Vie pratique

Regard d’une sociologue sur la génération sandwich

Marie-Thérèse Casman est sociologue. Pendant toute sa carrière de chercheuse et professeure à l’ULiège, elle s’est intéressée aux questions de vieillissement de la population et de familles. Elle détaille pour le Ligueur le concept de génération sandwich, ses réalités et ses enjeux et compare celle d’aujourd’hui à celle d’hier.

Pouvez-vous expliquer le concept de génération sandwich ?
Marie-Thérèse Casman : « Le terme est apparu dans les années 90. On le doit à deux sociologues françaises, Martine Segalen et Claudine Attias-Donfut, qui ont réalisé une grande enquête sur les familles. Avec ce terme de génération sandwich, elles ont visibilisé la génération qui se situait entre les parents d’un côté et les enfants de l’autre et étaient sollicités de part et d’autre. »

La génération sandwich d’aujourd’hui est-elle la même que celle d’hier ?
M.-T. C. :
« Ce qui a changé, c’est la place des femmes dans le milieu professionnel, et par conséquent dans la famille. Les femmes exercent de plus en plus une activité professionnelle, ce qui est une bonne chose, mais qui a comme impact qu’elles sont de ce fait moins disponibles pour la famille. On recourt aujourd’hui davantage aux services que ce soit pour garder les enfants (crèche, garderie, extra-scolaire) ou pour les tâches ménagères (titres-services).
Les familles sont aussi plus petites et les fratries moins importantes qu’avant. On assiste à une forme de nucléarisation des familles qui sont tournées vers elles-même et plus sur la famille au sens large. Les membres de la famille n’habitent plus aussi près les uns des autres. Il y a une mobilité plus forte qui impacte la réalité des familles et l’implication que peuvent avoir les grands-parents. L’investissement de ces derniers est aussi lié au recul de l’âge du départ à la pension, une partie des grands-parents est encore active professionnellement. Avec le vieillissement de la population, on assiste aussi à un double sandwich puisque parfois jusqu’à quatre générations se côtoient. Les grands-parents sont encore en bonne santé, mais en charge de leurs parents vieillissants (les arrière-grands-parents), et les parents davantage tournés sur leurs enfants puisque leurs propres parents sont encore relativement en forme. »

Quels sont les enjeux auxquels la génération sandwich est confrontée ?
M.-T. C. :
« Au niveau professionnel, il y a un vrai besoin de penser et aménager les fins de carrière, surtout en ce qui concerne les métiers pénibles. Un autre enjeu - qui peut même être un danger -, c’est de ne pas se laisser asservir par les uns ou par les autres. La retraite, c’est un temps où on peut penser à soi et où le risque que cette disponibilité nouvelle soit accaparée par les membres de la famille existe. Je me souviens avoir participé à une émission télévisée animée par Corinne Boulangier dans laquelle deux sœurs qui étaient toutes deux grands-mères témoignaient. Une d’elles était complètement asservie à sa famille, dès qu’on l’appelait, elle abandonnait tout pour être disponible pour les uns et les autres. L’autre spécifiait qu’elle n’était pas d’accord qu’on la sollicite pour un oui, pour un non. Elle pouvait se rendre disponible, mais avait envie de planifier les choses pour fixer un cadre. »

Les femmes sont-elles plus concernées que les hommes par la génération sandwich ?
M.-T. C. : « Oui. C’était vrai hier et ça l’est encore aujourd’hui. Ça fait partie des ressemblances entre les générations sandwich passées et présentes. Les femmes restent encore fort mobilisées dans le soutien éducatif en tant que grand-mère et aussi comme fille ou belle-fille dans le soin apporté aux aînés. Les femmes restent en tête dans les rôles du soin, des tâches ménagères, même si on observe une meilleure répartition aujourd’hui dans le fait de s’occuper des enfants. Si vous demandez qui prend congé le matin quand un enfant a de la fièvre ou qui prend un congé parental pour s’occuper d’un enfant, c’est encore très majoritairement les mamans. C’est pareil dans le soutien aux aînés de la famille, les femmes sont davantage impliquées dans ce rôle. 

À LIRE AUSSI

« Pis, d’abord, t’es le chouchou de papy et mamy »

Vie pratique

« Pis, d’abord, t’es le chouchou de papy et mamy »

« Une terre à vivre pour nos petits-enfants »

Vie pratique

« Une terre à vivre pour nos petits-enfants »

« Mon petit-enfant ne veut pas me faire de câlins »

Vie pratique

« Mon petit-enfant ne veut pas me faire de câlins »

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies