Développement de l'enfant

Votre bébé a déjà ses petites habitudes

Quand vous observez votre bébé, vous vous rendez bien compte que quelque chose s’organise dans sa petite tête. Au fil de ses journées, et au fil des séquences de vie qui se répètent, il acquiert progressivement une connaissance de ce qui va arriver. Ainsi, quand il voit son bavoir s’approcher ou qu’il entend le bruit du cuiseur-mixeur, il a l’air de comprendre que son repas va suivre…

Signes qu’il a assimilé la suite des événements ? Il émet des « mmmm mmmm » caractéristiques ou il ouvre la bouche avant même que vous n’ayez une cuillère en main. Vous essayez de lui mettre son bavoir, et tout son corps se met en tension pour vous faciliter la tâche : il s’avance et penche un peu la tête avant de reprendre sa posture initiale.
Autres exemples. Lorsqu’il est installé dans son relax et que vous voulez le prendre, que se passe-t-il ? Vous vous baissez à son niveau et, alors que vous ne l’avez pas encore touché, il se cambre pour que vos bras puissent le soulever. Vous êtes en train de l’habiller ? Le voilà qui tend un bras pour que vous le glissiez dans une des manches du vêtement que vous lui mettez.

Anticiper et attendre un peu…

« Des comportements d’anticipation se profilent de plus en plus clairement chez le bébé âgé de 5-6 mois. Il n’est plus un objet passif qui se laisse "manipuler" : il devient davantage acteur de ce qui se passe autour de lui et pour lui, cela devient son affaire, explique Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Il commence à anticiper les choses et cela fabrique sa notion du temps, sa temporalité. Temps du repas, temps du change, temps du bain, temps de l’habillage… peu à peu, le temps se structure pour lui. Le fait de répéter les choses plus ou moins de la même façon lui donne des repères de temps et de séquences d’actions. »
Avec ses panades, la petite Océane avait au début du mal à attendre qu’elles refroidissent. « Petit à petit, elle a quand même commencé à apprendre… sans pour autant me lâcher une seconde du regard », assure, tendrement amusée, Marie, sa maman (lire son témoignage complet ci-dessous). Comme cette dernière, vous observez aussi que votre bébé peut commencer à patienter un peu, par exemple lorsque vous préparez son repas. S’il a faim, il ne pleure plus non-stop comme au tout début de son existence jusqu’à ce que le lait coule dans sa bouche. Bien sûr, il ne faut pas pousser ! « Ugo s’agite, il reconnaît sa purée, il sait qu’il va manger. Il attend mais il ne faut pas exagérer non plus : quand tu lui mets sa bavette, un quart d’heure ne doit pas passer avant qu’il ne reçoive sa première cuillerée ! », raconte Marc, son papa. Votre bébé peut se retrouver dans des états de grande détresse, nécessitant d’urgence votre présence apaisante.

La patience s’apprend à plusieurs

Il est intéressant de voir comment la capacité d’anticiper et d’attendre un peu s’élabore chez l’enfant. Cela ne surgit pas spontanément, cela se construit dans l’interaction, dans la relation.
Petit échange entre jeunes parents pris sur le vif. Coline : « Je n’ai pas le sentiment qu’à 5 mois et demi, Alba sait patienter. Mais j’ai peut-être aussi du mal comme maman à la laisser patienter. » Diego : « Le monde doit s’arrêter dès qu’Alba exprime un besoin. Si je ne fais pas quelque chose dans la seconde, tu bondis ! » Coline : « J’ai plus de difficultés à l’entendre pleurer maintenant qu’avant. Pourquoi ? Je ne sais pas trop… » Diego : « Peut-être parce qu’elle pleure moins… »

Comment la capacité d’anticiper et d’attendre un peu s’élabore-t-elle chez l’enfant ? Elle ne surgit pas spontanément, elle se construit dans l’interaction, dans la relation

