Développement de l'enfant

Sous les jupes des filles

Les jeux symboliques liés au plaisir interpellent souvent les parents

Il regarde hypnotisé sa mère qui sort de la douche, il commence à dessiner des personnages sans vêtements avec un zizi ou des nénés… Et il (ou elle, d’ailleurs) découvre avec plaisir ses parties génitales. Pour l’enfant, cette exploration est naturelle, mais elle gêne parfois l’entourage. Quelle position adopter en tant que parents ?

Ça chipote dans la culotte, ça zyeute de tous les côtés, surtout quand les vêtements sont tombés. C’est clair, le corps humain semble fasciner nos gamins. « Mon neveu est venu dormir à la maison ce week-end. C’est un grand de 6 ans, très intéressé par les filles et même par ma fille, sa petite cousine de 2 ans. Notre petite louloute un brin exhibitionniste adore courir toute nue dans l’appart au moment de se mettre en pyjama. Quelle surprise d’entendre mon neveu s’exclamer : ‘J’ai vu ses nénés !’ », raconte Gaëlle, maman et tantine.
« Chez nous, on a surpris notre fille en train de jouer à papa-maman couchée sur un petit garçon de sa classe. Ils étaient habillés, mais, quand même, ça fait bizarre, non ? », nous demande Célia, maman de deux enfants de 5 et 7 ans. Ça fait peut-être bizarre pour les adultes, oui. Mais sûrement pas pour les enfants ! Ils jouent et se découvrent. C’est une étape habituelle et naturelle dans leur développement.
« Entre 3 et 6 ans, les enfants ont ce besoin d’exploration. C’est la découverte du pénis, qu’ils ont ou qu’ils n’ont pas. Les enfants se demandent pourquoi tout le monde n’en a pas un, ce que ça fait si on le tire, est-ce qu’il va pousser pendant la nuit ? L’enfant découvre son corps et celui de l’autre », explique la psychologue et sexologue Sylvie Loumaye.
Et les jeux de touche-pipi alors ? Que penser quand on retrouve un petit avec sa main dans le slip d’un autre ? « Jouer au docteur, à papa-maman… ce sont des jeux symboliques liés au plaisir. C’est aussi la période de la masturbation infantile. Mais tous ces jeux et découvertes ne sont pas de la sexualité adulte, accomplie et partagée. C’est le regard de l’adulte qui peut qualifier le comportement de l’enfant comme sexuel. Du point de vue de l’enfant, il découvre son corps et ses zones érogènes. C’est la période du petit Spirou : regarder par la serrure, échanger des chocolats contre des photos de nus… Le petit enfant est un curieux. Par exemple, quand dans la fratrie, les enfants ont l’habitude de prendre leur bain ensemble, ils ont moins besoin d’explorer à l’extérieur », ajoute Sylvie Loumaye.
Une exploration naturelle, donc, mais à cadrer tout de même. Et c’est le rôle des parents d’expliquer certaines règles de base de la vie en société : oui, on peut toucher son corps et l’explorer, mais dans sa chambre ou aux toilettes. « C’est important de donner la permission et de cadrer. Car un enfant qui découvre du plaisir et un chemin efficace pour y arriver croit qu’il peut le faire partout », explique la sexologue.
Et pour les jeux à plusieurs aussi, on cadre : jouer à papa-maman, c’est permis entre enfants du même âge et à condition que chacun soit d’accord. « Personne n’est obligé de jouer et c’est bon de le rappeler, ajoute la psychologue. Un adulte peut intervenir en demandant aux enfants à quoi ils jouent et s’ils sont tous d’accord de jouer. On peut dire aux enfants : ‘Qu’est-ce qui se passe ici, vous jouez à vous mettre l’un sur l’autre et vous êtes O.-K. tous les deux avec ça ? D’accord, vous jouez encore cinq minutes et puis je vous attends en bas pour un puzzle’. Cette intervention externe pourra permettre à un enfant soumis de dire qu’il préfère lire un livre ou faire autre chose. Mais que les parents se rassurent, à 5 ou 6 ans, il n’y a pas d’esprit pervers quand les enfants jouent à papa-maman ou qu’ils ont une main dans la culotte. Ce qui risque par contre de les traumatiser, ce serait une intervention disproportionnée des adultes : appeler le directeur de l’école, la police… ».

Tous tout nus ?

Pour éviter toutes ces frayeurs inutiles, restons zen face à nos petits tripoteurs et zyeuteurs. Veillons surtout à ce qu’ils se respectent. « Moi, j’ai parfois l’impression que c’est mon intimité qui n’est pas respectée à la maison. Mes jumeaux scrutent ma sortie de la salle de bain et me suivent parfois de très près pour me regarder sans sous-vêtements, ça en devient gênant », témoigne Tamara, maman de deux petits gars de presque 6 ans.
« Chaque famille a sa façon de respecter la pudeur. Dans certaines maisons, personne ne se voit nu. Dans d’autres, tous les membres s’habillent ensemble dans la salle de bain parce qu’il y fait plus chaud. Et entre ces deux extrêmes, il existe une multitude de variantes. Évidemment, dans les familles peu pudiques, il y a moins de questions sur l’anatomie de l’autre », constate Sylvie Loumaye.

