Développement de l'enfant

Son corps : son terrain d’exploration

L’apprentissage de la propreté accroît l’intérêt de votre enfant pour son corps et ses parties génitales, c’est clair. Il n’est plus entravé par ses langes. Il sent mieux ce qui se passe à l’intérieur de son corps. Et puis, il est à cet âge où on cherche avidement comment fonctionnent les choses. « Il a pour son corps et le corps des autres une curiosité proche de celle qu’il a quand il voit que papa et maman ne réagissent pas pareil quand il fait une bêtise ! », précise Reine Vander Linden, psychologue clinicienne.

« Avant sa douche, Arthur passe toujours du temps devant le miroir, observe Lise, la maman de ce petit de 27 mois. Il se regarde dans tous les sens. Il a bien conscience de son corps, de son zizi, de ses fesses… Quel terrain d’exploration ! Ça fait cinq, six mois qu’il sait nommer les différentes parties de son corps. Il les reconnaît depuis bien plus longtemps encore. Il tire un peu sur son zizi, comme quand il attrape ses pieds. Souvent, il dit : "Bobo zizi", "Bobo tête" ou "Bobo cuisse". »
Comme le jeune Arthur, votre petit bout s’est créé une image de son entité corps et il est capable d’en nommer toutes les parties, même celles qu’il ne voit pas mais dont il a conscience. Bien sûr, s’il le connaît si bien, ce corps, c’est parce que, depuis longtemps, vous vous amusez ensemble à le détailler. Assurément, son exploration ne date pas d’hier ! « L’enfant se découvre d’abord avec les mains, ensuite avec les yeux, enfin avec son esprit, résume Reine Vander Linden. Cette découverte s’étaye sur toute une série d’expériences. D’abord, des expériences sensorielles : l’enfant se touche, chatouille son sexe, tire sur son zizi (si c’est un petit garçon)… Il prend conscience des sensations que lui procure son corps. Sur cette base, il se construit une vision qui devient une représentation de son corps sexué fait d’un haut, d’un bas, d’un devant, d’un derrière, plié ou déplié… Et, en regardant et comparant, il se rend compte que les mêmes parties ne sont pas identiques chez lui et chez les autres : il y a des cuisses grosses et des cuisses maigres, des grands et des petits zizis… Après la découverte sensorielle et la découverte visuelle, vient la découverte cognitive : l’enfant étudie son corps et le corps des autres dans sa petite tête, il va en dire quelque chose, selon son accès au langage et selon son milieu familial – car il y a des familles où on ne parle pas de cela : à quoi ça sert, des seins ? À quoi ça sert, un zizi ? À quoi ça sert, un derrière ? Pourquoi c’est plus grand chez l’un et plus petit chez l’autre ?... »

C’est quoi une fille, c’est quoi un garçon ?

Lise, notre jeune maman du début, poursuit son observation : « Arthur commence à faire la distinction entre les filles et les garçons… avec ses Playmobil. On lui demande : "Papa, c’est quoi ?" Il répond : "Fille", se marre, puis corrige : "Non garçon." Nous : "Arthur, c’est un bébé ?" Lui : "Non garçon." Comment, du jour au lendemain, a-t-il pu faire la différence ? A-t-il appris à la crèche ? Il doit avoir ses critères. Un si petit être… C’est épatant ! »

L’enfant qui se balade nu dans la maison va vite découvrir l’effet qu’il produit sur son entourage – du malaise, des sourires, de l’indifférence…

Comment les petits enfants apprennent-ils à faire la différence entre les filles et les garçons ? Belle question, celle de Lise… Dès ses premiers jours de vie, votre enfant a emmagasiné les expériences avec vous, sa maman et son papa : chacun de vous deux avait sa manière de le porter, de le cajoler, d’être en lien avec lui… Il en était de même avec ses grands-mères et grands-pères, ses tantines et tontons… Autant d’expériences qui lui ont permis de sentir très tôt l’existence de deux genres. Aujourd’hui, il se touche, se regarde, se compare aux autres – vous, ses parents, ses éventuels frères et sœurs, ses copains de la crèche. Tout cela lui permet d’appréhender la différence entre un adulte et un enfant, et de saisir que son corps n’est pas pareil à celui d’une fille ou d’un garçon, selon le sexe auquel il appartient. Voir le corps d’un enfant de sexe opposé l’intrigue. Le petit garçon demande pourquoi il a un zizi et la petite fille pourquoi elle n’en a pas. « Cette exploration l’ouvre sur une série de questions qu’il ne formule bien sûr pas avec la précision de nos paroles d’adultes, mais qu’il "mijote" intuitivement : pourquoi est-on différent ? En quoi y a-t-il complémentarité ?... », explique la psychologue.