« Il y a des parents très réactifs et d’autres plus lents à réagir, observe Reine Vander Linden. L’enfant s’organise en fonction du style temporel et comportemental de ses parents. Beaucoup de parents acceptent mal d’entendre leur bébé pleurer. Pensant qu’il ne supporte pas l’attente, ils réagissent au quart de tour à ses besoins et à ses demandes, quitte à se mettre eux-mêmes en difficulté, et ils ne se rendent pas compte qu’en agissant de la sorte, ils ne lui laissent pas la possibilité de supporter l’attente et, donc, de tolérer la frustration. Si, à chaque fois que l’enfant manifeste sa faim, on se sent obligé de le prendre dans les bras tout en préparant en vitesse sa panade, il ne va pas apprendre la patience. Par contre, si on fait les choses plus à l’aise, si on lui dit "Tu es capable d’attendre deux minutes, le temps que je prépare ta panade", il va se rendre compte que son repas nécessite un temps de préparation et il va petit à petit apprendre à patienter. »
« Cette patience, il peut la mettre en œuvre parce qu’il a reçu préalablement beaucoup de fiabilité et de confiance de ses parents, poursuit la psychologue. C’est parce qu’au début de son existence, il a vu ses attentes immédiatement satisfaites qu’il a confiance dans son pouvoir de mobiliser l’attention de ses parents et dans la réaction diligente de ceux-ci. Ce qui réduit pour lui l’imprévisible et l’aléatoire : il sait que les réponses à ses attentes viendront et qu’il s’agit de patienter juste un peu. » Avec ses yeux de jeune maman, Sophie résume bien cette évolution : « Mon bébé a presque 6 mois et c’est un petit garçon totalement différent du bébé du début. Il comprend ce qui se passe, il est capable d’attendre, il pleure toujours pour se faire comprendre mais ce ne sont plus des pleurs de détresse. Il exprime son besoin, mais il sait que celui-ci sera comblé car c’est le cas depuis qu’il est né. »
Entre parents, vous pouvez avoir des perceptions différentes de ce que votre bébé est capable de supporter. « Pour l’enfant, l’avantage d’avoir deux parents, c’est d’abord d’être confronté à plusieurs temporalités, insiste Reine Vander Linden. Il peut, par exemple, être confronté au temps lent de sa mère et au temps plus rapide de son père et il exigera d’eux ce qu’il sait qu’il peut en attendre. Ensuite, il y a l’utilisation de la dyade parentale pour faire patienter : l’autre parent (ou un proche) peut ainsi distraire le bébé le temps qu’on veille à répondre à sa demande. Enfin, l’autre parent peut également aider à prendre conscience de son propre fonctionnement et à faire confiance à son bébé et à soi : "Tu te précipites chaque fois qu’il pleure mais, tu sais, il est maintenant assez solide pour attendre quelques minutes, ce n’est pas grave s’il pleure un peu." » Sans doute qu’au deuxième ou troisième enfant, on supporte aussi mieux les pleurs du dernier-né…

Séquences de vie répétées et petits moments de surprise

Lever, repas, change, bain, jeu, promenade, coucher… Tétée du matin, retrouvailles à la crèche, câlin du soir, berceuse avant le dodo… Habitudes et rituels organisent le temps de l’enfant. « Il arrive au monde sans la notion du temps, il ne fait pas la différence entre le jour et la nuit, il n’a pas d’heures pour dormir ou manger, rappelle Reine Vander Linden. Et petit à petit, le temps se structure autour de choses qui se répètent et qui donnent sens au déroulé des heures : il y a les séquences de repas, de jeu, de sommeil… Le bébé les mémorise. Elles installent un rythme dans sa petite vie. Tout cela est du domaine du macro-temps : c’est ce qui structure le monde chronologique de l’enfant, son monde concret, son existence même. C’est cela qui crée sa capacité à anticiper, à pouvoir attendre, à accepter la frustration. Ce macro-temps doit être régulier et prévisible. S’il comporte trop d’inattendu, si les repas sont par exemple donnés tantôt tout de suite, tantôt après trois heures de pleurs, le bébé va être en difficulté. »

Les habitudes et les rituels organisent le temps de votre bébé. Mais la nouveauté, le changement, l’inattendu sont tout aussi indispensables dans sa vie

Mais la nouveauté, le changement, l’inattendu sont tout aussi indispensables dans la vie de votre bébé. « Dans le macro-temps, il y a des micro-temps spécifiques, ceux du jeu notamment. Ainsi, lors des soins au bébé, on joue aussi avec lui : on fait des bruits en tapotant sur son ventre, on embrasse ses pieds, il y a aussi le jeu de la chatouille ou celui de la "petite bête qui monte"… Toutes ces petites séquences sont des micro-temps d’échange qui peuvent paraître semblables vus de l’extérieur mais où il doit y avoir de l’inattendu, de l’imprévu, de la surprise pour que l’attention de l’enfant reste en éveil. Elles maintiennent chez lui un état d’alerte et d’intérêt, sans quoi on verrait apparaître une lassitude, un endormissement. Si le jeu se passe toujours à l’identique – rythme, mouvement, ampleur du mouvement… –, on va très vite s’apercevoir que l’enfant s’en lasse. Et donc, très vite, on sent intuitivement qu’il faut introduire de la variété, du changement dans l’activité ludique pour qu’il reste en éveil et intéressé. »
« C’est dans la régularité des séquences répétitives et, en même temps, dans l’inattendu des comportements au sein de ces séquences que subtilement s’édifie l’appareil à penser du bébé. Tout cela construit son "cadre à penser", conclut Reine Vander Linden. C’est comme si vous aviez une feuille de papier toute blanche… Les habitudes et les rituels permettent de tracer des lignes sur la feuille. Et sur ces lignes, vous pouvez commencer à écrire quelque chose. Si la feuille restait toute blanche, ce serait beaucoup plus compliqué. Les lignes, c’est la structure du temps et ce qui s’écrit sur les lignes peut se dérouler dans des variations qui empêchent la monotonie tout en permettant à l’histoire de se construire. »

LA QUESTION

À quoi ça sert d’attendre ?

