Vie pratique

Ici, on a décidé de s’intéresser aux grands-pères, parfois un peu délaissés au profit des grands-mères quand on s’intéresse aux questions de grand-parentalité. Et ceci avec une question : est-ce qu’en tant que grand-père, on avance de la même manière avec ses petits-enfants qu’on fonctionnait avec ses enfants ? Pour l’occasion, on n’a pas posé la question à nos chers papys, mais à leurs enfants…
L’exact opposé
► Phillip, 37 ans, papa de Miranda, 3 ans, et Edward, 5 ans
« Mon père est un Anglais un peu bourgeois, gavé de culture anglo-saxonne. Mon éducation a été marquée par de grands préceptes basés sur le travail, la rigueur, le respect strict des règles au niveau de l’école et de l’éducation de manière générale. Obligation de réussite, internat, pratiques sportives imposées… Autant vous dire que je n’ai pas super rigolé pendant ma jeunesse [rires].
Quand il est devenu grand-père, au début, il a gardé un peu de cette froideur qui le caractérise. Mais ça a vite changé… et aujourd’hui, je dis souvent que j’ai trois enfants : ma fille, mon fils et leur grand-père. Il les embarque dans des trucs pas possibles, il leur raconte des histoires incroyables, il se gave avec eux de crasses innommables et c’est le premier à les suivre dans leurs bêtises. Par ailleurs, il est toujours super dispo pour aller les chercher à l’école, les emmener à leurs activités le mercredi après-midi. Encore une fois, moi, je n’ai jamais eu ça, la disponibilité, c’était pas son fort.
Au-delà de tout ça, c’est un régal de le voir comme ça, ça l’a fait rajeunir de dix ans et se connecter à un monde beaucoup plus large que celui dans lequel il était auparavant. Je lui ai déjà dit que s’il avait été comme ça quand j’étais gamin, j’aurais eu le meilleur père du monde. J’ai l’impression que ça le fait culpabiliser un peu et que, du coup, il profite encore plus de ses petits-enfants. [rires] »
La belle continuité
► Carla, 33 ans, maman d’Esteban*, 3 ans
« J’ai toujours eu le souvenir d’un papa pas très présent à cause de son travail, mais qui était capable de se consacrer à moi à 100% lorsqu’il le pouvait. Je peux résumer ça en disant qu’il était fort dans la qualité, beaucoup moins dans la quantité. Il répondait à mes demandes d’enfant, mais il savait aussi me faire découvrir plein de choses et partager sa curiosité naturelle.
En tant que papy, il est toujours sur le même registre avec Esteban. Il est encore très actif professionnellement, avec un métier qui lui prend beaucoup de temps. Quand il est avec son petit-fils, il n’y a rien d’autre qui compte. La preuve, c’est qu’il éteint son smartphone. Ça veut tout dire. Leur complicité me renvoie pas mal à celle que j’avais et que j’ai toujours avec lui. Je trouve que c’est une formidable qualité que d’être capable de se consacrer totalement à l’autre, particulièrement aux enfants, comme il le fait. »
Le même, mais pas tout à fait
► Julien, 27 ans, papa de Pénélope, 7 mois
« Les émotions et mon père, ce sont deux choses que je n’ai jamais associées. Il a toujours été présent pour moi, sans vraiment montrer quoi que ce soit. Il est très intérieur, il ne montre et ne dit jamais rien. Quand on a annoncé l’arrivée prochaine d’un bébé, il a été égal à lui-même alors que ma mère a rameuté absolument tout le quartier par ses cris et ses larmes. À l’annonce de la naissance, pareil. Je me souviens de son ‘D’accord, c’est bien’ au téléphone. Ça a dû être son max… Et puis, il y a eu la première fois où il a vu sa petite-fille et qu’on l’a mise dans ses bras. J’ai senti que ça le touchait vraiment beaucoup, il avait les larmes aux yeux. Ce qui est drôle, c’est qu’il a des petits gestes hyper affectueux, des petits mots doux avec Pénélope, mais toujours un peu à l’écart. Il croit qu’on ne le voit pas, mais c’est flagrant qu’il va devenir un adorable papy gâteau avec sa petite merveille. »
Indécrottable
► Nicolas*, 41 ans, papa de Lou*, 6 ans, et Anna*, 9 ans
« Mon père faisait partie de ces pères restés à l’âge de pierre. Il ne cuisinait pas, il ne faisait pas le ménage, il ne s’occupait pas des enfants, c’était full charge mentale pour ma mère. Pour lui, son rôle de père, c’était que ses enfants aient quelque chose dans leur assiette et qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil. Sympa, non ? Je me suis dit qu’en devenant grand-père, ça allait peut-être changer un peu. Avec mes sœurs, on avait même essayé de lui en parler, de préparer le terrain en quelque sorte. Il nous avait répondu dans un grand sourire qu’on verrait bien quand ça allait arriver. Si ça a marché ? Ça fait maintenant un an et demi que mes filles n’y sont pas allées. Quand elles allaient chez lui – et c’est important cette notion de ‘chez lui -, elles ne devaient toucher à rien, suivre ses ordres à la lettre, jouer en silence, etc. Franchement, c’était dur pour les filles, elles se faisaient sermonner à longueur de temps alors qu’elles faisaient juste ce que font tous les enfants. Ma mère compensait ça de façon admirable, mais, à un moment, j’ai dit stop. Il continue à voir ses petites-filles, mais c’est toujours soit chez nous, soit dans un endroit neutre pour qu’il ne puisse pas imposer sa loi. C’est triste à dire pour moi et à vivre pour mes filles qui ont quand même la chance d’avoir du côté maternel un grand-père super cool qu’elles adorent. »
LE POINT DE VUE DE L’ADO…
Compliqué d’un côté, génial de l’autre
► Yasmina*, 14 ans
« J’ai la chance d’avoir un super grand-père d’un côté et la malchance d’en avoir un avec qui c’est hyper compliqué. Papy Momo, c’est le papy rêvé, il est resté vachement jeune dans sa tête malgré ses 70 ans. Il a toujours fait plein de trucs avec ses petits-enfants, genre jouer au foot, aller au ciné, nous emmener à la côte dès qu’il fait beau. Il est capable de s’intéresser à nous, mais aussi que nous, on s’intéresse à lui, à l’histoire de la famille. Ça, c’est un truc que j’aime de plus en plus. Je lui fais raconter sa jeunesse au Maroc, comment étaient ses parents, j’apprends plein de choses sur mes racines.
De l’autre côté, c’est pas la même ambiance. Déjà, ce grand-père là, il a pas de surnom, juste un prénom. C’est une corvée d’aller chez lui, il ne supporte rien. Les bébés, ça fait trop de bruit ; les moyens, ça bouge trop ; les grands, c’est stupide, ça ne réfléchit pas. Il est incapable de nous parler autrement que comme si on était des adultes. C’est un drôle de délire. Personne n’a envie d’aller chez lui, mais on le fait parce que les parents insistent. »
* Prénoms modifiés
À LIRE AUSSI