Crèche et école

Accueil Temps Libre : une réforme qui prend son temps

Garderies. Stages. Écoles de devoirs. Tout cela est au cœur d’une réforme qui intéresse les familles au premier chef. On fait le point entre revendications, contre-proposition et réalités de parents.

Le constat avait été posé dans un dossier publié il y a un an dans le Ligueur. L’ATL (Accueil Temps Libre) ne veut pas dire grand-chose pour les parents. Peu lisible, peu connu et donc peu utilisé, cet acronyme ne sert pas le secteur qu’il est censé représenter. Entre méconnaissance totale (« C’est quoi ce truc ? ») et vision partielle (« Ce sont les garderies, c’est ça ? »), l’Accueil Temps Libre détient ce triste privilège d’être utilisé par les parents et fréquenté par les enfants durant toute l’année sans pour autant être clairement identifié. Bref, les enjeux de l’ATL restent flous aux yeux du grand public. Et pourtant ils sont essentiels au quotidien, car ils recouvrent des réalités aussi diverses que celles de l’accueil extrascolaire, des écoles de devoirs, des stages et centres de vacances.
L’avenir de l’Accueil Temps Libre se joue en ce moment. Une réforme est annoncée, mais tarde à se concrétiser. Une note d’orientation a bien été produite du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais elle a été critiquée par des acteurs de l’ATL qui ont sorti une carte blanche épinglant plusieurs points de tensions. Une contre-proposition leur a été demandée.
La Ligue des familles, elle, vient de sortir une analyse sur le sujet épinglant les priorités verbalisées par les papas et les mamans. « La ministre garde bon espoir qu’une nouvelle mouture puisse être co-construite dans les meilleurs délais, nous glisse-t-on du côté du cabinet de Bénédicte Linard. Son souhait n’est pas d’aller à l’encontre des volontés des acteurs, mais bien de travailler et d’avancer de concert ». Bref, ça discute ferme.
Dans son analyse, la Ligue des familles insiste dans sa première recommandation : il est essentiel de travailler sur la lisibilité et une meilleure compréhension du secteur. L’organisation parentale considère cela comme une « étape utile pour rendre plus accessible un secteur très disparate ». Justement, par rapport à ce secteur, quel est son état d’esprit face à la réforme qui s’annonce ?
En avril dernier, plusieurs de ses représentant·es et diverses institutions ont donc co-signé une carte blanche où une certaine inquiétude pointait au vu des premières ébauches de la réforme en cours. Ses craintes ? Voir mise de côté la notion de temps libre ou « l’esprit de vacances » des activités. Se retrouver face à une offre trop centralisée en opposition avec les vrais besoins des enfants. Faire primer la quantité sur la qualité. Tout miser sur une centralisation au niveau des écoles au détriment de l’ouverture à d’autres réalités.

Tout à partir de l’école ?

Le dernier point de friction est intéressant. Dans ses pistes de solutions (voir ci-contre), la Ligue des familles évoque justement le rôle des écoles dans le dispositif global de l’accueil temps libre. Son souhait ? « Davantage d’activités extrascolaires organisées à l’école ou à proximité de celle-ci dans le fil de la journée scolaire (en prévoyant alors l’organisation des trajets) : pour qu’un maximum d’enfants ait l’occasion de pratiquer des activités et afin que les parents puissent mieux concilier travail et vie de famille ».
Hélène, maman de trois filles dont deux en âge de fréquenter l’extra-scolaire, souscrit à cela. « Organiser des activités au départ de l’école, c’est logique selon moi. Quel est le sens de voir tous ces parents qui véhiculent leurs enfants, chacun de leur côté ? Quelle est la logique globale ? On peut même y voir une aberration environnementale ».
Renforcer l’offre ATL dans ou au départ de l’école pourrait effectivement faciliter la vie des papas et des mamans pour les activités de semaine. « Parce que franchement, poursuit Hélène, je ne vois pas comment se débrouille une maman solo sans soutien. Moi, j’ai la chance d’avoir une grand-mère disponible un jour par semaine. Je peux aussi compter sur le temps que me laisse mon 4/5e pour m’occuper des petites le mercredi. Mais tout le monde n’est pas dans ce cas-là ».

