Développement de l'enfant

Donner le bain au petit dernier, le faire manger ou le garder le temps d’aller faire une course… Que peut-on demander aux plus grand(e)s de la fratrie, ceux qui ont entre 9 et 11 ans et qu’on appelle les préados ? Natalie Penninger, professeure, spécialiste de la petite enfance, nous aide à faire le point sur les responsabilités à donner aux aînés de la famille.
Entre les couches de bébé à changer, les repas à préparer et les devoirs à gérer, pas facile d’être maman ou papa de plusieurs enfants, surtout quand on est parent solo… Aussi, quand les enfants grandissent et gagnent en autonomie, il est tentant de leur demander un petit coup de main. Mais est-ce vraiment aux plus grand(e)s de s’occuper des plus petit(e)s ? Quels genres de tâches peut-on leur demander de réaliser et à partir de quel âge ?
Peut-on leur demander de donner le bain ?
Oui, mais sous surveillance, dès que le petit tient bien assis dans la baignoire. La noyade reste l’un des accidents domestiques les plus fréquents et manipuler un bébé n’est pas toujours évident. Lorsque que le plus petit a 3-4 ans, vous pouvez laisser à vos enfants plus d’espace. Prendre le bain à deux (ou plus) et jouer ensemble dans l’eau est d’ailleurs en général très apprécié par petits et grands.
Et habiller le plus petit, le matin, avant l’école ?
C’est une tâche que l’on peut facilement demander au grand dès que le petit n’est plus sur une table de change. À terre, il n’y a aucun danger. Cela vous fera gagner du temps et responsabilisera l’aîné. Avec son frère ou sa sœur, le petit sera d’ailleurs même parfois plus enclin à se laisser faire sans rouspéter.
Surveiller son frère ou sa sœur n’est-il pas une tâche trop lourde ?
Un enfant, dès son plus jeune âge, peut être mis sous la surveillance du plus grand, pour autant qu’il ait été placé en sécurité (dans son parc, par exemple) et surtout si vous êtes à la maison, prêt(e) à intervenir. Par contre, nous déconseillons de laisser les enfants seuls à la maison, même le temps d’aller à la boulangerie juste en face. À 9-11 ans, un enfant n’est pas encore capable de trouver des solutions immédiates à un problème. Si un incident survient, il risque de paniquer. Mieux vaut donc être présent de façon à ce que votre grand(e) puisse directement vous appeler au secours si quelque chose tourne mal. De plus, il ne faut pas oublier qu’il peut aussi vous arriver quelque chose lorsque vous faites vos courses et que vos enfants risquent alors d’être livrés à eux-mêmes bien plus longtemps que prévu.
Peut-on les laisser aller jouer seuls au parc ?
Non, si le parc se trouve en ville et qu’il y a de grands axes à traverser. Sans tomber dans la paranoïa, vos enfants courent aussi plus de risques de rencontrer des personnes malintentionnées. En milieu rural, dans un petit village où les voisins se connaissent, la situation est différente.
La distance qui sépare votre domicile de la plaine de jeux a aussi son importance. Malgré tout, nous vous incitons à la prudence. Une plaine de jeux où l’on court, grimpe, glisse, saute… reste tout de même un lieu propice à l’accident. L’aîné aura-t-il tout le temps les yeux rivés sur le petit s’il est concentré sur son propre jeu ? Si l’un des deux enfants tombe ou se blesse, l’autre aura-t-il suffisamment de sang-froid pour réagir ? Comment pourra-t-il vous prévenir ? Il n’y a pas de réponse toute faite. À chaque parent de prendre sa décision en tenant compte de ces différents facteurs.
Retour de l’école sous la houlette de l’aîné ?
Ici aussi, tout dépend de l’endroit où vous vivez. S’il faut changer deux fois de métro ou de bus, c’est sans doute trop dangereux. Dans des zones plus calmes, si le chemin entre l’école et la maison est bien sécurisé, oui. Dès que le plus petit marche bien (vers 3 ans, ce qui correspond en général avec l’entrée en maternelle), vos enfants peuvent rentrer ensemble de l’école. C’est une tâche que l’aîné apprécie car cela le fait se sentir « grand » et en est très fier. Veillez tout de même à vérifier qu’il connaît bien les règles de sécurité routière et n’hésitez pas à faire au préalable plusieurs fois le trajet avec eux afin de leur signaler les endroits où ils doivent être particulièrement attentifs. L’entente entre les enfants est aussi à prendre en compte. Si le petit refuse d’obéir à son grand frère ou sa grande sœur, mieux vaut éviter de les laisser rentrer ensemble.
