Développement de l'enfant

Tout au long du primaire, les anniversaires succèdent les uns aux autres. Copains et copines s’amusent ensemble dans le salon ou le jardin. Puis, à partir de la 5e, la donne change quelque peu : les bougies se soufflent de plus en plus entre filles ou entre garçons.
Les anniversaires chez les 9-11 ans. De prime abord, le sujet pourrait paraître tout à fait léger. En grattant un peu la surface, on découvre vite que ces fêtes en disent beaucoup. Sur les relations entre filles et garçons. Sur le développement et la maturité des un·e·s et des autres. Sur l’adolescence qui se profile, aussi.
Pour en parler, on se tourne en premier lieu vers la psychologue Mireille Pauluis. « Avant toute chose, il faut se resituer dans l’évolution de l’enfant. À partir de 9-10 ans et jusqu’à 13-14 ans, nous sommes en plein cœur de la préadolescence. C’est une période de remue-ménage autant affectif que corporel, une période où filles et garçons vont s’identifier dans leurs différences. Et cette identification va se faire entre pairs, mais surtout au niveau du genre. En schématisant un peu grossièrement, on peut dire que, durant cette période, filles et garçons ne vont pas très bien ensemble ».
Soirée pyjama contre parc à trampolines
Ce constat, Marine l’a fait très récemment. Maman de jumeaux, une fille et un garçon, elle a toujours vu ses enfants inviter des copains et des copines commun·e·s aux anniversaires. Jusqu’à leurs 11 ans en début d’année. « Comme tous les ans, je leur ai demandé ce qu’ils avaient envie de faire et avec qui ils voulaient le faire. Habituellement, ils me donnaient une liste d’une douzaine de noms. Là, j’ai eu droit à deux listes, avec des copains et copines à inviter totalement différents pour Lucas et Lucie. Pourtant, au quotidien, leur complicité est toujours aussi forte et ils sont hyper proches. Finalement, j’ai résolu le problème en faisant deux anniversaires à des dates différentes ».
Le rôle des parents : favoriser la mixité côté invité·e·s et inciter à l’ouverture
Dans la conversation, Marine nous glisse aussi une information des plus importantes. Outre les listes d’invité·e·s très différentes – seulement quatre copines pour Lucie contre huit garçons et une fille pour Lucas, le thème de l’anniversaire est totalement opposé. « Le choix de Lucie a été une soirée pyjama-pizza-séries avec la petite bande de meilleures copines qu’elle a depuis l’année dernière, explique la maman. Lucas, lui, a opté pour un après-midi dans un parc à trampolines, avec un groupe dont je ne connaissais pas la moitié. Finalement, ça correspond assez à leur tempérament, je trouve : Lucie est assez timide, hyper stable, elle intériorise beaucoup aussi, alors que Lucas est volubile, exubérant, avec un gros besoin de se défouler et de se mesurer aux autres ».
Savoir qui ils et elles sont entre pairs
Cet exemple serait-il représentatif de la différenciation filles/garçons au niveau de l’évolution ? « Représentatif, je ne sais pas, explique Mireille Pauluis, mais cela permet de faire assez facilement le lien avec la construction de ces enfants par rapport au modèle parental. D’un côté, on peut y voir des garçons qui sont plutôt dans la compétition, dans quelque chose de physique, dans le désir de dépasser le père. De l’autre côté, pour les filles, c’est plus une question de rivalité, donc quelque chose qui va se jouer autour de la discussion, de la comparaison. Mais, au-delà de tout cela, ce qui est intéressant, c’est le besoin de savoir qui ils et elles sont entre eux ».
Des garçons d’un côté qui jouent au foot, des filles de l’autre qui discutent… voilà un schéma qui ressemble très fortement à celui qu’on rencontre encore pas mal dans les cours de récréation. Un point sur lequel Lydia, maman de Jason, 10 ans, et Alan, 13 ans, ne manque pas de s’arrêter. « Je suis enseignante en 5e primaire, donc pile avec des enfants de 10-11 ans. Cette séparation, que je vois au quotidien, je la mets surtout sur le compte de la maturité. Je trouve que les filles passent très vite un cap, qu’elles sont des préados dès la 5e. Les garçons restent bien plus longtemps sur ce côté affrontement, où on se lance des défis un peu idiots pour montrer qu’on est plus fort que le copain. Si je me place en tant que maman, c’est flagrant : Jason, mon deuxième fils, est très fort dans ce cas, même son frère de 13 ans a encore parfois cette ‘déformation’. Quand je les compare avec leurs cousines qui sont sensiblement du même âge, la différence est vraiment perceptible. Mon point de vue n’a rien de scientifique, c’est certain, mais c’est du vécu ! ».
Du groupe au noyau intime
Faire des anniversaires de filles d’un côté, de garçons de l’autre pour une totale tranquillité, serait-ce là, la solution ? Mireille Pauluis tempère : « C’est difficile de faire des choses ensemble, mais il n’y a rien de rédhibitoire. Les parents ne doivent pas être exclusifs. Ils ont ici un rôle à jouer : ils peuvent proposer à leur·s enfant·s de faire venir des filles et des garçons à leur anniversaire, en prévoyant des activités mixtes, puis, par exemple, de finir par une soirée pyjama avec un groupe réduit ».
Si c’est important de maintenir cet équilibre, il n’en reste pas moins que c’est un exercice délicat. Ce que ne manquent pas de souligner certain·e·s professionnel·le·s de l’événementiel. Annabelle, organisatrice d’anniversaires à Bruxelles, confirme que vers 10-11 ans, tout se complique : « Oui, ça devient un casse-tête à cet âge quand filles et garçons sont mélangés, parce que les souhaits des parents, initiés par les enfants, deviennent plus contraignants. On nous demande pas de ci, pas de ça ou encore ‘quelque chose où tout le monde s’épanouit et s’amuse’. Heureusement, il existe quand même un panel d’activités qui conviennent à tout le monde, qui permettent la mixité pendant un temps donné. Bowling, laser game, parc à trampolines, karaoké, ciné, escape game… tout cela, c’est assez facile à organiser pour de petits groupes dans des structures existantes. Mais on peut aussi les décliner chez soi, parfois avec juste un peu de créativité. L’idée à garder en tête, c’est de toujours faire en sorte de garder les équilibres filles-garçons, notamment pour des jeux en équipes. À cet âge-là, je ne lance jamais une activité par un ‘Allez, on fait les filles contre les garçons’. Ce qui est intéressant, c’est de jouer sur l’hétérogénéité, sur le mélange, de former des attelages mixtes un peu inattendus ».
Romain Brindeau
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Un conflit, deux méthodes…
La préadolescence, c’est souvent l’âge des clans. D’un côté celui des garçons, de l’autre celui des filles. Et donc forcément des conflits, que les unes et les autres règlent très différemment selon Mireille Pauluis.
« Là encore, je parle de façon générale, en schématisant un peu. On peut dire que chez les garçons, c’est plus simple. Un bon affrontement physique, un gagnant et un perdant, et c’est réglé, on peut passer à autre chose. Chez les filles, il y a quelque chose qui est plus du ressort psychologique, avec des fâcheries qui peuvent durer plus longtemps. Entre connivence et rivalité, la frontière est parfois mince. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi les bandes de filles ont des règles – souvent tacites – plus élaborées, mais aussi plus exclusives ».