Vie pratique

« Une terre à vivre pour nos petits-enfants »

Si vous avez participé aux marches pour le climat, vous les avez certainement rencontréꞏes, ces grands-mères et ces grands-pères pour le climat. Mais outre ces manifestations où ils et elles sont le plus visibles, leur association propose quantité d’autres actions.

Fondatrice de Grands-parents pour le climat (GPC) il y a presque dix ans, Thérèse Snoy, 72 ans, sept petites-filles - « sept petites merveilles entre 3 et 13 ans » comme elle le dit elle-même -, précise les raisons de créer un mouvement spécifique aux grands-parents : « On n’exclut pas les gens qui ne sont pas grands-parents et on s’est posé la question de savoir si on allait garder le mot. On l’a maintenu pour sa symbolique, pour le lien affectif qu’il représente avec les générations qui suivent. Nous avons choisi de parler du climat et des questions écologiques avec le cœur et les tripes plus qu’avec un discours rationnel, au nom de l’intérêt de nos petits-enfants. J’ai eu un passé environnemental et politique, mais j’ai eu ensuite l’intuition de développer cette notion d’attachement à nos petits-enfants, cette fibre affective qui nous rassemble. Ceux-ci nous font prendre conscience que les années 2030, 2050 sont proches. Nous ne serons peut-être plus là, mais eux vivront ce monde-là. Ils vont connaître ces dérèglements climatiques et autres qui pourraient les mettre en péril. Notre slogan, c’est ‘Une terre à vivre pour nos petits-enfants’  ».

Des boomers

Dans un premier temps, l’ont rejointe ceux et celles de sa génération, « la génération que l’on appelle les boomers, ceux d’après-guerre et les soixante-huitards, des idéalistes qui n’ont pas envie d’arrêter leurs engagements une fois pensionnés. On essaie de rajeunir le mouvement et ce n’est pas évident, car les gens qui prennent leur retraite aujourd’hui ont envie, me semble-t-il, de prendre du temps pour eux et un peu de recul avant de se lancer dans un mouvement comme le nôtre ».
Lors des dernières marches pour le climat, on a assisté à une diminution de la participation. Les jeunes n’organisent plus de grèves du climat. Les GPC connaissent-ils semblable essoufflement ? « Nous avons eu récemment une assemblée générale très intéressante, explique Thérèse Snoy, pour réfléchir à notre identité dans un contexte sociopolitique compliqué. La cause climatique recule dans les agendas politiques, mais aussi dans l’opinion publique, car les gens ont peur de la guerre, de la crise économique, de la perte d’un certain confort de vie. Face à cette évolution, nous sommes un peu découragés au niveau du plaidoyer politique. On écrit aux députés régionaux, belges et européens, mais on n’a pas l’impression d’être efficaces. En réponse, nous voulons renforcer notre identité et notre rôle de grands-parents à travers la transmission de valeurs comme la joie, la bienveillance, etc. Notre mouvement, notre génération doit rester forte, mobilisée, sereine pour renforcer et soutenir les jeunes, comme ceux de Youth for Climate, mais aussi nos propres membres face à ce contexte sociétal ».

Plus de radicalité ?

Dans son feuillet de présentation, GPC mentionne ses missions, dont la dernière évoque plus de radicalité. Qu’entendent-ils par-là ? : « Pour certains de nos membres, poursuit Thérèse Snoy, il est devenu de plus en plus difficile d’isoler la question climatique de la remise en cause du système économique néolibéral et de l’économie de marché qui a diminué la force de régulation des États. On s’est demandé s’il fallait aller jusqu’à la désobéissance civile. On l’a reconnue comme moyen à utiliser, en se mettant des balises pour définir quand elle était légitime. La question se pose chaque fois que nous sommes sollicités par Extinction Rébellion ou Code Rouge. On n’y va pas toujours, on n’y va pas tous, mais cela arrive. On a par exemple participé à une grosse action de désobéissance civile avec la Coalition Climat : Occupy Wet Street, pour demander une loi climat en pleine pandémie de covid. La radicalité, c’est aussi dans nos modes de vie. On cherche à être plus exemplaires. C’est bien de manifester, mais si nous ne changeons pas notre empreinte écologique, nous ne sommes pas cohérents. Nous faisons ainsi des ateliers terrestres inspirés par Bruno Latour en vue d’une plus grande sobriété, mais aussi radicalité au quotidien ».

Voter pour ses petits-enfants

À côté de multiples activités comme les Midis du climat ou des ateliers de transmission dans les mouvements de seniors et les écoles, les GPC ont également mené campagne lors des dernières élections en distribuant des signets adressés aux grands-parents. Des petits-enfants y disaient : « Grand-mère, grand-père, pense à nous dans l’isoloir. » Des signets relayés sur la page élections de leur site avec des questions aux partis. Mais Thérèse Snoy insiste : « Le mouvement Grands-parents pour le climat est pluraliste, indépendant de quelque parti que ce soit, pour rester accueillant à tous les grands-parents qui ont le souci des générations futures ».

ZOOM

Anne, grand-mère fresqueuse

Anne et Gilles de Decker sont devenuꞏes grands-parents il y a un an et, dans la foulée, ont rejoint le mouvement pour le climat. Anne s’en explique : « Devenir grand-parent, c’était pour nous un nouveau départ dans la vie. Clairement, c’est aussi notre chemin vers la fin. S’engager pour le climat, c’est une manière de l’assumer en nous donnant un rôle pour l’avenir, pour ceux qui vont nous suivre ». Ce rôle passe par le lien avec leur petite-fille, y compris lors de la marche pour le climat du 3 décembre dernier. « Mon mari avait imaginé le slogan de notre pancarte : ‘0,1°C en moins, plus de merveilles pour Alice’, qui est le prénom de notre petite-fille. On en a fait notre carte de vœux ».
Anne de Decker s’implique aussi comme fresqueuse. « C’est un Français, Cédric Ringenbach, qui a imaginé en 2015 la Fresque du climat, avec l’objectif de comprendre les rapports du GIEC (ndlr : groupe d’expert·es intergouvernemental sur l’évolution du climat), des milliers de pages de scientifiques de tous pays. Pour les comprendre, il a créé des fiches qui sont devenues un jeu de 42 cartes réparties en cinq séries de causes à effets. Grâce à cette fresque, je commence à comprendre l’enchaînement des phénomènes et leur complexité. Au bout du compte, la cause, c’est l’homme et les conséquences, catastrophiques, sont essentiellement pour l’homme aussi. C’est devenu une organisation très structurée qui a touché plus d’un million de personnes, en plusieurs langues. Je fresque régulièrement avec d’autres pour des élèves ou des adultes, dans plusieurs associations et écoles, primaires comme secondaires ».
Anne de Decker se projette aussi dans sa relation de grand-parent. Dans son gsm, elle a créé une note avec tout ce qu’elle prévoit de faire avec sa petite-fille, une quarantaine d’idées comme limiter les jouets, s’habituer au froid, remercier ceux qui nous nourrissent, apprendre à contempler avec les cinq sens, etc.

Anne et Gilles de Decker à la manifestation pour le climat du 3 décembre 2023

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