Grossesse
À LA MAISON
Quel bonheur, ce retour à la maison avec votre nouveau-né tendrement endormi dans son Maxi-Cosi ! Quelle fierté, ce bébé qui, en quelques jours à peine, a chaviré votre existence… et vos cœurs de maman, de papa ! Vous débordez d’amour pour lui. Quelle responsabilité folle, celle de s’occuper non-stop de ce petit être totalement dépendant de vous ! Vous n’en avez jamais eu de semblable. Et vous voilà avec des montagnes de mini-décisions à prendre, minute après minute.
Certaines mamans sont contentes de rentrer au plus vite chez elles avec leur bébé dans les bras (même après une césarienne ou un accouchement difficile) : notamment, pour quitter l’espace trop médicalisé de l’hôpital, pour construire leur nouveau cocon familial à leur mode, pour ne pas « abandonner » trop longtemps leur(s) aîné(s)… D’autres resteraient bien un ou deux jours de plus à la maternité, histoire de profiter un petit peu encore de la sécurité qu’elle offre et de se sentir plus à l’aise avec leur tout-petit.
De retour chez elles, certaines mamans se retrouvent bien seules avec leur bébé – « C’est le vide abyssal », se désole l’une d’elles. D’autres peuvent s’appuyer sur leur réseau d’aide. Comme vous n’avez pas encore beaucoup de repères dans le « concret » avec votre bébé, tout (une toux, des selles produites ou pas, des coliques, un peu de température…) est susceptible de vous questionner, de vous inquiéter, voire de vous angoisser. Normal ! C’est alors sécurisant de savoir qu’en cas de besoin, vous pouvez faire appel à vos personnes de confiance – la sage-femme, votre maman, le pédiatre, une amie qui a de l’expérience, la consultation de l’ONE… Le réseau, ce sont aussi les proches et les amis qui vous libèrent avec joie des « corvées » ménagères afin que vous vous consacriez pleinement à votre bébé ou que vous dormiez un peu. Et là, il ne faut pas se leurrer : si vous ne le mobilisez pas, ce réseau, vous risquez de ne pas l’avoir ! « Quelque part, on est un peu gênée de demander de l’aide. Mais, à un moment, il faut lâcher prise ! », confirme Loubna.
Inutile de cadenasser un programme
Les journées se suivent, particulières. « Tu vis au rythme de ton bébé… qui n’a rien à voir avec ton rythme. Il dort beaucoup, il se réveille beaucoup, il réclame beaucoup. Il n’y a pas de rythme et il ne faut pas compter là-dessus ! », résume Chloé. Inutile de cadenasser un programme de la journée avec un si petit bébé. « On se laisse vivre… » Traduction pour les mamans : vivez au rythme de votre petit, par exemple en faisant une sieste pendant qu’il dort, et ne cherchez pas à tout contrôler.
Le réseau, ce sont aussi les proches et les amis qui vous libèrent avec joie des « corvées » ménagères afin que vous vous consacriez pleinement à votre bébé ou que vous dormiez un peu
Avec le congé de maternité (congé, c’est vite dit !), les mères sont en première ligne auprès de leur bébé. Et les papas ? « La nuit, je m’occupe beaucoup du bébé, parce qu’en journée, je ne suis pas là », lance Gaétan. « Je n’avais pas l’habitude des bébés. Mais, au final, on s’y fait vite, raconte Adrien. J’ai beaucoup appris à la maternité, en regardant faire les sages-femmes et en faisant les choses sous leur guidance. » Ces papas ne sont pas des exceptions ! Mais que les mamans n’attendent pas de leur partenaire qu’il devine ce dont elles ont le plus besoin : le demander permet souvent d’éviter les quiproquos !
