peur. Si d’emblée, ils ne veulent pas que leur enfant ait peur, qu’ils veulent le protéger de tout, ils pourront difficilement l’accompagner », explique Karim Odr, psychiatre infanto-juvénile à la Clinique Saint-Jean à Bruxelles.
Avant même d’entourer ou de consoler un enfant qui a peur, on essaie donc d’accepter ce sentiment de peur chez lui, même si on n’aime pas ça, même si, en nous aussi, quelques peurs sont enfouies… « Les parents servent de médiateurs à l’enfant pour apprivoiser le monde extérieur, poursuit le docteur Odr. Si les émotions des parents entrent en résonance avec une angoisse de leur enfant, ça nécessite parfois un vrai travail de leur part. »
Les parents aussi ont parfois peur
Pour éviter l’escalade d’une phobie familiale, ça vaut la peine d’identifier et d’accepter nos peurs aussi. Ce job de parents est décidément parfois bien remuant. Notre petit a une nouvelle peur, soudaine, qui apparaît et qui nous rappelle peut-être que nous aussi, enfants, nous avions nos craintes, terribles parfois. Nous n’en parlons pas trop, peut-être un peu gênés… mais il ne faut pas l’être ! Du tout. Se construire une carapace de parents super forts qui n’ont peur de rien, c’est inutile. Car, en fait, c’est humain d’avoir parfois peur. Et nous, parents, comme nos enfants, nous sommes humains.

« Si un parent admet ses peurs devant son enfant, celui-ci pourra plus facilement s’identifier à lui. Il pourra se dire que ses parents sont des humains, comme lui, et qu’ils se débrouillent, comme lui »
« Lorsqu’un enfant a peur, un parent peut effectivement lui dire, en le prenant dans les bras pour le rassurer : "Je suis là pour toi, j’entends ta peur et je peux la contenir. Même si ta peur me fait aussi un peu peur." Si un parent admet ses peurs devant son enfant, celui-ci pourra plus facilement s’identifier à lui. Il pourra se dire que ses parents sont des humains, comme lui, et qu’ils se débrouillent, comme lui, ajoute le pédopsychiatre. Des parents vus dans une posture de toute-puissance, ça bloque à un moment. »
Des câlins et de la magie
Pas la peine de se mettre la pression pour être un parent qui n’a peur de rien et qui sait chasser tous les démons. Donner des câlins, c’est plus facile et plus gai que de faire la chasse aux monstres imaginaires. Et puis, ça ne nous empêche pas de chercher avec l’enfant des outils pour l’aider à traverser ses peurs. À essayer (et ceci vaut pour plus tard aussi, quand il est plus grand) ? On peut jouer avec ses doudous ou des marionnettes pour mettre en scène certaines peurs afin qu’il les apprivoise. On peut aussi construire avec lui un objet magique qui l’aide à avoir moins peur. « L’objet magique qui est co-construit avec l’enfant peut être effectivement intéressant. Par contre, si c’est le parent qui se pose en magicien qui éloignerait toutes les craintes, c’est moins bien. Un parent ne doit pas servir d’objet contraphobique pour l’enfant, mais plutôt l’aider à s’appuyer sur sa pensée. Face à une peur, il y a tout un cheminement. Il faut prendre l’enfant au sérieux, investiguer sa pensée avec lui. Réfléchir et trouver ensemble des petits trucs pour l’apaiser », explique le docteur Odr.
Prendre l’enfant au sérieux, la phrase est lâchée. Même si sa peur paraît complètement anecdotique, pour lui, c’est du sérieux ! On va donc l’écouter sans minimiser, sans dire qu’il n’a aucune raison d’avoir peur. L’écouter, très sérieusement, s’il peut déjà parler. À défaut, on va lui prêter nos mots (lire ci-dessous).
Enfin, n’hésitez pas à lui raconter des histoires un peu effrayantes de loups ou de monstres. Elles permettent aux enfants d’apprivoiser leur peur, de la revivre sur le papier pour finalement s’en distancier, en rigoler et la vaincre !
EN PRATIQUE
Un câlin, une oreille et des mots pour contrer la peur
Un câlin, une oreille bienveillante et des mots rassurants, voilà, en résumé, des pistes pour aider le petit enfant à surmonter sa peur, selon le pédopsychiatre Karim Odr.
Ses précisions.
- « Dans un premier temps, quand un enfant a peur, un parent peut le prendre sur ses genoux, lui parler d’une voix rassurée et rassurante. C’est ce qu’on appelle la contenance : accueillir l’enfant dans quelque chose d’infraverbal, le prendre dans les bras, le bercer, adapter le ton de sa voix, ses gestes… »
- « Une fois passé le temps de la contenance, il faut éviter de vouloir à tout prix rationaliser la peur de l’enfant. Il n’a pas besoin d’explication logique, mais d’être reconnu et entendu. »
- « L’enfant contenu, rassemblé et entendu pourra mettre des mots sur sa peur. Un adulte bienveillant peut l’aider à donner du sens à ce qu’il éprouve et l’apaiser. Il peut lui dire : "Je ne te laisse pas seul avec cette peur et je t’accompagne pour que tu puisses mettre des mots dessus." Car mettre des mots sur une peur, c’est important. Ça permet à l’enfant de ne pas rester tétanisé. »
- « Évidemment, si l’enfant entre à peine dans le langage, ses parents peuvent lui prêter des mots, mais pas lui imposer leur façon de penser ! Ils peuvent lui dire : "Je crois que tu as vécu ceci" ou "Peut-être que tu as ressenti cela"… Le challenge, c’est de proposer des mots tout en respectant la subjectivité naissante de l’enfant, car c’est un petit sujet à part entière. »
- « Et puis, si ça cale malgré les efforts déployés, si la peur reste, il faut se tourner vers une tierce personne. Ne pas s’enfermer dans une relation en face-à-face. En parler à d’autres pour éviter de tourner en rond. »
LES PARENTS EN PARLENT…
Peur de tout ce qui est brusque
« Léa n’a pas souvent peur, sauf quand quelqu’un ou quelque chose arrive de manière brusque. Elle aime observer et anticiper les choses. La dernière fois qu’un grand chien s’est approché d’elle par surprise, j’ai vu son regard paniqué, elle s’est arrêtée de respirer et elle a couru dans mes bras pour faire un gros câlin à l’abri. Sa solution face à un chien, c’est de se mettre en hauteur, dans les bras d’un parent. Si on n’est pas tout près d’elle, elle cache son visage avec ses mains et ne bouge plus, comme tétanisée. Puis elle se replie sur elle-même en petite boule. C’est pareil avec un grand boum ou certaines grimaces d’inconnus. Si un visage sévère s’approche soudainement d’elle, même si la personne veut rigoler, Léa va dire "Peur, peur !" en nous regardant. Maintenant, sa réaction dépend aussi de la nôtre. Elle voit vite si on est inquiets ou pas. »
Ivan, papa de Léa, 23 mois
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