« Certains enfants très à l’aise à 3-4 ans peuvent devenir soudainement pudiques vers 5 ans. Les parents doivent être attentifs à ces changements »

Tous à poil, alors ? Non, bien sûr, surtout si on n’aime pas ça. Dès qu’un enfant ou un parent se sent mal à l’aise parce qu’il se sent regardé avec insistance, il doit mettre ses limites. Quand un enfant demande de prendre son bain seul, sans son petit frère ou sa petite sœur, ce n’est pas un caprice. Même si avant, il adorait ça. Certains enfants très à l’aise à 3-4 ans peuvent devenir soudainement pudiques vers 5 ans. Les parents doivent être attentifs à ces changements.
« Et puis, à partir de 7 ans, il faut se poser la question s’il n’y a pas de malaise avec la nudité d’un côté ou de l’autre car les choses changent. L’enfant peut ressentir de l’excitation par rapport au corps du parent de sexe opposé et il peut être complexé face au corps du parent de même sexe », explique la sexologue.

Surpris en pleine action

Donc, après 7 ans, on respecte l’intimité de chacun et on pense à fermer les portes de la salle de bain et des chambres. Côté parent, on peut même penser à fermer la chambre à clé lors d’une parade amoureuse ou d’une sieste crapuleuse. Une visite surprise en plein câlin peut dérouter parents… et enfants. « Je n’oublierai jamais la petite voix de ma fille qui, sortie de nulle part, à hauteur du matelas, nous demandait ce qu’on faisait sans vêtements et pourquoi je mangeais un coussin », raconte, un peu gênée, Nathalie, maman de deux louloutes de 1 et 5 ans.
« Si des parents sont surpris par un de leurs enfants, ils doivent retourner lui parler plus tard. Idéalement, c’est le parent du même sexe qui va parler à son enfant. Et ça peut être très simple. On peut par exemple dire : ‘On t’a crié de sortir de la chambre parce que papa et maman faisaient l’amour. C’est un jeu d’adultes, qu’on appelle aussi la sexualité. Et toi, qu’avais-tu imaginé ?’. Mais comme les parents n’ont pas souvent été éduqués à la sexualité, ils ne trouvent pas toujours les mots. C’est pareil face à une scène d’amour dans un film. Le pire, c’est d’éteindre la télévision parce que les parents ne parviennent pas à mettre des mots sur ce qu’ils voient », ajoute Sylvie Loumaye.
Les enfants sentiraient le malaise sans le comprendre. Ils se demanderaient si le sexe est tabou ou sale… et ils chercheraient des réponses ailleurs, auprès des copains ou dans le vaste monde chaotique d’internet. « Il faut répondre aux questions des petits en matière de sexualité, conseille la sexologue. Leur dire qu’une petite graine du papa rencontre une petite graine de la maman pour faire un bébé, par exemple. De manière générale, il faut laisser l’enfant venir. S’il pose la question, c’est qu’il est prêt à entendre la réponse. »
Et si les questions vous prennent un peu de court ou sont posées à un moment inopportun, rien ne vous empêche d’y revenir plus tard. Une question n’est jamais périmée. Parfois, un banal évènement du quotidien comme croiser des gens qui s’embrassent sous un porche de maison peut relancer une discussion sur la sexualité. Nul besoin de préparer une mini-conférence sur la fabrication des bébés pour nos enfants. Répondre à leurs questions, c’est déjà extra. Et si l’on se sent hésitant, certains livres adaptés aux enfants sont de bons outils.

PRÉVENTION

Le sexe, une histoire de poils

Parler de sexualité ouvertement avec son enfant, c’est aussi montrer qu’on est là, prêt à dialoguer en cas de doutes ou de pépins. La psychologue et sexologue Sylvie Loumaye explique : « Si un enfant vit un truc anormal, c’est important qu’il puisse en parler. Il faut dire aux enfants que la sexualité est un jeu réservé entre adultes et que certaines personnes adultes malades veulent jouer à ça avec des enfants. Si ça arrive, les enfants doivent en parler. La prévention, c’est très important en cas d’abus. ‘Les poils avec les poils et les non-poils avec les non-poils’, disait Jean-Yves Hayez, mon prof d’université ».

À LIRE

Des livres à lire en famille ou à poser aux toilettes

  • L’encyclo de la vie sexuelle, existe en version 4-6 ans et 7-9 ans (Hachette).
  • Le guide du zizi sexuel, par Zep et Hélène Bruller (Glénat). Prévu pour les préados (9-13 ans), il parle des règles, des poils, des bisous avec la langue et même des rapports sexuels…