Lieu, accessibilité, coût, horaires… autant de contraintes difficiles à globaliser autant côté professionnel·les que parents 

On sent qu’il y a là une logique organisationnelle et cohérente, mais le secteur ATL précise ses réserves dans sa carte blanche. « Avons-nous réellement envie d’une société dans laquelle les enfants ne connaîtront plus que les murs de l’école et les murs de leur maison ? De nombreux enfants sont en souffrance à l’école, en phobie scolaire. N’ont-ils pas le droit d’explorer des horizons différents où ils pourront s’essayer à d’autres relations, d’autres activités et attentes ? ».
Ces questions peuvent être posées, mais n’excluent pas la possibilité d’organiser davantage des activités dans les écoles où cela peut l’être. Elles sont à prendre en compte, certes, mais il y aussi l’équilibre familial global à envisager, cet équilibre étant aussi primordial pour le développement des enfants. En termes de « vie de parent », le temps libre des enfants organisé à partir des établissements scolaires est donc une piste à creuser. Mais harmoniser l’ensemble demande de la réflexion et des aménagements périphériques.
Ainsi, la situation en milieu rural est très différente de la réalité urbaine, l’offre d’activités y est moins nourrie, les problèmes de distance et de manque de transport en commun surgissent rapidement. Même en ville, comment organiser structurellement des déplacements d’une activité à l’autre lorsque les horaires des bus sont allégés, par exemple, dès 18h ? On le voit, ce débat autour de l’organisation de l’ATL touche vite à des questions de société plus larges comme celle de l’adéquation des services publics aux besoins réels, quotidiens des familles et singulièrement de celles qui doivent composer avec des heures de travail non standardisées (voir ci-contre).  

L’argent, nerf du temps libre

Lorsque l’on discute avec Hélène, maman du Brabant wallon, la question du coût de l’ATL est rapidement évoquée. Encore une fois, elle s’estime plutôt bien lotie avec un coût de « garderie » à l’école qui n’est, selon elle, pas prohibitif. « On parle de 2€ par jour ou 20€ par mois, ce qui reste abordable pour une garderie accessible jusque 18h. C’est une garderie de qualité, on ne les laisse pas devant la télé ».
Si le coût n’inquiète pas Hélène, d’autres familles perçoivent cela comme un défi. Dans son Baromètre des parents, la Ligue des familles constate que 48% des parents trouvent les garderies trop onéreuses. Ce pourcentage augmente en fonction du profil des tribus (56% pour les familles monoparentales, 53% pour les familles dont le revenu mensuel net se situe entre 1 500 et 3 000€ nets, 61% pour celles dont le même revenu est inférieur à 1 500€).
Pour ce qui est stages de vacances, les places de qualité, pas trop onéreuses, sont rares. Un exemple, les stages de l’Adeps, près de chez Hélène, à Louvain-la-Neuve. « Pour les stages de fin août, il fallait s’inscrire en avril. Pour réserver, il faut être bien organisé et rapide. Ce sont des stages qui se remplissent en un jour. Les inscriptions étaient ouvertes à 9h, et à 10h, tout était parti ». Hélène s’interroge sur le fait d’harmoniser les inscriptions à ces stages pour éviter stress et surcharge mentale. Mais, en creux, elle pointe par son exemple, l’offre trop faible de stages qui financièrement sont plus accessibles.
Dans sa dernière étude, la Ligue des familles relève qu’en moyenne les parents payent 359€ pour les stages de l’ensemble de la fratrie pendant les grandes vacances. Ce montant est évidemment très variable. Il dépend du nombre d’enfants, de la quantité de jours de congé des parents, de la possibilité de recourir à des proches pour garder les enfants ou pas, etc.
Pour l’instant, la réforme qui permettrait de mieux cadrer tout cela peine donc à avancer. L’agenda reste un peu flou et laisse les parents dans l’attente d’aménagements et de nouvelles directions qui pourraient, sans nul doute, faciliter leur vie de tous les jours.

À lire, notre dossier : Extrascolaire, explorons leur 3e univers

POUR ALLER + LOIN

Cinq recommandations de la Ligue des familles

  • Un « chèque stage » par enfant. Cela permettait de réduire le coût des vacances scolaires pour les familles et de s’assurer que tous les enfants peuvent participer à un minimum d’activités sportives ou ludiques.
  • Un forfait de cinq heures de garderie scolaire gratuites par semaine et par enfant. Pour la Ligue des familles, ce serait une manière très concrète de diminuer les frais d’accueil des enfants. Autre atout, cette mesure soutiendrait les parents dans leurs efforts de conciliation des temps entre boulot et tribu.
  • Davantage d’activités extrascolaires organisées à l’école dans la foulée de la journée scolaire. Celles-ci pourraient aussi se dérouler à proximité de l’établissement scolaire tout en prévoyant alors l’organisation des trajets. Pour la Ligue des familles, cela donnerait l’occasion à un maximum d’enfants de pratiquer des activités tout en facilitant la conciliation travail/vie de famille.
  • Objectiver les besoins des parents travaillant selon des horaires atypiques. On pense au secteur de l’Horeca, au secteur hospitalier, à la grande distribution, etc. Ce qui serait à analyser ? L’offre existante sous tous ses aspects (horaires, prix, localisation, volume) ou encore les besoins non couverts. Tout cela permettrait, notamment, de développer sur base d’infos factuelles des structures plus adaptées au besoin des parents qui ont des horaires atypiques.
  • Améliorer les conditions de travail des encadrant·es de l’accueil extrascolaire. Objectif ? Soutenir la qualité de l’accueil extrascolaire dans les écoles avant et après les heures de cours.

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