Développement de l'enfant

Elias, 15 ans, pousse tout en longueur et aimerait gagner un peu de masse. Basile, 16 ans, voudrait augmenter sa puissance au rugby. Tous deux rêvent de faire de la « muscu », mais les parents hésitent. Ces exercices ne risquent-ils pas de perturber la croissance de l’ado ? Roland Claes, chiropracteur et expert en physiologie du sport, et Philippe Pire, kinésithérapeute, nous livrent leur point de vue.
« Je ne savais pas que mes ados allaient occuper tout mon temps », soupire cette maman qui, délivrée des petits, s’imaginait être enfin plus libre. Eh bien, non ! Son gamin de 15 ans s’est tout d’un coup mis dans la tête qu’il voulait prendre de la masse et fait des pieds et des mains pour suivre des séances de musculation.
Branle-bas de combat. On cherche un coach, un médecin, un kiné, n’importe quel spécialiste qui peut rassurer, mettre en garde s’il le faut. Non content de se lancer dans l’entraînement, le gosse a décidé aussi de se mettre au régime. Trois œufs et des flocons d’avoine le matin, poulet, riz ou autre féculent le midi. Et l’intendance doit suivre. Merci papa, merci maman.
Muscu ? Mais pour quoi faire ?
Roland Claes, expert en physiologie du sport, n’est pas étonné de cette demande. « Certains ados se trouvent trop maigres ou trop gros et veulent améliorer leur physique. Il est important de ne pas sous-estimer ce désir, surtout à un âge où l’on nourrit une forme de narcissisme. D’autres font déjà du sport et souhaitent améliorer leurs performances. La musculation peut, dans ces cas-là, consolider le corps d’autant plus que certaines pratiques sportives comme le foot, le tennis, sont très incomplètes et le déforment ».
Pour Philippe Pire, kiné, il faut distinguer l’ado déjà engagé dans un sport régulier de celui qui veut améliorer son image. « L’endurance et la résistance sont deux bases physiologiques du muscle. Il faut donc des exercices de musculation ciblés pour continuer à encourager le développement corporel du jeune. Une muscu dite ‘intelligente’ qui corrige les manques ». Colonne vertébrale, arrière des jambes, arrière des épaules, fessier… autant d’éléments nécessaires à la pratique des sports de course, de saut et autres qu’il est bon de renforcer.
Mais la muscu est-elle un passage souhaité pour les ados qui ne se sentent pas bien dans leur peau ? « Les ados sont fragiles. Un regard de travers, un mot qui blesse et les voilà effondrés, traînant une mauvaise image d’eux-mêmes. La muscu peut la modifier, cette image, mais attention, c’est artificiel, ce surplus de biscoteaux se relâche dès qu’on arrête l’entraînement. Moulé dans son T-shirt, il est peut-être beau gosse, attire les regards, mais ce n’est qu’un mur de protection et je ne crois pas que c’est cette image qu’on doit encourager à cultiver chez le jeune. Il est préférable de l’orienter vers des sports très complets comme la natation, l’escalade ou l’aviron (pas facile d’en faire en Belgique, c’est vrai !) quitte à faire de la muscu après pour entretenir la forme ».
La technique avant les poids
La muscu, c’est comme le piano. Avant de se lancer dans un concerto de Chopin, il faut faire ses gammes et apprendre la technique avec les études de Czerny. « Pour faire sérieusement de la muscu, explique Roland Claes, il faut d’abord se consacrer à l’apprentissage des techniques. Deux années où le jeune s’applique à réaliser le mouvement parfaitement et le répéter encore et encore. Tout cela est bien plus important que la question des charges. Le jeune ne devrait d’ailleurs pas avoir le droit de toucher à une barre de vingt kilos avant qu’il ne maîtrise parfaitement le mouvement à l’aide d’un manche à balai (C’est ainsi qu’on initie, en Russie, les jeunes à l’haltérophilie).
Autre précaution à prendre : la musculation doit toujours s’accompagner d’un entraînement de mobilité et de souplesse qui débute et termine la séance. Épaules, cheville, bassin, les enfants sont assis toute la journée à l’école et arrivent souvent extrêmement raides. Avec un échauffement correct qui dure dix à quinze minutes, des exercices de souplesse de dix à quinze minutes également, plus l’entraînement lui-même qui comprend endurance et résistance, l’ado est parti pour une séance d’une heure ».
Enfin, si le jeune n’est pas un sportif et qu’il se rend quand même en salle, glissez-lui dans l’oreille que développer la masse musculaire sans fortifier le cœur conduit ce dernier à l’épuisement et à des problèmes cardiologiques.
M. K.
Il en parle...
Mal barré !
J’ai commencé la muscu à 16 ans, tout seul dans mon coin, avec trois haltères et une barre. C’est mon entraîneur de basket qui a vu que je faisais n’importe quoi. Il m’a envoyé vers un vrai coach qui travaillait dans une salle et on a tout repris depuis le début. J’ai appris les bases techniques, mais aussi les étirements avant et après. Avant, je voulais juste être balèze. Maintenant, ce qui m’intéresse, c’est de travailler tous les muscles, de bosser sur mes faiblesses et d’avoir un corps bien dessiné, pas un truc difforme.
Pierre, 18 ans