Montagnes russes émotionnelles
Sur le plan émotionnel, votre tout-petit vous fait vivre des variations d’état à la limite de la caricature. « Vous pouvez être au nirvana avec votre bébé paisible et souriant dans les bras et, le quart d’heure d’après, parfois même l’instant d’après, parce qu’il hurle, semble en détresse aiguë et que vous ne parvenez pas à le calmer, vous pouvez vous sentir une mère impuissante, incapable, observe Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Vous êtes bien ou vous êtes mal avec lui, comme lui l’est. Vous vivez l’un ou l’autre état et n’arrêtez pas de passer de l’un à l’autre. C’est terriblement déstabilisant psychiquement, parce que vous vous demandez sans cesse si vous faites bien. Comprendre qu’on est inévitablement soumis à ces variations est précieux pour un parent. »
N’oubliez pas que les plus compétents avec votre bébé, c’est vous, les parents ! « Suivez votre intuition ! Pour autant que vous puissiez vous écouter et que vous ne vous laissiez pas "polluer" par tous les avis extérieurs. » Vous allez peu à peu trouver vos marques, en vivant avec votre bébé, en l’observant, tout simplement…
TÉMOIGNAGES
Les parents en parlent...
Le plus dur, c’était d’avoir mal partout
« L’accouchement a été difficile, plus pour moi que pour mon bébé. On l’a provoqué et la sage-femme/doula – elle avait les deux casquettes – qui m’avait suivie pour la préparation à la naissance n’a pas pu y assister. Je suis restée six jours à l’hôpital avec mon petit Victor. De retour à la maison, la sage-femme venait, au début, tous les jours. L’allaitement était difficile. Psychologiquement, j’étais très fragile. Elle restait longuement avec nous. Elle prenait le temps de parler avec moi, avec le papa aussi. Je nous sentais bien entourés : par la sage-femme, par ma grand-mère, par nos parents, par des copines… et un copain, par des collègues. Ma grand-mère nous a apporté à manger tous les jours. Après deux ou trois semaines, c’était l’été, on s’est installés un petit temps chez mes parents, à la campagne. Ma maman avait pris congé, pour moi et pour ma sœur qui avait subi une opération de la cheville. On a ensuite continué à s’y rendre, on faisait des allers et retours. La sage-femme est venue non-stop pendant deux mois, puis une ou deux fois encore. Ensuite, mon kiné (chez qui je suis retournée pour mon périnée) a pris le relais. Un lien fort nous unit, je pouvais me confier à lui. Il m’a beaucoup aidée, on a parlé de mon rapport à mon corps, de comment le remuscler, de comment être plus tolérante avec moi-même. J’ai beaucoup pleuré avec lui, comme j’ai beaucoup pleuré avec ma sage-femme. Le plus dur, c’était la douleur. J’avais mal partout, dans tout le corps : en allaitant, à la cicatrice… La douleur était telle que je n’en pouvais plus d’avoir mon bébé sur moi, j’étais fatiguée, je voulais dormir. En même temps, j’avais peur de rater des moments forts avec lui. La sage-femme me massait, cela me faisait du bien. Après six semaines, j’ai arrêté l’allaitement. J’avais besoin de récupérer mon corps. Victor s’est vite habitué au biberon. Je revivais : tout le monde autour de moi le constatait. Je continuais à me lever la nuit pour donner le biberon à mon bébé, mais je savais que le papa pouvait aussi le faire. Je me sentais plus libre, tout ne reposait plus sur mes épaules. Mais j’avais aussi l’impression de priver Victor de quelque chose de bien. Alors que j’avais toujours dit que si l’allaitement ne se passait pas bien, je donnerais le biberon. À ce moment-là, de nouveau, j’ai eu besoin de soutien. J’en ai reçu de ma sage-femme et de deux amies : j’avais besoin à la fois de quelqu’un de neutre, d’objectif et de personnes ayant un vécu en la matière. »
Jane
Comme un titre-service
« Le post-partum est une période totalement centrée sur le bébé, une période de déséquilibre complet pour le couple. Selon le modèle que j’ai intégré, le père se doit d’être fort et stable. Il doit assumer l’arrivée de ce petit être dans la famille, et tous les changements qui vont avec – les sautes d’humeur de la maman, ses inquiétudes, très fortes… Au père le strict aspect exécutif : on se sent un peu comme un titre-service. On n’est bon qu’à faire les courses ou la vaisselle et on se limite à de l’organisationnel quand on s’occupe du bébé. Ce n’est pas simple ! Car on risque tout le temps de mal faire les choses… du point de vue de la maman. Comme changer un lange, par exemple. La fatigue s’accumulant, cela crée des disputes dans le couple. »
Rémy
Quelle tornade !
