Santé et bien-être

4 questions à Véronique Beauloye à propos de l’obésité

Au beau milieu des vacances, la dernière étude HSBC réalisée par l’École de santé publique de l’ULB refroidit l’ambiance. Elle confirme que l’augmentation du poids des enfants est inquiétante. Vite, on en parle avec Véronique Beauloye, endocrinologue.

Pas de quoi se réjouir des derniers chiffres sur l’obésité des petits francophones : 1 sur 6 est en surpoids. Plus de 17 % des jeunes âgés entre 10 et 20 ans en Communauté française présentent une surcharge pondérale dont 20 % des moins de 16 ans.
À surveiller ? Oui, mais surtout, à comprendre, car tout n’est pas question de simple définition. Trop manger serait aussi une stratégie de survie aux émotions… L’obésité est une pathologie complexe : la soigner demande l’implication de toute la famille. Elle dépend d’une combinaison de facteurs différents et est à l’origine de complications d’ordres psychopathologiques, cutanés, orthopédiques, cardio-respiratoires, métaboliques et endocriniens.

La famille est-elle souvent le biais par lequel les patients viennent vous consulter à l’unité d’endocrinologie pédiatrique de l’UCL ?

Véronique Beauloye : « Oui, nous avons mis sur pied un concept original, la ‘Consultation obésité’, avec ses deux corollaires : manger heureux et bouger libre. Au bout de vingt ans de métier, j’ai la conviction que le salut vient de la prise en charge particulière de chaque enfant : notre approche est intégrée. Nous partons du principe qu’il n’y a pas une obésité, mais des obésités, chaque problématique étant individuelle. Je suis convaincue que le problème de poids s’inscrit dans une systémique familiale et personnelle qui est propre à chaque enfant et son entourage.
Partant de ce principe, nous avons développé des consultations multidisciplinaires intégrées et individualisées. Pas de groupes de paroles, pas d’activités physiques dirigées, de cours de cuisine ou de conférences : on reçoit nos patients de façon individuelle, psychologue et médecin côte à côte. Pour certaines familles, réticentes à l’idée de consulter un psy, c’est l’occasion de prendre conscience que l’excès de poids est un symptôme. Elles entrent dans la dynamique et déposent des choses qu’elles n’avaient pas abordées en pré-consultation. Beaucoup de familles arrivent chez moi parce qu’elles sont persuadées que leur enfant a des problèmes de thyroïde, pas pour parler surpoids ! »

Vous insistez sur l’importance de considérer le contexte. La prise de poids serait-elle souvent réactionnelle ?

V. B. : « Elle intervient souvent dans des contextes particuliers. Un événement de vie douloureux, une difficulté vécue par l’enfant ou l’ado : séparation, maladie d’un parent, difficultés scolaires ou solitude. Et la prévalence de l’obésité à l’adolescence concerne surtout des filles. Nos jeunes patients ont une relation affective avec la nourriture. Ils ont des soucis dont ils ne sont parfois pas conscients et, comme ils compensent, se met en place une sorte de cercle vicieux, de mécanique : chercher dans la nourriture des remèdes, contre l’ennui, par exemple. »

Parfois, les parents ne sont pas clairs : ils veulent que leur enfant fasse de l’exercice, mais ils préfèrent le savoir en sécurité à la maison plutôt qu’à l’extérieur. Qu'en est-il ?

V. B. : « Certains parents traitent encore leurs ados comme des petits, tout en les investissant d’un rôle de parent, ils ont la responsabilité de leurs frères et sœurs, par exemple. Ou alors, ils sont seuls, de longues heures durant. Certains recherchent des compensations dans la nourriture. Parfois, notre travail est de remettre en route des projets pour ces jeunes, les aider à retrouver d’autres plaisirs dans la vie ou d’autres réconforts que la nourriture. La prise en compte multidisciplinaire trouve ici tout son sens : chaque spécialiste s’entretient de son côté avec les membres de la famille. Celle-ci est ensuite orientée vers la diététicienne, avec laquelle elle creuse quelques pistes déjà mises en évidence : c’est le goûter qui peut poser souci ou les quantités qui sont problématiques. Parfois, c’est l’heure du coucher qui est critique. »

Vous ne préconisez pas de faire régime ?

V. B. : « À la consultation obésité, pas de solutions plaquées, c’est contreproductif. Nous préférons nous baser sur l’expérience des familles, leurs habitudes. Elles sont réinstaurées dans leurs compétences : ce sont elles qui amènent les idées, qui proposent. Parfois, c’est très lent, il faut leur laisser le temps d’intégrer les points que l’on souligne. Il faut faire preuve de beaucoup de patience et d’empathie, nous choisissons de les accompagner sur la durée, les patients sont invités à revenir tous les trois-quatre mois.
L’intervention de la diététicienne permet de compléter leur dossier, d’affiner les mesures d’accompagnement en fonction des personnes, de croiser les informations. Je leur envoie un petit mot d’encouragement qui résume les points abordés, qui servira jusqu’à la consultation suivante. Si nécessaire, les parents peuvent décider de venir rencontrer la diététicienne ou la psychologue dans l’intervalle. Vous savez, parfois les parents sont démunis : ils n’ont pas bien compris les changements de besoins de l’enfant. Pour certains ados, la nourriture peut devenir un moyen d’exprimer leur autonomie, leur révolte, leur détresse. »



A. K.

Les habitudes familiales

Prendre en charge l’obésité et le surpoids, c’est une affaire de famille et un travail de longue haleine. Il combine hygiène de vie et acceptation de son corps par l’adolescent. Il peut être salutaire de faire un bilan parental de l’alimentation et inspecter les placards. De quoi est rempli le frigo ? Que posons-nous sur la table ? Partageons-nous des activités pour bouger ensemble ?
Pour Véronique Beauloye, le meilleur conseil à donner, c’est d’être attentif aux besoins de développement de son enfant. « Qu’ils puissent s’épanouir, avec des projets. Leur investissement est un axe idéal de guérison ».

Organiser la prise en charge

Une obésité qui ne serait pas prise en charge à l’adolescence a toutes les chances de persister à l’âge adulte, entraînant d’autres maladies comme le diabète, des troubles du sommeil ou cardiaques. L’objectif de la prise en charge n’est pas prioritairement de perdre du poids. Chez l’enfant, il s’agira plutôt de le stabiliser ou de ralentir la prise de poids pendant la croissance. Chez l’ado en fin de croissance, on encouragera le fait de ne plus grossir ou de maigrir très progressivement : pas de régime sauvage !

Quelques conseils (valables aussi pour les parents) :

Faire un bilan énergétique et travailler sur les comportements, les sensations alimentaires : faim et rassasiement.
Éviter les collations du matin : le temps de récréation n’est pas un temps de restauration.
Éviter les pertes de poids rapides : n’essayez pas de mettre vous-même votre enfant au régime, évitez les plans alimentaires.
Inviter votre enfant à manger quand il a faim et quand il en a envie, lentement et en dégustant.
Favoriser l’activité physique : autant profiter de l’été pour prendre de bonnes habitudes.

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