Société

Baromètre 2024 : les parents en apnée

La Ligue des familles sort son nouveau Baromètre des parents, sondage réalisé par l’Institut Dedicated auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 familles wallonnes et bruxelloises. Après près d’une décennie de Baromètre, à force d’être répétés, certains chiffres pourraient ne plus étonner. Pourtant, l’ampleur de certaines difficultés révélées par cette édition 2024 et l’installation dans le temps de certains problèmes identifiés depuis 2015 ne peuvent qu’alarmer.

► 23% des parents doivent diminuer ou arrêter le travail, faute de place en crèche

C’est avant même la naissance de leur premier enfant que les futurs parents – et plus encore les mères comme on le verra tout au long de ce Baromètre – commencent ce voyage en apnée qu’est la parentalité. Qu’ils entament les démarches, multiplient les procédures d’inscription dans des crèches et que près de deux tiers d’entre eux constatent toute la difficulté à y trouver une place. Un tiers des parents n’en obtiennent d’ailleurs pas au moment où ils en ont besoin et se voient – les femmes, le plus souvent – contraints de réduire leur temps de travail, d'arrêter de travailler pour la plupart ou de recourir à une aide payante pour une minorité d’entre eux.

► 62% des parents peinent à trouver une solution de garde d’enfant malade

Pas le temps de reprendre sa respiration qu’arrivent les premiers automnes et hivers en crèche avec leur lot d’épidémies saisonnières. Nous constations dans notre dernière étude la perte d’au moins 500 postes de garde-malades ces cinq dernières années, ainsi que l’absence, toujours, de congé enfant malade rémunéré pour tous les parents. La détresse des parents, qui sont 62% à avoir du mal à trouver une solution pour faire garder leur enfant malade – tous âges d’enfants confondus –, en est une conséquence attendue.

► 61% des mères ont du mal à travailler à temps plein, pour 37% des pères

Une fois l’enfant à l’école, débutent des années de course de fond entre les horaires de travail, les temps de trajet, la fin des cours ou de la garderie, les devoirs, les activités extrascolaires. Pas moins de 55% des parents ont des difficultés à arriver à l’heure à l’école ou à la crèche tout en respectant leurs horaires de travail ; 62% peinent à assurer le suivi scolaire ou simplement à passer du temps avec leurs enfants – une situation forcément variable selon l’aide à disposition, la proximité d’éventuels grands-parents, leur âge et leur forme, leur disponibilité à l’heure où l’âge de la pension recule.
Un jonglage quotidien qui repose encore davantage sur les mères, qui sont 61% à exprimer la difficulté ou l’impossibilité de travailler à temps plein, pour 37% des pères.

ZOOM : la double peine des parents à bas revenus

Si ces difficultés de conciliation traversent toutes les familles, certaines sont particulièrement à la peine. Les parents à bas revenus ont moins de jours de congés payés (58% n’ont que les vingt jours légaux de vacances annuelles contre 35% des parents aux plus hauts revenus), moins accès au télétravail, moins de jours de congés enfant malade de leur employeur, moins accès au congé parental, si mal rémunéré.
Leurs enfants en pâtissent aussi. Quand, dans 10% des familles aux plus hauts revenus, les enfants ne participent à aucune activité extrascolaire, ce chiffre grimpe à 32% dans les familles à bas revenus.

► La moitié des familles n’a pas les moyens de préparer l’avenir des enfants

Loin de leur permettre de sortir la tête de l’eau, les finances des familles plongent une forte proportion d’entre elles dans une détresse plus grande encore. 27% des parents ont déjà rencontré des difficultés à payer une consultation médicale ou des médicaments pour leurs enfants, 26% une hospitalisation, 48% des lunettes, un appareil dentaire ou des semelles orthopédiques. 24% des familles ont du mal à payer leurs factures d’eau ou d’énergie.
Les familles sont encore moins en mesure de préparer l’avenir de leurs enfants : 49% d’entre elles ne se sentent pas en mesure de payer leurs études supérieures ou d’épargner dans cette perspective.

► 41% des familles en difficulté à cause du coût des voyages scolaires

Les coûts scolaires ressortent parmi les frais qui mettent le plus les familles en difficulté. En premier lieu, celui des voyages scolaires que plus de 4 familles sur 10 peinent à payer, suivi par le coût du matériel informatique (37%). En réalité, tous frais confondus, à peine un tiers des familles n’a jamais été mis en difficulté par le coût de l’école.

La séparation qui fait plonger

La séparation est un moment où tout bascule. Près de deux tiers des parents rencontrent des difficultés à nouer les deux bouts dans les mois qui suivent leur divorce. C’est un peu plus le cas encore des femmes (65%) que des hommes (59%).

► La moitié des pensions alimentaires ne sont pas payées

Les femmes ont en moyenne des revenus moindres, mais elles ont davantage la garde exclusive ou à titre principal des enfants suite à une séparation, tout en faisant fréquemment face au non-versement des pensions alimentaires dues pour les enfants.
Alors que notre Baromètre 2022 alertait quant à une explosion des contributions alimentaires impayées, le Baromètre 2024 atteste d’un statu quo de cette situation catastrophique. 47% des parents censés toucher des contributions alimentaires ne les reçoivent jamais ou pas dans les temps.
Pour la première fois, nous avons également interrogé les parents séparés à propos des frais extraordinaires : des frais exceptionnels, imprévisibles ou limités dans les temps que les parents séparés doivent se partager, comme la crèche, un stage, un voyage scolaire, un appareil dentaire. Dans 53% des cas, ils ne sont pas payés ou pas dans les temps.

► 46% des parents en difficulté pour payer les frais de justice de leur divorce

Dans ce contexte financier difficile suite à leur séparation, près de la moitié (46%) des parents concernés par des frais de justice ont eu du mal à les payer. Il est à craindre que le coût de la justice ait également dissuadé d’autres personnes qui se séparaient de recourir à la justice alors qu’elles en auraient eu besoin.

Les mesures pour sortir la tête de l’eau

► 82% des parents demandent un congé de conciliation

Plus encore que dans les Baromètre précédents, les parents plébiscitent des mesures mises à l’agenda public par la Ligue des familles. Ils sont 82% (71% en 2022) à appeler de leurs vœux un congé de conciliation, à prendre en heures pour faire face aux urgences et impératifs familiaux (aller chercher un enfant blessé à l’école, partir plus tôt pour une réunion de parents…).

► 81% des nouveaux parents veulent un congé de paternité de 15 semaines

L’allongement du congé de paternité à 15 semaines, comme le congé de maternité, était déjà soutenu par 60% des parents en 2018 et 67% en 2020 et 2022. Ils sont à présent 76% à le demander, et même 81% chez les parents d’enfants de 0 à 3 ans.

► Une réduction du temps de travail

Dans trois domaines, la Ligue des familles a demandé aux parents de sélectionner les mesures les plus importantes pour eux parmi une liste présentée dans un ordre aléatoire.
En ce qui concerne la conciliation entre travail et vie de famille, comme lors de notre enquête sur le sujet de 2018 et comme dans le Baromètre 2022, la première mesure choisie par les parents est une réduction collective du temps de travail hebdomadaire, sans perte de salaire, que 43% des parents placent parmi leurs premières priorités – les femmes davantage (47%) que les hommes (38%) -, suivie par une hausse du nombre minimum de jours de vacances annuelles (25 au lieu de 20), vue comme une priorité par 40% des parents. Viennent ensuite un congé enfant malade rémunéré, un congé parental mieux payé et du télétravail (ou davantage de télétravail).
Les parents pouvaient indiquer qu’ils ne soutenaient aucune de ces mesures, ce que seuls 4% d’entre eux ont signalé.
Les répondant·es ont sélectionné en moyenne deux mesures qui leur semblaient prioritaires. Les pourcentages ne reflètent donc pas la proportion de parents favorables à chaque mesure, mais celle de ceux qui la reprennent parmi leurs toutes premières priorités. Ainsi, 69% des parents souhaitent un congé rémunéré enfant malade, mais ils sont 38% à reprendre cette mesure parmi leurs premières priorités. Les parents sont donc très majoritairement demandeurs de ce dispositif, mais il apparait pour une partie d’entre eux - essentiellement ceux dont les enfants sont plus âgés - comme moins prioritaire qu’une réduction du temps de travail ou une hausse des jours de congés. Chez les parents d’enfants de 0 à 3 ans, le congé enfant malade est par contre la première priorité.

► La fourniture de repas sains et d’ordinateurs à l’école

Quand on demande aux parents de citer leurs deux priorités pour faire baisser les coûts scolaires, ils plébiscitent avant tout des repas chauds gratuits, sains et durables (40% des parents citent cette mesure parmi leurs deux premières priorités), puis la distribution d’un ordinateur aux élèves arrivant en 1re secondaire (sans frais à charge des parents, précisait le questionnaire), considérée comme prioritaire par 37% des parents.
L’option « Je ne sais pas/aucune de ces mesures » a été sélectionnée par 6% des parents.

► Des aides à l’isolation des logements, sans avancer d’argent

Enfin, en matière de transition climatique, les familles souhaitent en priorité des aides à l’isolation de leur logement, sans que cela nécessite d’avancer les fonds nécessaires aux travaux. 44% des familles placent cette mesure parmi leurs trois premières priorités, puis un meilleur accès à l’alimentation locale et de saison (43%). Complète le podium la demande d’imposer aux industriels une réduction des emballages, prioritaire pour 39% des parents.

Méthodologie

Sondage Dedicated auprès de 1 001 adultes de 18 ans et plus, vivant au moins à temps partiel avec au moins un enfant ou bel-enfant de 0 à 25 ans, résidant en Wallonie ou à Bruxelles. Cette enquête a été menée en ligne du 30 janvier au 15 février 2024. La durée moyenne de réponse était de quinze minutes. La marge d’erreur est de 3,10%.

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