Développement de l'enfant

« Salomé commence à jouer avec ses peluches. Elle s’occupe de son doudou, lui donne à manger, le met au lit… Elle téléphone aussi beaucoup. Elle prend n’importe quel objet qui a une forme rectangulaire, le colle à son oreille et appelle son papa. Quand elle voit mes pantoufles ou celles de son papa, elle nous les apporte. Si un vêtement traîne, elle nous l’amène pour qu’on le mette. Elle sait quoi est à qui. Elle a de vrais talents d’imitatrice, notre Salomé ! C’est une petite rigolote depuis toujours. Elle a de qui tenir avec nous. Comme on aime faire les fous, elle est en plein là-dedans aussi. On est bon public. Dès qu’elle fait le clown, on rigole et elle rigole de plus belle. Elle adore jouer à cache-cache. Et lancer des trucs en l’air ou au loin la fait beaucoup marrer. » Juliette pourrait ne jamais s’arrêter de raconter sa petite de 17 mois…
En s’occupant de son doudou, Salomé fait comme sa maman et son papa font avec elle. Elle joue au parent. Elle s’identifie au rôle de maman, de papa. Engagé dans sa deuxième année de vie, votre petit bout d’homme, de femme est aux prémices du jeu appelé très justement symbolique. C’est émouvant de le voir faire. Il est au tout début d’une suite infinie de moments à jouer à « faire comme si ». Il vous force aussi à assurer son propre rôle de bébé. Comme Manon, 15 mois : « Elle ne sait pas encore manger toute seule avec une cuillère, mais elle aime nous donner à manger – des morceaux de biscuit ou autre chose – et nous mettre une tutte dans la bouche », témoigne sa maman.
Et si votre enfant vous imite, il « copie » aussi son grand-père, sa grand-mère, un frère ou une sœur aîné(e), des enfants de la crèche, ses puéricultrices… « Il y a eu la période des travaux dans notre nouvelle maison. Du haut de ses 17 mois, Louis faisait comme son papy et moi : prendre des mesures avec le mètre-ruban, peindre avec des pinceaux, nettoyer avec la loque ou la ramassette… », dit son papa avec une dose d’admiration.
Votre enfant imite vos gestes, mais pas seulement…
« L’imitation est une manière de s’identifier à l’autre. On fait comme l’autre et c’est comme si on prenait la place de cet autre, explique Monique Meyfroet, psychologue clinicienne. C’est un exercice intéressant pour l’enfant parce que, quand il imite un de ses parents, cela implique plus que des gestes, cela englobe aussi des intentions et des émotions : l’enfant essaie de ressentir ce qu’il pense que le parent ressent. Bien sûr, on ne peut pas interroger un petit enfant à ce sujet, mais faire comme le parent, cela veut dire pour lui : être dans un état émotionnel qu’il décode comme étant proche de celui que le parent doit connaître. Il restitue ce qu’il perçoit être dans la relation, une manière d’être dans la relation à l’autre. » Cet aspect des choses n’est pas nécessairement visible, mais il est vraiment important, selon la psychologue. L’enfant n’imite pas pour imiter ! « Il essaie d’entrer dans le monde du parent, il s’accorde à lui, il intègre une partie de lui, il intègre un modèle relationnel, c’est une question de sens. »

« Quand l’enfant imite un de ses parents, cela implique plus que des gestes, cela englobe aussi des intentions et des émotions : l’enfant essaie de ressentir ce qu’il pense que le parent ressent »
Pas mal de parents – dont vous ? – se surprennent à dire à leur enfant des choses qu’ils s’étaient juré de ne jamais lui dire parce que, petits, ils les avaient entendues dans la bouche de leurs propres parents et qu’ils en avaient souffert. Voilà une démonstration qu’on intègre bien plus que les gestes de l’autre, une manière d’être dans la relation. Aïe, vous dites-vous peut-être… « Mais cela ne doit pas pousser les parents à penser, de façon un peu parano, qu’ils ne peuvent jamais se mettre en colère par exemple, précise la psychologue. Se mettre en colère fait partie de la vie. C’est intéressant, pour l’enfant, d’observer que son papa, sa maman se fâche, reconnaît ses erreurs, trouve des moyens de se calmer, que ce n’est pas la guerre tout le temps… »
Que cache le jeu de cache-cache ?
Le jeu de cache-cache a du succès auprès de votre loulou espiègle. Ce n’est pas nouveau. Quand il s’y adonne avec vous, c’est du pur plaisir partagé. Pourquoi ? Comment ? Qu’est-ce qui se cache là-derrière ? Lui comme vous êtes en attente de découvrir les impacts successifs que chacun produit sur l’autre. « L’enfant veut se cacher, vous lui dites "Ah, tu te caches, c’est une bonne idée", il fait quelque chose, vous faites quelque chose, il refait quelque chose… Vous voilà dans une série d’interactions qui s’enchaînent, dans une suite de cercles de communication, observe Monique Meyfroet. Vous êtes dans une forme de conversation : "Ce que je fais a une action sur toi, et ce que, toi, tu fais a une action sur moi, action à laquelle je réponds…" Plus on associe des cercles de communication, plus on développe la relation, et son intelligence aussi. Car si l’autre vous dit "Non, je ne joue pas", soit vous devez arrêter de jouer, soit vous devez trouver une manière de le faire quand même jouer. Vous devez devenir imaginatif, créatif : cela fait tricoter les neurones… Ces cercles de communication se construisent bien plus tôt, aux alentours de 8 mois déjà, mais maintenant ils se solidifient, se complexifient. »
Il y a un autre « enjeu » dans le jeu de cache-cache. Parce que vous êtes dans une période où votre cher diablotin transgresse davantage, parce qu’à certains moments, il faut bien l’avouer, il va trop loin dans son exploration et qu’il vous énerve… « Se cacher, pour l’enfant, ce n’est pas seulement vivre la surprise, avance Monique Meyfroet, c’est aussi poser la question : "Est-ce que tu vas me chercher ?" Autrement dit : "Est-ce que j’ai de l’importance pour toi ? Est-ce que j’existe dans ta tête ? Et ce, même si je ne suis pas avec toi et même si je ne suis pas très sympathique tout le temps…" » Cette question, votre enfant continuera de se la poser en grandissant. Quand, à 4 ou 5 ans, il s’amusera, dans un espace sécurisé bien sûr, à disparaître deux minutes de votre champ de vision et à vous entendre faire semblant de vous inquiéter de ne pas le voir…
Vos parties de cache-cache et ses scénarios où il fait comme vous sont décidément autant de chouettes moments de complicité, qui tissent et renforcent le lien entre vous. Profitez-en !
L’AVIS DE L'EXPERTE
L’enfant a besoin d’adultes autour de lui, en relation
Monique Meyfroet, psychologue clinicienne
L’enfant n’a pas besoin de jouets, il a besoin d’être en relation avec des adultes, ai-je envie de dire. Des adultes avec lesquels il fait des choses. Par exemple, lire des livres. Il y a du plaisir à partager dans cette activité. Il y a le plaisir de raconter des histoires. Il y a toute la gestuelle autour du livre. Le papa ne fera pas la même chose que la maman. Et la grande sœur ou le grand frère qui sait lire ne fera pas la même chose que le papa ou la maman. Découvrir tout ce « vocabulaire » de différences est intéressant.
L’enfant a besoin d’adultes autour de lui, en relation. Et de plaisir partagé. Donner à manger à son enfant de manière mécanique, cela ne va sans doute pas l’amener à avoir envie de faire comme vous.
L’enfant a besoin d’un lien continu avec les adultes qui s’occupent de lui, c’est-à-dire d’une vraie disponibilité de leur part, qui ne soit pas entrecoupée par le portable ou la télévision, par exemple. Ce n’est pas moralisateur de dire cela ! Il est vraiment important d’accorder à l’enfant un moment de grande disponibilité tous les jours, cela ne signifie pas que le parent doit jouer des heures avec l’enfant, je pense que c’est difficile pour des tas de raisons. Ce qui compte, c’est qu’il joue un petit temps avec lui en étant 100 % là, sans interruption. Tous les enchaînements de communication qui développent la relation ne peuvent pas prendre place si on est interrompu tout le temps.
LES PARENTS EN PARLENT…
Il mène le jeu
« Pour le moment, Victor adore jouer à cache-cache, ou plus exactement à "Je me cache, je me montre", dans la maison ou simplement avec une couverture. C’est clairement lui qui mène le jeu : il cache sa tête, puis la sort et rit. Il est très attentif à notre réaction et notre réaction le fait encore plus rire. »
Quentin, papa de Victor, 17 mois
EN PRATIQUE
Une première dînette, déjà ?
Ce n’est pas parce qu’on vous parle des talents d’imitateur de votre petit et des prémices du jeu symbolique qu’il vous faut vous précipiter sur la première dînette ou la première poussette remarquées en magasin ! D’ailleurs, c’est bien connu : les enfants préfèrent mille fois plus vos vieux récipients en plastique et vos cuillères en bois pour « faire comme si ».
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