Santé et bien-être

Les stéréotypes, au panier ! Hé, pas si vite ! Les stéréotypes ont mauvaise presse, certes, mais ils ont aussi leur utilité, particulièrement à l’âge de l’adolescence où ils jouent le rôle de balises… pourvu que le jeune ne reste pas enfermé dedans. Échanges avec Fabienne Bloc, psychologue, qui fait le tour des écoles pour déconstruire, avec les ados, ces idées toutes faites sur la sexualité.
Dans un premier temps, les stéréotypes aident l’adolescent à se construire pourvu qu’il puisse rapidement s’en débarrasser, ce qui n’est pas chose aisé à son âge. Le jeune pris dans le grand bouleversement adolescent tient à ses repères, surtout ceux partagés par ses pairs.
Chacun calque alors son attitude sur celle du copain et tombe vite dans le tout est blanc ou noir, particulièrement pour tout ce qui concerne la sexualité - la fille fonctionne comme ci, le garçon fonctionne comme ça. Et quand les adultes véhiculent à leur tour des clichés, pas sûr que les jeunes soient prêts à s’en sortir.
Contraception : l’affaire des filles
Pour Fabienne Bloc, ces jeunes restent d’autant plus coincés dans les clichés qu’ils les ont rencontrés très jeunes et qu’ils les ont petit à petit intégrés. « Que ce soit à la crèche, à la maison, en maternelle, on a encore tendance à refiler le bébé à la petite fille et le camion de pompiers au petit garçon. Il ne faut donc pas s’étonner qu’à 16-17 ans, les filles viennent toutes seules au centre de planning familial pour poser une foule de questions sur la contraception tandis que les garçons, de leur côté, viennent chercher à la sauvette des préservatifs. Cette démarche ne se fait jamais à deux, en couple. »
Les garçons ne s’intéresseraient-ils pas à la pilule et aux effets secondaires éventuels pour leur compagne ? « Je rencontre de temps en temps des ados qui s’intéressent aux effets de la pilule, qui s’interrogent sur le stérilet, mais c’est excessivement rare. Pour la plupart, la contraception, c’est l’affaire des filles. Seul le préservatif semble être vraiment de leur ressort ! »
Et pourtant, l’amour, cela se fait à deux. Comment faire pour que filles et garçons partagent les préoccupations les plus élémentaires ? Comment faire pour que le monde de nos enfants ne soit pas aussi binaire ? Il faut décloisonner nos petits bouts le plus tôt possible.
« Aujourd’hui, explique Fabienne Bloc, on essaie de créer dans les maternelles des espaces de jeux où se mêlent camions, grues, voitures de police, dînettes, poupées, etc. Même effort du côté des cours de récré où les jeux de ballon prennent toute la place et les jeux à l’élastique sont relégués dans un coin. »
Orientation sexuelle : toujours taboue
Lutter contre les stéréotypes, c’est permettre aux filles comme aux garçons, sur le plan de la sexualité, de s’autodéterminer soi-même. Mais à l’âge de l’adolescence (et à tous les âges, d’ailleurs), c’est très dur de supporter d’être décalé par rapport aux autres, surtout quand il s’agit de l’orientation sexuelle.
Fabienne Bloc accompagne des jeunes qui choisissent de sortir avec des personnes du même sexe. « Certains se paient la double peine, observe-t-elle, quand la personne choisie est d’origine africaine ou maghrébine, par exemple. D’ailleurs, on note beaucoup de suicides, particulièrement du côté des garçons pour lesquels c’est toujours difficile de vivre en dehors des codes de la virilité classique, même si cela ne se voit pas toujours à l’œil nu. »
Respect : la grande confusion
Mais la sexualité de nos ados au quotidien trébuche encore souvent sur des gros clichés. Avec notamment cette difficulté rencontrée chez de nombreuses filles confrontées à une demande du garçon qui ne leur plairait qu’à moitié. Combien ne sont-elles pas à s’interroger : « Faut-il accepter ou refuser ? Et si, en disant non, le gars me laissait tomber ? Si j’interdis telle ou telle pratique, il allait voir ailleurs ? ». Tiraillées entre l’envie de garder leur conquête et la crainte de passer à l’acte, elles hésitent.
« Il y a encore trop de filles qui se forcent à faire des choses qu’elles ne souhaitent pas. Or, faire quelque chose qu’on n’aime pas, ce n’est pas offrir de l’amour et c’est surtout manquer de respect vis-à-vis de soi-même, nous explique la psychologue. Et c’est bien de ça qu’il s’agit quand elles viennent déposer leurs doutes au centre de planning familial, même si elles ne prononcent pas le mot respect en tant que tel. On essaie alors de les amener à verbaliser, à faire le lien entre leur bien-être et l’idée de se respecter. »
Curieusement, du côté des filles, il y a toujours une grosse confusion entre le respect de soi et l’égoïsme. « Le bien-être pour soi reste pour beaucoup de filles quelque chose d’égoïste. Il y a toujours cette idée ancrée dans leur tête que faire quelque chose pour soi, c’est un peu honteux, c’est ignorer l’autre », observe Fabienne Bloc.
Et le respect, côté garçons ? « Le respect serait de laisser la fille prendre son temps, tout son temps, mais la norme est encore pesante et si certains s’arment de patience, ils finissent toujours un moment donné à vouloir que la fille ‘arrive quand même à ça !’. Par contre, ils peuvent être très préoccupés de faire plaisir à leur compagne. Ce n’est peut-être pas toujours avec l’idée du reste, mais c’est déjà une attention portée à l’autre », conclut la psychologue.
Intimité : à nu
La sexualité n’a plus rien d’intime aujourd’hui. Sans doute parce que ce monde exhibitionniste qui s’étale à longueur de journée sur tous les écrans au vu et su de tout le monde a contaminé la sexualité, dernière bulle de l’intime.
« Je l’observe dans les classes, décrit Fabienne Bloc : la sexualité est mise tout le temps sous le regard de l’autre. ‘Alors, tu l’a fait ?’, interrogeaient l’autre jour des ados, en accueillant l’un d’entre eux, curieux de savoir comment cela s’était passé. Les jeunes balancent entre l’intime tabou et l’intime totalement dévoilé. Les parents, sont eux aussi dans ce mouvement parfois un peu excessif : ou ils veulent tout savoir et sont alors dans le contrôle, ou ils ne veulent rien savoir parce qu’ils jugent que cela appartient à l’ado et le môme se sent esseulé ».
Comment trouver le juste milieu, comment montrer à l’ado qu’on est attentif à ce qu’il vit sans être indiscret ? Pour Fabienne Bloc, « les parents peuvent parler de sexualité sans parler de sa sexualité. Il faut créer un espace pour cela, au même titre que celui qu’on met en place pour échanger, par exemple, sur les grandes questions d’actualité. Et si le jeune commence à se laisser emporter par trop de confidences au risque de le regretter ensuite, le parent peut l’arrêter en lui disant qu’il ne veut pas faire d’intrusion dans son intimité mais qu’il est prêt à l’aider à trouver des réponses à ses questions si c’est nécessaire. »
M. K.
Ils en parlent...
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