Développement de l'enfant

Un petit cheveu sur la langue, des phrases aux constructions improbables… certains enfants nous servent une vraie soupe de mots lorsqu’ils discutent. Quand la rentrée en primaire approche, pointe une inquiétude : comment un enfant peut-il apprendre à différencier deux lettres à l’écrit s’il les confond à l’oral ? Wendy Vander Marcken, logopède en Région bruxelloise, décortique avec nous les troubles du langage de nos petits bavards.
Tous les enfants font quelques adorables maladresses lorsqu’ils commencent à parler. Quels indices/symptômes indiquent aux parents qu’il est peut-être temps d’aller voir un·e logopède avant la rentrée en 1re primaire ?
Wendy Vander Marcken : « Si la construction et le contenu des phrases sont bons, que les mots sont mis dans une structure de langage correcte mais que l’enfant a un défaut de prononciation régulier, récurrent, alors on peut conseiller aux parents un petit bilan chez un·e logopède et une guidance parentale. Les parents pourront, par exemple, interpeller l’enfant par rapport au mauvais positionnement de sa langue dans sa bouche.
Mais il est aussi possible que l’enfant présente des troubles du langage persistants. Il comprend les mots-clés dans une phrase mais pas toutes les subtilités. Si, par exemple, on lui demande d’aller d’abord sur le toboggan et ensuite sur la balançoire, il comprendra peut-être toboggan et balançoire, mais c’est tout. Il peut y avoir des problèmes de compréhension… ou d’expression. Une conjugaison difficile, des déterminants utilisés de la mauvaise façon, la construction d’une phrase avec un sujet-verbe-complément qui est difficile à mettre en place… Dans ces cas-là, on peut suspecter des difficultés du langage oral. On réalise alors un bilan pluridisciplinaire. Car les difficultés peuvent être associées avec un problème de type attentionnel.
Mais, dans tous les cas, il faut prendre un premier contact avec un·e logopède. Ça permet de voir si on peut corriger ça, si c’est un problème de prononciation structurel, de développement du langage et s’orienter - si nécessaire - vers d’autres bilans, avec toujours un suivi logopédique. »
On parle beaucoup des troubles du langage, mais quels sont les motifs les plus fréquents de consultation de parents d’enfants de fin de maternelle ?
W. V. M. : « Nous avons beaucoup de consultations pour des retards de langage. Ce sont très souvent des enfants qui ont un bon potentiel au niveau du langage. Donc, leur retard est tout à fait rattrapable au bout de six mois, voire un an, de suivi logopédique. Moins fréquemment, on a des gros troubles comme la dysphasie qui ne se limite pas à un trouble du langage. Il faut évaluer les difficultés et les améliorations au fil du temps avec un suivi. Les progrès sont plus lents que pour un ‘simple’ retard du langage car le trouble est persistant. Ces enfants doivent trouver un tout autre chemin pour construire leur langage.
Parfois, il faut adapter les outils d’apprentissage à l’enfant. Certains enfants apprendront la lecture et l’écriture sur un ordinateur équipé d’un logiciel adéquat. Ces outils de compensation sont mis en place par la logopède. En cas de doute, le regard d’un professionnel est toujours intéressant, même si ce n’est que pour une consultation de guidance. Ça permet aux parents d’agir de manière adéquate et d’anticiper. Je prône la prévention. Une prise en charge tôt permet un contact avec les parents et l’enfant et ça permet d’anticiper et de préciser le projet thérapeutique. »
Justement, à partir de quel âge un enfant peut-il venir chez un·e logopède ?
W. V. M. : « Les premiers troubles du langage peuvent être détectés à partir de 4 ans. La dysphasie se détecte très tôt. Les troubles du langage se voient parfois plus tard. Mais on peut certainement émettre des hypothèses à partir de 4 ans. Si c’est un trouble de la prononciation, un suivi peut déjà être entamé en maternelle. On peut aider l’enfant à prendre conscience de la mauvaise position de sa langue. »
Un travail qui se fait régulièrement avec un·e logopède…
W. V. M. : « Tout à fait. En cabinet, il y a une prise de conscience kinesthésique, on apprend à l’enfant à différencier deux sons. C’est important qu’il puisse sentir dans son corps ce qui change quand il fait un S et un Z, par exemple. La perception du son dans le corps n’est pas la même. Dans ce cas-ci, la vibration de la gorge est différente. Il faut éveiller l’enfant à l’écoute de ses différents sens et mettre en lien. »
À côté de cela, les parents ont certainement un rôle à jouer au quotidien. Que peuvent-ils faire concrètement lorsque leur enfant prononce mal un mot, par exemple ? Répéter correctement le mot, est-ce une bonne idée ?
W. V. M. : « Il faut donner un modèle à l’enfant avec une attitude bienveillante. Mais surtout, il ne faut pas oublier que l’enfant ne le fait pas exprès. C’est un problème de force et de précision du muscle de la langue. Au quotidien, les parents peuvent attirer l’attention de l’enfant sur le bon positionnement de sa langue quand il trébuche sur un mot. ‘Tu as dit ce mot-là, c’est un mot difficile. Peux-tu réessayer de le dire en mettant bien ta langue ?’.
Juste reprendre l’enfant en répétant correctement le mot, ça risque de ne pas être efficace si l’enfant n’entend pas la différence entre les deux sons. Par contre, on peut l’interpeller devant la télévision, lui demander de fermer sa bouche pour penser à mettre sa langue au bon endroit. On peut aussi lui faire faire chaque jour un petit exercice indiqué par la logopède pour travailler le positionnement de la langue. L’implication des parents est super importante pour ce travail régulier. »
Vous parliez plus haut d’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’aide de logiciels adaptés… La logopédie est-elle aujourd’hui en pleine mutation grâce aux nouvelles technologies ?
W. V. M. : « Oui, aujourd’hui, on comprend de mieux en mieux les difficultés des enfants car on évolue de plus en plus vers une approche pluridisciplinaire. Mais, paradoxalement, on ne dispose pas encore de tous les outils ni des formations pour équiper correctement ces enfants. On est, pour l’instant, dans un train à deux vitesses. On travaille sur deux terrains à la fois : on a d’une part les nouvelles technologies et d’autre part la rééducation classique qui continue en cabinet. »
EN PRATIQSUE
Où trouver un·e logopède ?
Le plus simple, c’est d’aller sur le le site de l’Inami. Mais surtout, commencez par en parler à votre médecin de famille, pédiatre ou autre professionnel qui suit votre enfant. Il pourra vous fournir une prescription médicale pour un bilan logopédique, première étape nécessaire pour bénéficier d’un remboursement de la mutuelle.
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