Reine Vander Linden, psychologue en périnatalité

Les parents doivent bien comprendre que faire attendre un petit enfant, lui faire supporter des frustrations, ce n’est pas le traumatiser, ce n’est pas le mettre en situation de malheur. C’est le placer dans une situation d’apprentissage de l’espace-temps de l’autre et du sien.
Bien souvent, pour préparer un repas, par exemple, vous ne pouvez pas aller plus vite que ce que vous faites déjà : il vous faut un certain temps, c’est comme ça ! Vous êtes confrontés à l’épreuve du réel. Ce réel, il est indispensable que l’enfant le perçoive dans toutes ses dimensions, et donc y compris dans sa dimension frustrante.
Si vous évitez les frustrations à votre bébé, vous ne lui permettez pas de créer, dans ce « temps creux », les représentations de ce qu’il attend, et donc de la pensée. Or, imaginer ce qui va arriver est déjà une façon de gérer sa frustration et, à terme, de pouvoir se débrouiller avec le monde qui, par définition, est frustrant (« Si j’ai très faim et que je peux me dire que j’aurai bientôt accès à un repas en me représentant ce repas, je peux éviter de hurler parce que la faim m’envahit »).
C’est comme cela qu’on rencontre des enfants qui sont continuellement en colère parce que les choses ne se réalisent pas en temps et en heure selon leurs désirs.
Vouloir ne jamais faire attendre un enfant, combler tout le temps et tout de suite ses besoins et ses demandes, cela ne l’aide pas à grandir. Il va se prendre pour un magicien qui fabrique le monde – « Il suffit que je souhaite quelque chose pour que ce quelque chose arrive ». Or, ce n’est pas cela, le réel. S’il ne supporte pas l’attente, s’il ne tolère pas les frustrations et si cela le met tout le temps dans des grandes colères, il sera très rapidement mis en marge du groupe social.

LES PARENTS EN PARLENT…

Des journées bien rythmées
« Océane est très branchée rituel, mais ce n’est pas spécial à ses 5 mois. Il y a le gros câlin du matin pour bien débuter la journée. Il y a la tétée-retrouvailles après que j’ai été la chercher chez sa grand-mère, suivie du gros câlin du soir. Le change, le bain, les repas, les moments où elle joue avec son papa… ses journées sont bien rythmées, elle fait toujours les mêmes choses. C’est important, cela lui permet de se cadrer. Avec ses panades, Océane avait au début du mal à attendre qu’elles refroidissent. Je les mettais dehors sur le bord de la fenêtre pour que cela aille plus vite, je remuais, je soufflais dessus, mais on le voyait bien : elle n’aimait pas attendre. Petit à petit, elle a quand même commencé à apprendre… sans pour autant me lâcher une seconde du regard. Il fallait lui changer les idées : ça, c’était le rôle du papa, pendant que moi, je touillais la panade pour qu’elle refroidisse plus vite. Au début aussi, elle avait très peur du bruit que faisait l’appareil qui cuisait et mixait ses légumes. Puis, c’était comme si ce bruit avait du sens pour elle : "C’est MON appareil à moi pour MA panade…" Depuis qu’elle a commencé à attraper des objets, elle se montre également plus patiente. Elle essaie et réessaie de les prendre avec les mains, en faisant des mimiques pas possibles. Quand elle n’y arrive pas, elle s’arrête, pousse un gros soupir puis s’y remet. Elle est obstinée, ma pupuce ! »
Marie, maman d’Océane

Aucune patience avec le sein…
« Depuis qu’elle est tout bébé, Margaux ne montre aucune patience avec le sein. Et il y a de quoi ! Le lait maternel est toujours disponible, immédiatement prêt, toujours à bonne température, bref idéal… Margaux sait bien que dès qu’elle est en contact avec le sein, elle reçoit ce qu’il lui faut. Si elle n’a pas directement le sein, elle crise. Je dois alors lui dire : "Ça vient, attends juste trente secondes…" »
Violette, maman de Margaux

À LIRE AUSSI

Ces beaux gestes entre parent et bébé

Développement de l'enfant

Ces beaux gestes entre parent et bébé

15 idées pour vous faciliter la vie... et celle de votre enfant de 5 mois

Développement de l'enfant

15 idées pour vous faciliter la vie... et celle de votre enfant de 5 mois

Complainte du parent assis entre deux chaises

Développement de l'enfant

Complainte du parent assis entre deux chaises

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies