Développement de l'enfant

Pas évident de se positionner en tant que père durant l’adolescence. Quel rôle joue-t-on ? Et comment le remplir avec adresse, pour affronter cette période parfois délicate et trouble de l'adolescence ? La première évidence : être présent, tout simplement.
On entend trop souvent : « Un gosse, il a besoin de sa mère ». Eh bien, non ! Un gosse a besoin de sa mère et encore plus de son père durant l’adolescence. Lorsqu’une fille ou un garçon a entre 12 et 15 ans, la présence du père est cruciale. Notre ado devient un homme ou une femme et des tensions naissent avec ses parents, qui acceptent difficilement « le début d’une vie sexuelle de leur enfant », selon le psychologue Philippe van Meerbeeck. D'après le spécialiste, auteur de Ainsi soient-ils. À l’école de l’adolescence, les enfants souffrent même d'un trop-plein de mère et d'un manque de père durant cette période.
Laisse-le grandir !
Le père est indispensable parce qu'il intervient dans la séparation entre l’enfant pubère et sa mère. « Si les parents s’aiment durablement, et si le père est affectueux, tout en gardant la bonne distance avec son fils ou sa fille, alors l’adolescence ne se passe souvent pas trop mal et le jeune peut partir désirer ailleurs », avance Philippe van Meerbeeck. Parce que, normalement, le père dit à la mère : « Laisse-le grandir », « Lâche-lui les baskets, il est assez grand » ou encore « Tu ne va pas continuer à lui demander de t’appeler ou te d’envoyer un SMS dès qu’il arrive chez un copain pour être rassurée ? ». Sans le papa, certaines mamans ne parviendraient peut-être pas à dormir tant que leur petit(e) chéri(e) n’est pas rentré(e).
« Le père doit accepter l’idée de tenir une position tierce et encourager son fils ou sa fille à prendre son envol, à devenir mature, plus responsable, à plus prendre sa vie en main et aider la mère à lâcher prise, à accepter que les enfants grandissent et doivent aller voir ailleurs », soutient Philippe van Meerbeeck. Car l’adolescence, c’est aussi l’âge de l’expérience amoureuse, du premier grand amour.
Le rôle peut d'ailleurs s'inverser lorsque c'est papa qui a du mal à accepter qu’un jeune garçon vienne séduire sa fille. La maman peut lui dire : « Fais-lui confiance, elle ne va pas faire des bêtises, ni se jeter au cou du premier venu » ou « C’est de son âge d’avoir un amoureux ». « L’intérêt d’être à deux est qu'on peut penser la fonction tierce ensemble. Le couple peut s’épauler mutuellement dans ses inquiétudes », explique le psychologue.
Un repère identitaire
À l'adolescence, les enfants se cherchent, façonnent leur identité, parfois en se distinguant, parfois en imitant... Et le papa « doit rester une image identitaire pour le fils et pour la fille de ce que c’est que de devenir ou d’être un homme », dit encore notre spécialiste. Aujourd'hui, la virilité n’est plus réduite au paquet de muscles. C'est beaucoup plus subtil. Il faut pouvoir répondre à la grande question des adolescents : pourquoi la vie vaut-elle la peine d’être vécue ?
« Il faut pouvoir lui expliquer ce qui soutient notre vie à nous, ce pourquoi on aime leur mère ou la femme qui est dans notre vie, défendre notre raison de vivre, en expliquant ce qui nous anime et les valeurs auxquelles on croit, pour qu’il puisse avoir les siennes », suggère encore Philippe van Meerbeeck. Mais sans se poser comme un modèle à imiter à tout prix. Inutile de lui dire : « Fais comme moi ! ».
« Il faut soutenir, avec les mots justes, la vie que l’on mène comme un exemple à ne suivre qu’en partie, propose le psychologue. On transmet souvent plus par ses échecs et les épreuves qu’on a traversées, que par ses réussites, parce qu’on montre qu’on s’est relevé, qu’on ne s’est pas écroulé. »
Valoriser ma fille… à distance
Vis-à-vis de sa fille, le père doit évidemment rester affectueux, mais tout en gardant une distance. Fini le temps des guili-guili sur les genoux. Plus question, non plus, d'entrer dans la salle de bain alors qu'elle prend sa douche. Ce n'est plus une petite fille et il doit respecter son intimité.
Mais ce qui fait beaucoup de bien à une fille, c'est d'entendre que son père la trouve jolie. Pas jolie pour lui tout seul ! Hors de question de lui dire : « Tu ne trouveras jamais un homme aussi bien que ton père ». « Mais il peut la regarder comme une jeune femme en devenir, en la complimentant, en lui renvoyant une image valorisante, tout en maintenant la bonne distance…», affirme Philippe van Meerbeeck.
Les papas ne s’en rendent pas toujours compte, mais ils ont un rôle essentiel à jouer dans l’équilibre et le bien-être de leur ado qui va bien au-delà de l’incarnation de l’autorité. En étant présent, en leur consacrant du temps ou en manifestant leur disponibilité, les papas répondent déjà à l’appel, souvent inconscient, de leurs ados, à poser des repères, durant cette période délicate et trouble de leur vie.
S. G.
ZOOM
Divorcés mais toujours parents
En cas de séparation ou de divorce, l’équilibre triangulaire est bousculé. Surtout dans les familles monoparentales, car les enfants sont souvent à la charge de la mère.
Si le père n’est pas là ou s'il y a un beau-père, ça se complique considérablement : « Les parents peuvent dépasser leur conflit conjugal et aller manger un bout à deux, de temps en temps, pour continuer à faire équipe, parler des enfants et réfléchir ensemble. Malheureusement, ces cas-là sont rares », confie Philippe van Meerbeeck.