La pudeur ne s’apprend pas, elle s’éprouve !

Chaque famille a ses codes : ainsi, dans certaines familles, on se montre nu, dans d’autres pas. Et, en fonction de ces codes, l’enfant qui se balade nu dans la maison va vite découvrir l’effet qu’il produit sur son entourage – du malaise, des sourires, de l’indifférence… Même chose pour celui qui glisse sa main dans le décolleté maternel, celui qui observe son parent sous la douche ou celui qui lance d’insistants « C’est quoi ça ? » en pointant les différences anatomiques entre filles et garçons.
« À travers des petites nuances, absolument implicites, l’enfant va ainsi tâter la limite de l’autre, ce qui est supportable ou pas chez lui. Il va se construire des repères sur ce qui est intime pour l’autre et ce qui ne l’est pas, et donc sur les limites de sa propre intimité. S’il sent que sa nudité ou son comportement créent du trouble chez ses proches, cela va l’intriguer. Et ces questions vont l’occuper davantage », prévient Reine Vander Linden. On pourrait croire que la pudeur s’apprend, mais non, insiste encore la psychologue : « Elle est directement liée aux échanges subtils entre parents et enfant à propos d’attitudes. D’une façon caricaturale, on pourrait dire que l’enfant est pudique à la mesure de la pudeur de ses parents. »

Il se chipote le sexe ?

Votre enfant peut éprouver un certain plaisir en se touchant le sexe. La masturbation est une chose normale autour de 2 ans. Un moment de relâche après des moments de grande intensité… « Mais il ne faudrait pas que cette découverte le mette en difficulté parce qu’il s’y adonne sous des regards offusqués, sévères ou honteux ou dans un espace où ce genre de pratique n’a pas trop lieu d’être. » Un coup d’œil réprobateur, un visage crispé, une attitude tendue : l’enfant capte vite que son comportement met mal à l’aise ou qu’il est malvenu. « Aux parents d’expliquer à l’enfant que cette pratique fait partie de ce qui est intime, à eux de canaliser ce comportement sans créer de l’inquiétude mais avec clarté : "Ce que tu fais là, c’est privé. Tu peux le faire dans ton lit ou dans ta chambre, mais pas devant tout le monde. Tire ta petite main de ta culotte si tu restes ici avec nous." Très jeune, un enfant est capable de comprendre cela », éclaire Reine Vander Linden. Tout cela est normal, répétons-le. « Mais si la masturbation devient une activité compulsive, si elle pousse l’enfant à se replier sur lui-même ou si elle s’inscrit dans de la provocation, il est important de chercher quelle pourrait être la tension dans la vie de l’enfant qui entraîne cette attitude et comment l’aider. »

TÉMOIGNAGE

Les parents en parlent...

Apprendre les règles de la vie en société
« De temps en temps, un peu intrigué, William glisse sa main dans mon décolleté. Je lui dis qu’il ne peut pas, comme on ne touche pas le zizi de papa. Nous voulons lui apprendre les règles de la vie en société. Après, nous pouvons nous montrer nus devant lui, ça ne nous pose aucun problème. »
Leïla, maman de William, 27 mois

BON À SAVOIR

Mise en valeur

Le corps de l’enfant, ce n’est pas que des os et de la chair ! « Dès sa naissance, il est investi par sa maman, son papa, la puéricultrice, les grands-parents… Et chacun le fait différemment, explique la psychologue Reine Vander Linden. L’enfant se rend compte qu’il représente quelque chose pour les autres, qu’il y a tout un plaisir à partager des caresses, des bisous, des chatouilles… Ce sont toutes ces expériences qui font que son corps prend de la valeur pour lui aussi. Le fait que l’autre le trouve beau, le câline, l’embrasse va lui permettre, à son tour, de s’apprécier, de se trouver beau, de se sentir exister… et de prendre ainsi une place dans la communauté des humains. »

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