Santé et bien-être

Votre ado se drogue : quel est le problème ?

Autant vous le confier directement, ce sujet drogue nous a donné du fil à retordre. Côté parents, silence radio. Notre appel à témoignages sur les réseaux sociaux a fait chou blanc. Côté professionnel, il aura fallu plus d’une dizaine d’appels pour finalement entrer en contact avec deux acteurs de terrain, Antoine Boucher, formateur et chargé de communication à Infor-Drogues, et Thibault Jaminé, animateur à la maison de jeunes Le Cerceau à Genval.

D’emblée, nos interlocuteurs formulent la même observation : parler drogues et ados oui, mais rappeler aussi que les adultes sont les premiers concernés par la problématique. Autrement dit, ne nous faisons pas plus catholiques que le pape. D’autant que le terme recouvre un vaste champ si l’on se réfère à Infor-Drogues qui considère que tout produit qui a une influence sur le système nerveux central est une drogue. Dans cette acceptation, les antidouleurs, somnifères, antidépresseurs sont aussi des drogues.

Entrons dans le vif du sujet. Votre ado boit, fume, consomme du cannabis : quelle est la bonne marche à suivre ? La tendance est plutôt à l’action-réaction. Parents, enseignants, éducateurs punissent, sanctionnent, voire excluent. Cette méthode ne fait malheureusement pas ses preuves, encore moins avec les ados. Pour Antoine Boucher, formateur et chargé de communication à Infor-Drogues, la première question à se poser est : pourquoi ?

« L’enjeu est de comprendre pourquoi son ado se drogue, au risque sinon de passer complètement à côté. Pour le parent, le problème, c’est la drogue. Alors que pour l’ado, la drogue est un moyen d’affronter le problème ». Bien sûr, chaque cas est unique, mais l’expérience d’Infor-Drogues permet à l’association d’identifier trois causes communes à l’usage des drogues chez les ados.

Je me drogue, donc je suis

L’adolescence est une période de transition parfois compliquée. L’ado se cherche, construit son identité, teste les limites, transgresse les règles. Cigarette, alcool, cannabis sont autant de moyens pour lui de s’affirmer et de revendiquer une certaine autonomie vis-à-vis de ses parents.

Être, exister, pour l’adulte en devenir qu’est l’ado, c’est aussi faire partie d’un groupe. La consommation de drogue trouve alors une cause sociale. S’en griller une pour entrer en contact avec untel, être perçu comme quelqu’un de cool, se donner une contenance.
Selon Antoine Boucher, « la drogue permet en premier lieu au jeune de gérer ses émotions ». Dans sa quête identitaire, l’ado ne sait pas toujours quoi faire de ses émotions, tantôt décuplées, tantôt cadenassées. La drogue constitue alors un moyen de les gérer. À nouveau, cela demande de se décaler du produit pour cerner le besoin qui se cache derrière.

Antoine Boucher relate le travail opéré par Infor-Drogues dans ce sens. « À la demande de certaines écoles ou associations de parents, des ateliers parents sont organisés pour les amener à identifier par eux-mêmes les causes qui peuvent motiver un jeune à consommer et reconnaître celle·s qui concerne·nt son enfant ».

Prenons le cas de Tom, 17 ans, consommateur quotidien de cannabis. À la question pourquoi, il répond tout de go : par goût et pour le plaisir. Pourtant, sa consommation pourrait être interprétée tout autrement. Tom fume parce qu’il est mal dans sa peau, qu’il ne trouve pas sa place à l’école et que ses piètres résultats scolaires lui renvoient une mauvaise image de lui. Fumer est alors un moyen pour lui de gérer l’anxiété et le doute quant à son avenir.

Interroger sa consommation

Si la question du pourquoi est cruciale, celle du combien est tout aussi importante pour mesurer l’ampleur du problème. Il s’agit de cerner si l’on parle d’une consommation problématique ou non. Votre jeune est-il dans une consommation ponctuelle, festive ou est-ce une habitude ?

Dans le cadre de la campagne « Consom’ sans stress », Thibault Jaminé, animateur à la maison de jeunes Le Cerceau à Genval, gère des ateliers pour les jeunes en milieu scolaire. Que ce soit en prévention ou en réduction des risques, le ton n’est pas à la diabolisation. L’équipe est là pour outiller les jeunes. Dans cette optique, les animations démarrent avec des témoignages d’alcooliques. Ces récits concrets permettent aux jeunes concernés de se positionner par rapport à des personnes ayant un usage problématique et d’interroger leur propre consommation.

Ensuite, l’animateur propose un jeu de société où les jeunes sont mis en situation. À tout moment, les participants peuvent poser des questions à l’aide de papiers qui permettent de garder l’anonymat et libérer ainsi plus facilement la parole.

Peu importe le lieu, Thibault Jaminé observe les mêmes interrogations. « Les consommateurs ponctuels nous questionnent surtout sur l’aspect légal du cannabis, tandis que les habitués posent des questions sur les risques pour leur santé et les moyens de se faire accompagner. Notre rôle est d’amener une prise de conscience et donner envie à l’usager de se faire aider. Le jeune qui exprime un besoin de se faire accompagner a déjà parcouru la moitié du chemin ».

Briser l’omerta, passer le relais aux professionnels

Revenons à vous, parents. Pas évident de trouver le ton juste avec votre ado. Se montrer préoccupés sans pour autant dramatiser. Mais l’enjeu clé pour vous est surtout d’oser. Oser mettre le sujet sur la table. Et c’est peut-être le plus difficile si l’on en croit nos interlocuteurs. Si bien que certains renoncent, comme dans le cas de Tom. Ses parents n’ont pas su trouver les mots et dialoguer avec lui. Il aura fallu cinq ans à Tom pour « sortir de la beuh », comme il dit. Le temps de trouver sa voie comme éducateur dans une AMO et, par effet miroir, de réaliser les vraies raisons de sa consommation pour finalement s’en détacher.

Si cette étape de dialogue s’avère trop difficile, faites appel aux professionnels. Infor-Drogues tient une permanence téléphonique (02/227 52 52 du lundi au vendredi, de 8h à 22h, et le samedi, de 10h à 14h) et propose également des consultations. Les AMO (Services d’aide aux jeunes en milieu ouvert) proposent aussi du soutien et de l’accompagnement au jeune et à sa famille, et ce, gratuitement. L’un comme l’autre sont habilités à réorienter vers des acteurs plus ciblés en fonction de la situation. Centre de jour, centre de répit, Cannabis clinic, les institutions ne manquent pas.

Cet article ne livre malheureusement aucune recette, tant chaque cas est différent. Il pointe toutefois un besoin de dialogue entre parent·s et enfant pour cerner ce qui se joue dans la consommation de drogue. Parler drogue reste tabou. Il vous appartient de venir à bout de ce tabou pour comprendre, relativiser ou passer le relais.



Clémentine Rasquin

En chiffres

Quelques chiffres issus de l’enquête « Comportements, bien-être et santé des élèves », réalisée en 2014 dans le secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles.

► 13,9 % consomment de l’alcool chaque semaine.
► 7,5 % fument du tabac tous les jours.
► 2,3 % consomment du cannabis quotidiennement, 3,5 % chaque semaine et 7,4 % au moins une fois par semaine.

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