Vie pratique

Parce qu’« on a caricaturé à l’extrême l’éducation positive pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle dit en réalité », la psychothérapeute française Isabelle Filliozat sort Éduquer. Tout ce qu’il faut savoir, chez Robert Laffont. Un livre en forme de plaidoyer et de défense.
Les ouvrages sur la parentalité et l’éducation abondent. Dans une série d’entre eux, autrices et auteurs développent leurs idées. Et critiquent celles de leurs adversaires. Les avis y apparaissent tranchants, les points de vue, clivants. Au risque de déboussoler les parents en quête de repères.
Le dernier-né d’Isabelle Filliozat se place assurément dans cette catégorie. Tout comme, à son opposé, celui de Caroline Goldman, psychologue pour enfants qui prône le retour à l’autorité (lire l’encadré).
Sans violence, ni punition, ni humiliation
Isabelle Filliozat a été une des premières à populariser la parentalité positive en France. Derrière ce vocable, de nombreuses approches coexistent. Celle qu’elle propose s’appelle « approche empathique » ou « méthode Filliozat ». Elle est une spécialiste des émotions. Parmi la cinquantaine de livres à son actif, un des plus connus est Au cœur des émotions de l’enfant. Comprendre son langage, ses rires et ses pleurs (Lattès, 1999).
« Aujourd’hui, la science vient à la rescousse de mes certitudes et de celles de mes parents », confie-t-elle dans les premières pages de son nouvel écrit. Elle et sa fratrie ont été éduquées selon les principes d’une parentalité positive qui n’en portait pas encore le nom : sans violence, ni punition, ni humiliation. Elle a fait de même avec ses enfants.
« Aucune violence n’est éducative », plaide-t-elle. Les violences éducatives ordinaires comprises. D’autant qu’éduquer un enfant sans violence, c’est la loi ! Selon elle, « la plupart des comportements que nous punissons sont en réalité des manifestations de stress et devraient donc recevoir une tout autre attention ».
Au cœur de la relation
Isabelle Filliozat combat tant le modèle de l’autoritarisme que celui du laisser-faire. S’appuyant sur « des connaissances, des études, des analyses », elle détaille, en quelque 350 pages, ce que la parentalité (ou l’éducation) positive n’est pas et ce qu’elle est.
Ainsi, elle ne produit pas des petits tyrans. Elle ne laisse pas les enfants « commander » leurs parents : elle « redonne leur pouvoir aux parents et vise à restaurer leur juste autorité ». Elle n’évite pas aux enfants la frustration : « Elle n’en a ni le pouvoir, ni le vouloir. En revanche, elle enseigne aux enfants à mieux la tolérer ».
Elle mise sur l’empathie, les émotions et leur régulation : « L’empathie ne consiste pas à nous laisser envahir par la colère en miroir ou à nous mettre à pleurer nous aussi, mais à identifier ce qu’il [l’enfant] vit, à nous connecter à son cœur et à mesurer ce qu’il traverse ». Elle ne revient pas à argumenter sans arrêt et à tout expliquer aux enfants, « surtout, en pleine crise ». Elle propose des règles plutôt que des limites et des interdits. Elle refuse le time out : « Il s’agit d’isolement forcé, d’enfermement et de retrait d’amour ». Elle prône, à la place, le time in, qui « consiste à retirer l’enfant de la situation problématique et à prendre un peu de temps avec lui pour répondre à ses besoins et l’aider à s’apaiser ».
Bref, « c’est une attitude globale qui fait passer la relation en premier ». À vous de voir maintenant, ou après la lecture du livre, comment ces mots font écho en vous…
EN SAVOIR +
D'autres voix... voies
Parce qu’au Ligueur, on croit aux débats d’idées constructifs, voici des titres qui, dans des genres variés, font une analyse critique de l’éducation positive.
- À lire, en attendant son prochain opus, Comment survivre à ses enfants ? Ce que la parentalité positive ne vous a pas dit du pédopsychiatre Patrick Ben Soussan (Érès, 2019). Avec érudition et humour, il exprime son ras-le-bol de ce courant qui « vous fait croire qu’on peut tout gérer, tout le temps, sans conflits, sans soucis, dans l’harmonie et le bonheur ». Or, « la parentalité est une aventure imprévisible », rappelle-t-il.
- Dans La parentalité positive à l’épreuve de la vraie vie (yapaka.be, collection Temps d’Arrêt/Lectures, 2023 – un écrit court et plutôt difficile, téléchargeable sur yapaka.be), le psychologue clinicien et psychothérapeute Ludovic Gadeau explique pourquoi ce mode de penser risque d’aller à l’opposé de ce qu’il vise, la bienveillance, en ne s’adressant pas à des parents qui sont dans la vraie vie. C’est-à-dire débordés, épuisés, se sentant coupables de ne pas y arriver…
- Dans son Guide des parents d’aujourd’hui (Flammarion/France Inter, 2024), Caroline Goldman, la docteure en psychologie de l’enfant qui crée la polémique en France, a ses leitmotive. Pour elle, à partir de l’âge de 1 an, l’enfant appelle des limites éducatives. Face aux transgressions, son conseil, à tous les coups : le time out.
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