► Un préado, ça se préserve
C’est votre plus grand et lorsque vous êtes débordé(e) par les plus jeunes, vous avez tendance à lui demander un petit coup de main. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi pourvu que vous ne lui demandiez pas du jour au lendemain de prendre des responsabilités pour lesquelles il n’est pas prêt.
Si vous décidez de confier des responsabilités à votre aîné(e), Natalie Penninger, professeur, spécialiste de la petite enfance, conseille de procéder par étapes. « Cela vous permettra de voir comment l'enfant réagit, d'abord pendant quelques minutes, puis un peu plus ».
Il n'y a pas de règles en la matière car chaque enfant est différent. Notre spécialiste insiste toutefois sur l’importance de ne pas sur-responsabiliser le plus grand. « Les parents ne doivent pas oublier que ce sont eux qui restent les responsables de ce qui se passe dans (et en dehors) de la maison. Un préado reste un enfant. Face à son cadet, il peut avoir des comportements différents (redevenir plus jouette, être plus vite agacé ou plus vite perdre pied). Sa capacité d’attention reste également limitée dans le temps. »
L’âge et le sexe, des critères à prendre en compte
Les filles ont-elles davantage envie de jouer aux « petites mamans » que les garçons ? Même si on aimerait échapper au cliché, Natalie Peninger pense que oui. « Le fait que les papas sont souvent de plus en plus impliqués dans l’éducation et les soins des enfants change doucement la donne. Malgré tout, les filles ont plus cette envie naturelle de ‘pouponner’ que les garçons. Le sexe des enfants de la fratrie a aussi son importance. Lorsque les enfants sont du même sexe, les centres d’intérêt communs sont plus nombreux et il est plus aisé d’instaurer une complicité. »
À partir d’un certain âge, les enfants ont aussi leur pudeur et votre grand garçon peut être gêné de prendre son bain avec sa petite sœur ou de l’aider à faire pipi (et inversement). Enfin, la différence d’âge entre les enfants a aussi son importance. « Lorsque les frères ou sœurs sont très proches en âge, une certaine rivalité peut s’installer. S'ils ont une grande différence (5 ans et 10 ans, par exemple), il sera plus facile de faire accepter au petit qu’il doit obéir au grand », commente-t-elle.
Et s’il n’a pas envie ?
« Si votre grand(e) chéri(e) n’a pas envie de jouer au papa ou à la maman, inutile de le ou la forcer », avance Natalie Peninger. Selon elle, les relations fraternelles sont extrêmement fortes, teintées d'une ambivalence entre amour et haine. En forçant un enfant qui n’en a pas envie à s’occuper du plus petit, vous risquez de voir celui-ci développer une jalousie vis-à-vis du dernier venu.
« Même si confier quelques tâches à son aîné(e) peut vous soulager (surtout si vous vivez dans une famille monoparentale), il faut garder en tête qu’il reste avant tout un enfant qui, lui aussi, a le droit de jouer, d’être insouciant et d’évoluer à son rythme. »
Donner le biberon, accompagner à l'école... peut, selon certains préados, être vécu comme créateur de liens. Une belle complicité peut en découler. Mais si les tâches sont vécues comme des fardeaux, cela peut avoir des conséquences non négligeables.
Il est positif que l'aîné(e) puisse s'occuper parfois du plus jeune, à condition que cela se résume à quelques actes dont l'objectif sera de le valoriser et l'encourager dans son autonomie. N’oubliez donc pas de le remercier et de le féliciter !
G. H.
Des parents en parlent…
Les copines avant la petite sœur
« Jusqu’à ses 9-10 ans, notre aînée adorait s’occuper de sa sœur. Mais depuis quelques mois, c’est comme si elle avait passé un cap. Jouer avec la petite ne l’intéresse plus. Elle est davantage centrée sur ses copines, sa chambre et les chanteuses dont elle est fan. »
Gwenaëlle, maman d’une aînée de 10 ans et demi
Grand encore petit… ou l’inverse !
« Nos fils ont une grande différence d’âge. À 11 ans, cela agace un peu le plus grand de surveiller le petit de 2 ans lorsque nous prenons notre douche ou faisons le dîner. Par contre, dès que l’on rentre dans des activités ludiques (plaine de jeux, piscine…), il est le premier à vouloir aller sur le toboggan avec son frère. L’occasion pour lui de rester encore un peu enfant ? »
Ludovic, papa d’un aîné de 11 ans
Autre temps, autres mœurs
« Les temps ont fort changé… Lorsque j’étais petite, je rentrais de l’école avec mon frère, on allait au cinéma le mercredi après-midi ou à la piscine le samedi. Aujourd’hui, je n’oserais plus laisser mes trois enfants faire seuls ce genre de choses. C’est dommage car je pense que cela créerait de liens très forts entre eux. »
Valérie, maman d’une aînée de 12 ans