Développement de l'enfant

Certains enfants, pour se faire aimer des autres, se transforment en de véritables pots de colle. Et s’ils sont repoussés, ils deviennent agressifs. Gros plan sur une des réalités des boucs émissaires à l’école…
Dans la classe de Madame Martine, il y a un gros souci : Téo et les bagarres. Téo a 9 ans. Il est un rien dodu et se retrouve toujours sur le carreau quand les autres enfants organisent une partie de foot ou un autre jeu collectif. Pourtant, il fait tout pour se faire des amis… enfin, ce qu'il pense qu'il faut faire !
Ainsi, tous les matins, il a dans ses poches des bonbons, l'une ou l'autre petite voiture ou des vignettes de la collection du moment, genre Panini. Dès son arrivée, il est entouré d'une bande de petits prédateurs qui profitent de la situation. Et Téo imagine, chaque matin, qu'à la prochaine récré, il ne sera plus tout seul.
Mais c’est chaque fois pareil : il a beau rappeler aux autres qu'il leur a donné des bonbons, qu'il veut jouer avec eux, ils le repoussent. Les filles le fuient, le trouvent collant, toujours à se vanter. Résultat : Téo se fâche, donne des coups, veut récupérer ce qu'il a distribué le matin.
Le cercle infernal s’installe
Malheureusement, Téo est pris dans un cercle infernal. Il tente d'acheter des amis et d’avoir ainsi une emprise sur eux, mais les autres prennent le pouvoir à leur tour en le rejetant du groupe. Se sentant repoussé, il veut reprendre sa place par la force et donne des coups de poing.
Avec les filles, ce n'est pas tout à fait pareil : il est moins agressif, mais beaucoup plus collant. Il les suit, les poursuit, veut leur imposer des jeux. Il tente d'envahir leur territoire et elles aussi réagissent en le repoussant. Dans tous les cas, les enfants se plaignent de lui et il se fait punir... c’est toujours lui qui est puni puisque tout le monde s'en plaint ! Et la situation empire. Or, Téo est en grande souffrance. S'il pouvait trouver une petite place dans sa classe, tout irait mieux…
Des situations de ce genre ne sont pas rares dans les écoles. Des boucs émissaires, il y en a souvent et de différents modèles. Téo, c'est le modèle « prise de pouvoir fort » et le rejet est fort aussi.
Certains enfants, plus discrets, tentent d'approcher les autres, mais sans s'affirmer. Ils sont toujours là, avec un petit sourire, sans dire grand-chose. Les autres enfants se sentent observés, un peu menacés. Ils imaginent que l'intrus les espionne et ils le repoussent, vont se plaindre de lui aux adultes en inventant parfois des griefs imaginaires.
D'autres sont l'objet de moqueries parce qu'ils ont des lunettes ou des taches de rousseur ou parce qu'ils s'habillent différemment. Ce sont souvent des enfants sensibles et timides qui ont vite les larmes aux yeux. Ils ont du mal à se défendre et subissent sarcasmes et quolibets sans se plaindre.
Il y a aussi ceux qui tirent des « bénéfices secondaires » de leur situation de bouc émissaire. Ils sont en quelque sorte le clown de service et ont une place dans la classe, celle de « fou du roi ». Ce n'est pas confortable, mais c'est mieux que d'être isolé !
Besoin d’aide à la maison et à l’école
Tous ces enfants souffre-douleur sont généralement désignés comme responsables de tout ce qui va mal dans leur groupe. Ils sont souvent seuls dans la cour de récré et ne sont pas invités aux anniversaires. Ils s'arrangent pour arriver le plus tard possible à l'école et ne pas aller à la récré, en traînant pour terminer une tâche, par exemple. Ils manquent de confiance en eux, ont une image négative d'eux-mêmes et un fort sentiment d'infériorité. Ils parlent rarement de ce qu'ils subissent, car ils ont peur des représailles et ils ont honte de ce qui leur arrive. À la maison aussi, ils se taisent. Mais ils ont mal au ventre dès le dimanche soir, dorment mal, font des cauchemars.
Même s'ils ne se plaignent pas, ils ont besoin d’aide. Ils ont besoin de retrouver une bonne image d'eux-mêmes. Ce qu'ils subissent n'est pas acceptable, ce sont des comportements « hors la loi ». Les parents ne doivent pas minimiser la situation et leur dire : « Tu n'as qu'à te défendre », ce qui ne fait qu'alourdir leurs difficultés.
Le problème est justement là : ils ne savent pas comment se défendre et, pire, ils pensent qu'ils sont responsables de cette situation parce qu'ils se sentent nuls, gros, faibles ou moches. Il faut faire avec eux le point de leurs qualités et dons, et aussi des qualités, dons et défauts des autres enfants. C’est bon de savoir que nous sommes tous différents, avec des forces et des faiblesses. Et que ces différences font notre richesse. Parfois, si la situation perdure, l'intervention d'un tiers les aidera à sortir de cette position de victime.
Dans la classe aussi, une intervention de l'adulte est nécessaire. Le groupe entier doit être pris en charge afin de désamorcer le cercle infernal. Ce travail est nécessaire non seulement pour la victime, mais aussi pour tout le groupe d'enfants, maintenant et pour demain. En effet, le phénomène de bouc émissaire existe également dans les groupes d'adultes. En parler dès l'école a donc tout son sens.
Mireille Pauluis
EN PRATIQUE
- Soyons attentifs aux signes de souffrance des enfants par rapport à l'école : le mal au ventre du dimanche soir, la poussée de fièvre du lundi matin ou encore l'absence d'invitation aux anniversaires.
- Vous n’avez pas à intervenir dans la classe ou dans la cour de récré : ce n'est ni votre place, ni votre rôle et cela risque d'accroître le problème. Mais informez l'instituteur et, éventuellement, la direction.