Société

Rentrée 2022-23 : à la conquête des pôles territoriaux

Dès la pose des premières pierres de cet immense édifice qu’est le Pacte d’excellence, il a été question d’inclusion. Pourtant, au-delà des déclarations d’intégration, le constat est indéniable : on s’en éloigne de plus en plus et de plus en plus d’élèves sont contraints de quitter l’enseignement ordinaire. C’est à ce changement de paradigme que s’attaque cette réforme des pôles territoriaux, et vous allez voir que ce n’est pas une mince affaire.

C’est un débat très compliqué que le Ligueur a toujours choisi de ne pas trancher. On se contente juste de donner la parole aux parents et aux élèves sur leurs besoins. Vous êtes nombreux et nombreuses à réclamer plus d’inclusion. Dans vos témoignages, on se rend compte que les problèmes d’orientation d’un établissement ordinaire à un établissement spécialisé sont douloureux.
Mais vous êtes également beaucoup à nous dire que vos enfants font des progrès énormes dans des établissements spécialisés, qu’ils s’épanouissent dans ces structures pleinement adaptées à leurs besoins. C’est conscient de toutes ces réalités que nous vous relatons toutes les nouveautés et intentions autour de ce qui est un des immenses chantiers de rénovation de la rentrée. On en parle avec la FWB (Fédération Wallonie-Bruxelles), le SeGEC (secrétariat général de l’enseignement catholique) et des directions d’établissements.

► À quoi servent les pôles territoriaux ?

Ils favorisent l’école inclusive. Ils servent à accompagner les élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire. Et cela, soit dans un protocole d’aménagement raisonnable, soit dans l’optique d’une intégration permanente totale. Les missions des enseignant·es et autres professionnel·les sont tant individuelles que collectives. Le tout chapeauté par une coordination de pôles qui siège au côté du pouvoir organisateur de la commune pour coller au mieux aux réalités de chaque école.

► Pourquoi ce chantier ?

Les objectifs sont multiples. D’abord, diminuer la population de l’enseignement spécialisé. Quelques chiffres : en 2009, il existait environ 400 projets d’intégration ; en 2022, plus de 11 000. L’objectif de base de l’intégration était de permettre à des élèves de l’enseignement spécialisé de retourner dans l’enseignement ordinaire. Cet objectif n’a pas été rencontré. L’intégration a fait doubler les inscriptions dans l’enseignement spécialisé. Elle n’est cependant pas supprimée, sauf l’intégration temporaire totale. En effet, tous les élèves à besoins spécifiques ont désormais la possibilité de bénéficier d’un accompagnement adapté.

► Qu’est-ce qui change réellement ?

En détricotant tout ce qui tourne autour de l’intégration d’un pôle à l’autre et en incluant un vrai souci d’adaptation aux élèves, les un·es et les autres expliquent qu’il y a là un vrai changement de paradigme. Concrètement, l’intégration devient une mission principale de l’école. Attention toutefois aux dérives, nous avertit-on.
D’abord, se retrouver dans une situation où la charge des accompagnant·es n’imputerait qu’à un personnel paramédical. « L’enfant ne doit pas devenir un patient », met en garde le SeGEC. Un bilan doit toujours être établi et une liste d’aménagements raisonnables suggérée - jamais imposée - à l’école.
L’autre dérive est l’extrême inverse. À savoir, un pôle uniquement composé d’enseignant·es qui avancerait avec un souci tout à fait légitime d’hétérogénéité. Celle-ci noierait alors dans le groupe, le handicap, le trouble ou la moindre spécificité de l’élève. La réussite de cette réforme repose donc sur un bon équilibre de professionnel·les formé·es à ces réalités et des enseignant·es. On en revient à cette idée d’ouvrir l’école à d’autres champs de compétences, sans noyer son savoir-faire.

► Est-ce que toutes les écoles vont tendre à plus d’aménagements raisonnables ?

Les lectrices et les lecteurs du Ligueur le savent, cela fait plus d’une décennie que l’on relate cette revendication de parents et professionnel·les : il faut plus d’aménagements raisonnables à l’école. C’est un des grands points de cette réforme qui devrait mettre un peu d’engrais à la réforme de 2017 sur cette problématique, qui n’a pas tenu ses promesses en la matière.
Toutes les initiatives à propos des aménagements raisonnables doivent encore et toujours se faire sur demande des écoles. Mais hors de question de faire pression. Si la responsabilité appartient à l’école ordinaire, les parents peuvent toutefois faire une demande auprès du pôle territorial. C’est une de ses missions, tout comme il aura la possibilité d’aider l’école à déterminer les besoins des élèves et à indiquer ce qui est raisonnable ou non.

► Et les centres PMS, alors ?

C’est un des grands points de friction de cette réforme. D’un côté, les parents sont inquiets parce qu’ils ont le sentiment que les CPMS (centres psycho-médico-sociaux) vont être mis à l’écart, voire évincés, tout en ayant conscience qu’ils ne poussent pas assez à l’inclusion dans l’école.
De leur côté, les CPMS sont très inquiets de leur avenir, puisque un des points du pacte porte sur leur refonte. Le cabinet de Caroline Désir confirme que les pôles territoriaux et les CPMS vont bel et bien travailler en étroite collaboration et cela, en dépit des réformes à venir. C’est-à-dire que les CPMS continuent d’assurer les missions de diagnostics des élèves, d’élaboration des protocoles et d’orientation vers l’enseignement spécialisé.

► Les craintes des parents ?

Elles sont multiples. D’abord, elles concernent l’évolution de l’intégration. Si la ministre rappelle que l’accompagnement individualisé est toujours de mise, l’ampleur de la tâche semble insurmontable, observent certaines directions d’établissements. Comment se concentrer sur les besoins spécifiques de chaque enfant et la manière d’y répondre ? « Certains enfants compensent sans appuis et d’autres ont besoin d’appuis pour apprendre à compenser », résume Pascal, directeur d’établissement à Bruxelles.
En théorie, les pôles vont d’abord effectuer une analyse des besoins de l’enfant. En fonction de cela, l’aide nécessaire sera octroyée (les parents ne pourront plus faire de demande à titre individuel). Les pôles vont d’abord travailler avec les écoles, mais ils ne peuvent évidemment pas intervenir auprès de l’enfant si les parents ne sont pas d’accord. Ce qui mène à une autre crainte, à savoir la collaboration entre les pôles, les parents et l’école.
Dès la rentrée, les parents concernés doivent être informés des modalités. L’idée consiste à mener une fois par an une sorte de conciliabule sur le volet inclusion à l’école avec toutes les familles concernées. C’est lors des conseils de participation que les familles doivent dire si oui ou non cette triangulation pôles-école-parents fonctionne.
Il plane comme un gros doute. En effet, peu de parents sont impliqués ou connaissent l’existence de ces séances. Le bon fonctionnement de cette réforme repose donc sur une base qui semble plutôt caduque. À vous donc, parents, de saisir les outils qui existent et de faire en sorte qu’ils soient les mieux optimisés possible.

CÔTÉ PROFS

Un peu de maths
« On estime que, en moyenne, 10% des élèves ont des besoins spécifiques dans l’ordinaire. Calculez donc ce que ça donne par établissement, puis par classe. Imaginez la quantité de travail. On parle de modules de quatre à plus de quinze heures par semaine en fonction des besoins. Je ne vois pas comment cela peut fonctionner, faute de moyens, et cela malgré les cent millions dépensés pour cette réforme. Il faut un recrutement massif. Et j’ai peur qu’une fois cela lancé, on oblige une fois de plus les enseignant·es à bricoler au nom du bon fonctionnement de cette nouvelle dynamique. »
Roland, professeur à Stavelot

Changer de paradigme
« Je pense qu’il y a plein de choses écrites qui seront réajustées dans les mois et les années à suivre, au fur et à mesure des retours du terrain. On le sait. Là, on est dans les intentions. Justement, elles sont bonnes et ne peuvent que donner une super impulsion à l’école. Il y a encore dix ans, quand on parlait d’adapter le matériel aux élèves, on passait pour des dingues. Rien que l’idée de participer à une forme d’équité, de se dire qu’il va être plus simple de faire des demandes pour aider les élèves en difficultés ou différents, sans rentrer dans les grandes théories, sans parler de faisabilité ou pas, je trouve que c’est juste une immense avancée et que ça vaut la peine d’essayer. »
Judith, professeure à Bruxelles

EN PRATIQUE

FAQ

Point par point, la ministre se livre dans une série de petites vidéos en ligne très courtes à un FAQ sur la question des pôles. C’est très complet et cela permet d’y voir plus clair.

À voir ici.

À LIRE

La rencontre avec l’équipe enseignante de l’école de Rivière (Profondeville) qui mène un super projet de classe inclusive. 

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