« César a un peu plus de 15 jours. Un temps nécessaire pour qu’on trouve nos marques, le papa et moi. Quelle tornade, notre César ! Il demande beaucoup d’énergie. Les nuits sont difficiles. Autant, la nuit dernière, je n’en pouvais plus et j’étais prête à craquer, autant, ce matin, je fonds devant lui… On essaie de mettre le holà aux visites à la maison, mais on a aussi envie de partager notre bonheur avec la famille et nos amis. »
Julia
« Écoute-toi »
« Ah, le déluge de conseils qu’on reçoit à l’arrivée d’un enfant ! C’est très déstabilisant. Mais on apprend à naviguer là-dedans. En se disant, simplement : "Écoute-toi. Tu es le meilleur parent pour ton enfant." »
Martin
ZOOM
Le temps du post-partum
- Le post-partum est cette période qui commence après l’accouchement et dont la durée est plus ou moins longue, selon les définitions et les vécus des mamans. Certaines femmes le vivent plutôt bien ; d’autres, plus douloureusement. Et cela, sur les plans physique, psychologique… À un niveau relationnel aussi, car c’est le temps où toutes les relations se métamorphosent : avec le compagnon, les parents, les frères et sœurs, les amies et amis… Si la période est douloureuse pour vous, ne restez pas seule et n’hésitez pas à vous faire aider.
- Vous avez dit quatrième trimestre de la grossesse ? Oui, les trois premiers mois de la vie de votre bébé, c’est un peu le quatrième trimestre de votre grossesse. Votre corps de nouvelle maman a bien besoin d’un trimestre pour cheminer vers son nouvel équilibre : ce processus s’appelle la dégestation. Et là, en plein post-partum, trop peu de femmes sont informées des suites peu glamours de l’accouchement (saignements, pertes urinaires, sensations d’un « corps lourd », corps qu’il faudra « retonifier »…). Les connaître et s’y préparer permet de mieux les vivre. À vous aussi, le maternage intensif de votre tout-petit, lors de ces premières semaines après sa naissance. C’est la post-gestation : votre bébé dont vous vous occupez non-stop poursuit, en quelque sorte, sa gestation hors utérus. Le quatrième trimestre de la grossesse, c’est le titre d’un livre d’Ingrid Bayot, sage-femme et formatrice en périnatalité (Éditions Érès, collection 1001 BB). Son interview > Ne zappons pas le quatrième trimestre de la grossesse.
- Parmi les nombreux livres consacrés au post-partum, citons Ceci est notre post-partum. Défaire les mythes et les tabous pour s’émanciper d’Illana Weizman, doctorante en sociologie, militante féministe et co-créatrice du mouvement #MonPostPartum (Éditions Marabout).
- La Ligue des familles a pris le thème du post-partum à bras-le-corps. Ainsi, fin 2022, la campagne Le post-partum n’est pas tabou, parlez-en autour de vous était lancée. Elle se déployait sur la base du solide plaidoyer construit par le service Études et Action politique de l’association parentale, Post-partum : il faut soutenir les femmes qui viennent de donner naissance. D’une meilleure préparation au post-partum avant l’accouchement à l’allongement du congé de maternité et du congé de naissance, les revendications sont multiples. Autre pierre à l’édifice : depuis le début 2023, le pôle Éducation permanente de l’asbl porte le projet d’une exposition itinérante pour sensibiliser le public ; celle-ci est annoncée pour 2025. Il s’agit, ici encore, de lever le tabou qui entoure le post-partum, d’inviter au partage d’expériences, de mieux informer et soutenir les (futurs) parents dans les premiers mois qui suivent une naissance, de faire bouger les lignes – sur le plan politique, au niveau sociétal. Originalité de l’expo : elle est imaginée collectivement avec les parents. À noter, par ailleurs : les animations, ateliers et actions proposés en lien avec le post-partum.
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