Vie pratique

Uni·es par les liens des petits-enfants

Uni·es par les liens des petits-enfants

Parfois, tout est dynamité. Le couple parental n’a peu ou plus de relations. Certaines fois, ces mêmes parents ont peu de liens avec leur propre famille ou n’en ont plus. Et alors il s’opère une incroyable recomposition : ex-belle-fille ou ex-beaux-parents refont clan autour des petits-enfants. Dur à suivre ? Vous allez tout comprendre en lisant ce qui suit.

La vie de famille est rarement un long fleuve tranquille. La traversée est parfois houleuse, faite de vagues et de courants contraires. Des parents se séparent, ne s’adressant pas ou plus la parole. Ajoutez à cela, une situation parfois tendue avec leurs propres parents - les grands-parents - et vous obtenez alors un imbroglio familial compliqué à manœuvrer.
Mais, mais, mais… comme souvent dans l’aventure des clans, il peut s’opérer quelque chose que l’on adore : l’inattendu.

Personne ne veut de nous, alors on fait famille

Éléa*, maman solo de Tomas, petite tête blonde de 6 ans, s’est séparée dès les premiers mois de la naissance de son fils. D’origine étrangère, ses propres parents sont loin. Elle doit donc gérer un quotidien permanent sans famille proche. Mais, très vite, elle reçoit un mot adorable de son ex-beau-père, le grand-père de Tomas. Le papa de ce dernier ne parle plus à son propre père depuis plus de vingt ans.
« Il a appris par son ex-femme qu’il était grand-père, explique Éléa. Au fur et à mesure de nos discussions, il m’a confié que ça avait remué quelque chose de fort chez lui. Et que si je voulais bien, il prendrait ce rôle très à cœur et que je pourrais compter sur lui au quotidien. Vous n’imaginez pas le soulagement. Alors échoués, livrés à nous-mêmes, seuls au monde, nous retrouvions un semblant de famille. »
Les visites se font régulièrement, Éléa peut en effet compter sur cet homme « plus grand-père qu’ex-beau-papa », résume-t-elle. Seule ombre au tableau, expliquer à un enfant de 6 ans pourquoi le lien grand-parental existe, là où la racine parentale n’est plus.
« Tomas pose des questions auxquelles son grand-père ne sait pas comment répondre, de peur de créer une angoisse de l’abandon chez son petit-fils ». Comment réussir à faire assimiler aux enfants que les relations peuvent être différentes d’une génération à l’autre ? On expose la problématique à Annie Vanderen, psychologue que l’on sait championne pour dénouer les nœuds. Elle invoque un allié : le temps.
« Il est important de ne pas brusquer les choses. D’y aller petit pas par petit pas. Avant d’aborder la brouille avec son propre fils, consolider la base. Sécuriser Tomas. Ce petit doit se sentir en totale sécurité affective avant d’approcher des aspects plus délicats ». Une fois fait, la psy conseille d’exposer la situation de façon simple et compréhensible. Ne pas noyer le récit de détails ou de considérations inintelligibles pour un enfant. Enfin, le rassurer, encore. Lui rappeler l’importance de son rôle dans sa vie de grand-parent. « Si ce grand-père éprouve une grande satisfaction à voir pousser sa lignée, avec le sentiment d’avoir réussi sa mission de transmission, qu’il le dise. Il n’y a rien de plus porteur pour un enfant ». En effet, n’oublions pas qu’il est le trait d’union. Dès lors, pourquoi ne pas le lui rappeler ?

Un vrai jeu des sept familles

En cela, l’histoire d’Hélène*, maman de Richard*, ado de 12 ans, est éloquente. La maman, également d’origine étrangère, a divorcé du père de son fils. « Je crois que, suite à notre séparation, j’étais plus triste à l’idée de ne plus revoir mes beaux-parents qu’à l’idée de notre mariage raté ».
Heureusement, sa belle-mère profite d’un petit rendez-vous pour lui apprendre qu’il est inconcevable de ne plus se voir. Les un·es, les autres trouvent le moindre prétexte pour passer du temps ensemble. Récupérer Richard le temps d’un week-end chez ses aïeux. Une petite escapade dans le coin pendant les vacances… toutes les occasions sont bonnes pour se voir. Mais qu’en pense l’ex, voit-il d’un bon œil le fait que ses propres parents cultivent cette relation ?

Annie Vanderen - Psychologue
« Il est important de ne pas brusquer les choses. D’y aller petit pas par petit pas, de consolider la base »
Annie Vanderen

Psychologue

« Petit à petit, on a mis les choses en place, détricote Hélène. Au départ, nous trouvions des feintes. ‘Oui, oui, je vais conduire Richard* chez tes parents, ça ne me dérange pas’. Seulement mon ex-mari s’est tout de suite remis en ménage et sa nouvelle copine a posé des questions. C’est notre fils qui a tout réglé. Expliquant qu’il était ravi qu’on passe du temps ensemble. Maintenant, on s’entend tellement bien que je passe même avec mon nouveau boyfriend et ses enfants. Un vrai jeu des sept familles, cette affaire. »
Le témoignage amuse Annie Vanderen qui constate qu’autour d’elle, les clans ont des compositions de plus en plus multiples, donc complexes. « La situation d’Hélène, même si nous n’avons pas le son de cloche de l’ex-mari, semble limpide pour tout le monde. On assume l’idée du clan élargi, basé sur le point de vue de Richard qui a l’air rassuré de cette configuration. Attention tout de même aux rixes. Parce qu’il peut se mettre en place des rivalités insidieuses qui pourraient venir gâcher l'ambiance ».

Traverser les orages

Comment faire pour cultiver ces édifices familiaux sans que rien ne s’effrite ? Pour notre intervenante, il est important de procéder à une sorte de contrat. Poser des limites, même si on sait que l’on peut mordre la ligne parfois. Dans un cas similaire à celui d’Hélène, on peut dire à ses propres parents : « Papa, maman, je suis content que vous ne vous perdiez pas de vue avec la mère de mon enfant et que vous cultiviez une super relation. Mais, je ne suis pas tout à fait à l’aise avec le fait que vous passiez les fêtes ensemble, je crains que ça brouille les repères. Et puis, ça ne met pas à l’aise ma nouvelle copine qui ne trouve pas trop sa place parmi vous ».
La psy insiste sur l’idée de bien penser au rôle et à la place de chacun et chacune. C’est là toute la difficulté de reconstruire sur un passé parfois houleux. Les ressentis sont parfois très contrastés. Entre le côté très rassurant d’un semblant de continuité et celui de vouloir faire table rase.
On laisse conclure Mireille, maman de trois enfants, « Mimi » de sept petits-enfants, toutes et tous séparé·es à de multiples reprises, petits-enfants compris. Elle met un point d’honneur à ne jamais fermer la porte à personne. Elle dit avec un regard qui exprime la même bonté que le timbre de sa voix, rare et enveloppant, que « si nous nous sommes tant aimés et si nous ne nous sommes pas fait trop de mal, pourquoi tout cesser brutalement ? Chez moi, tout le monde rentre en laissant les moments encombrants du passé à la porte. La joie. Le bonheur. La légèreté. Le plaisir de voir nos petits et nos petites grandir, c’est la seule véritable importance. Le reste finit toujours par trouver sa place avec le temps. Nous traversons les orages ».
Voilà ce qu’on vous souhaite donc, de prendre vos places. Que, de toutes ces racines emmêlées, poussent plein de branches.

* Prénoms modifiés