Développement de l'enfant

Une bonne dose de câlins pour mieux explorer le monde

Ils ont 6 ans et plus, sont autonomes, grandissent bien. Ils ont aussi un drôle de surnom, que ce soit « Pot de colle » ou « La glu ». Pourquoi ces enfants, à un moment ou un autre de la journée, reviennent-ils toujours se coller à leurs parents ? On en parle avec la psychologue Mireille Pauluis.

« Je peux être en train de faire n’importe quoi, cuisiner, lire, travailler sur mon ordinateur, regarder la télé, Basile va forcément venir s’affaler sur moi. Que ce soit sur mon dos, sur mon ventre, sur mes jambes. Ça ne dure souvent pas plus de cinq-dix minutes, mais c’est régulier. Et c’est comme ça depuis toujours », raconte Marie, la maman de ce garçon de 9 ans et demi. Du coup, Marie se pose des questions. Est-ce que c’est normal ? Est-ce que ça cache un trouble du comportement ? Est-ce que Basile souffre de quelque chose ?

Pour la psychologue Mireille Pauluis, il n’y pas d’inquiétude à avoir, c’est même positif comme attitude. « Cela veut dire que votre enfant est en confiance avec vous, qu’il sait qu’il est en sécurité dans vos bras. Si on prend une image, c’est comme un téléphone sans fil, à un moment vous allez le remettre sur sa base pour le recharger. Votre enfant, c’est la même chose, en venant se coller à vous comme ça, par les câlins, il vient faire le plein de sécurité dans sa base. Nous aussi, les adultes, nous avons d’ailleurs besoin de nous rebrancher sur quelque chose qui nous sécurise, comme un lieu, une passion, une activité ».

Explorer en pleine confiance

Cette recharge affective, elle est absolument nécessaire chez les enfants de 7, 8, 9 ans et même plus. Au-delà de faire du bien à l’instant T, c’est elle qui va permettre à ces jeunes exploratrices et explorateurs d’oser découvrir le monde, de vivre d’extraordinaires aventures. « Pour vivre cela, il faut être costaud psychologiquement, explique Mireille Pauluis. Pour pouvoir aller loin, l’enfant a besoin de savoir qu’il peut y aller sereinement. Son baudrier, son filet de sécurité, c’est le parent, celui qui va dire ‘O.K., tu peux y aller, je suis là, pas loin’. En se collant à son papa ou à sa maman, l’enfant vient donc chercher cette confiance… pour mieux s’éloigner juste après ».

Parents, vous voilà donc avec un sacré rôle à assumer : être le phare, celui qui éclaire, qui dit où on peut aller. Mais, attention, comme tout bon phare, il faut rester à bonne distance. Pour notre psychologue, « c’est quelque chose dont on peut profiter pleinement, mais qu’il faut cultiver sereinement, sans se rendre indispensable. Il faut accepter le câlin, c’est évident, mais on peut quand même aller un pas plus loin. Si votre enfant a envie, faites-lui raconter les choses qu’il vit ou qu’il a envie de vivre, incitez-le à dire ses émotions. C’est ce qu’on appelle l’éducation positive. De cette façon, vous boostez sa confiance en soi ».

« Pour se séparer, il faut être deux »

Passons de l’autre côté de la barrière, là où l’enfant est collé 24 heures sur 24 à son parent. « On entre dans une autre sphère, plus problématique, avertit Mireille Pauluis. Le point de départ, c’est que pour se séparer, il faut être deux. Dans ce cas-ci, c’est généralement le parent qui est en cause et qui ne met pas l’enfant dans les bonnes conditions pour qu’il s’épanouisse. En résumé, si le parent n’a pas confiance, l’enfant aura du mal à se séparer ».

Et si cette séparation est très compliquée, il ne faut pas hésiter à consulter en duo, avec son enfant. « Pour le parent, il va falloir faire un bout de chemin, trouver les causes, note la psychologue. Très souvent, on découvre chez ce parent un traumatisme de l’enfance, l’angoisse de la séparation, qui traîne. Elle peut être réactivée suite à un événement, par exemple un déménagement, un décès ou encore une perte de travail ».

De son côté, l’enfant, en parfaite éponge à émotions, va se mettre au diapason de son parent. De cette façon, la relation devient encore plus fusionnelle et renforce le fait d’être collé l’un à l’autre. « Le but de la consultation est alors d’aider cet enfant à retrouver de la confiance, complète Mireille Pauluis. Pour cela, il va falloir remettre de la distance avec le parent, ce qui va permettre à cette jeune fille, à ce jeune garçon, de remettre à jour ses compétences, de se ‘réautonomiser’ et donc de reprendre son exploration du monde ».



Romain Brindeau

Et les ados ?

À l’adolescence, il y a de grandes chances pour que votre enfant si câlin mette de la distance. « Dans l’agitation émotionnelle qu’est l’adolescence, cette mise à distance est tout à fait normale. C’est une façon de questionner le lien charnel enfant-parent jusque-là très fort. Mon conseil aux parents – facile à dire, amis pas toujours facile à faire –, c’est de ne pas en faire un drame, d’attendre que ça passe. Si la connexion a existé durant l’enfance, il y a de très fortes chances qu’elle se poursuive passée l’adolescence et qu’elle dure même quand vos enfants seront devenus des adultes ».

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