Santé et bien-être

Et les parents dans tout ça ?

En sondant nos différent·es intervenant·es, une critique se dessine autour du lancement des séances d’animation Évras dans les écoles. Y aurait-il eu un manque de préparation ? Un défaut d’anticipation ?

Le psychopédagogue Bruno Humbeeck s’interroge sur la diffusion du contenu du guide destiné aux professionnel·les et qui a été instrumentalisée par les anti-Évras. Des extraits, assortis de commentaires qui tronquait parfois le texte initial, ont été jetés en pâture. « Quand j’ai vu qu’on diffusait les contenus pour se justifier auprès des parents, je me suis dit ’Là, ils sont partis dans le mur’. Les analyses tronquées du texte ont sans doute contribué à attiser le feu de la contestation chez certains adultes, chez certains parents plus virulents. Au départ, l’idée était peut-être louable, mais elle risquait aussi d’être contreproductive, parce qu’on invitait quasiment les parents à évaluer des contenus d’enseignement. Faites ça avec du français, du néerlandais, des mathématiques, il y aura toujours des parents pour critiquer ».
La critique, pourquoi pas ? Encore faut-il qu’elle soit constructive et que le terrain ait été préparé. « Il aurait fallu une petite anticipation des politiques, analyse Patrick Petit Jean, psychologue et animateur Évras. Il y a eu un déficit de communication par rapport à cela. Cela aurait été intéressant d’informer davantage les parents, à travers les associations de parents par exemple. D’expliquer clairement ce qu’impliquait la généralisation de ces animations désormais obligatoires. Je peux comprendre que des parents aient développé une certaine inquiétude ».

Informer, la clé

« Il est pourtant important que tout cela fasse l’objet d’échanges avec les parents, renchérit Françoise Hoornaert, psychologue et coordinatrice de l’équipe SOS Parents-Enfants de Tournai. Trop souvent, les enfants arrivent à la maison en ayant eu ces séances à l’école et les parents ne sont pas au courant. On voit donc surgir des questions que ces parents n’avaient pas trop envie d’aborder. Une meilleure collaboration avec les parents est nécessaire pour qu’eux-mêmes puissent réagir, oser des questions, répondre de façon adéquate ».

« Il faut s’intéresser ensemble au développement de l’enfant. Qu’est-ce qui est le mieux pour son épanouissement ? Est-ce qu’on le laisse poser des questions dans des espaces inappropriés ? Est-ce qu’on le laisse grandir avec de l’angoisse et de l’anxiété ? Ou met-on en place ce qu’on doit considérer comme des espaces de parole ? Là, je crois que les parents plus réticents seront à même de comprendre les vrais enjeux de l’Évras »
Bruno Humbeeck

Psychopédagogue

Collaboration, le mot est lancé. Comment l’envisager ? Patrick Petit Jean apporte son expérience de terrain. « Aujourd’hui, avec ces polémiques, on doit plus expliquer ce que n’est pas l’Évras, au lieu d’exposer ce que c’est. On passe beaucoup de temps à désamorcer la situation alors qu’on a beaucoup de boulot par ailleurs. Là, pour l’instant, on travaille avec des groupes d’adultes à Schaerbeek, on va organiser des séances d’infos pour expliquer l’Évras aux parents. On doit aussi aller dans les écoles pour convaincre certain·es profs et certains pouvoirs organisateurs ». Côté parents, des demandes d’explication spontanées se sont manifestées auprès du groupe Santé Josaphat dont fait partie Patrick Petit Jean. « On est là pour ça ».

Trouver l’harmonie

Cette mise au diapason des parents et de l’école quant à l’Évras est essentielle. S’il y a tension entre les deux parties, cela aura une répercussion directe sur les enfants. « Il faut créer une harmonie, relève Bruno Humbeeck. Il faut revenir dans les mécanismes de coéducation (qui n’est pas le co-enseignement). Ne pas entendre des familles qui expriment des inquiétudes ou considérer que ces familles ont tort d’avoir peur et ne pas leur répondre, c’est à éviter. Il faut s’intéresser ensemble au développement de l’enfant. Qu’est-ce qui est le mieux pour son épanouissement ? Est-ce qu’on le laisse poser des questions dans des espaces inappropriés ? Est-ce qu’on le laisse grandir avec de l’angoisse et de l’anxiété ? Ou met-on en place ce qu’on doit considérer comme des espaces de parole ? Là, je crois que les parents plus réticents seront à même de comprendre les vrais enjeux de l’Évras ».
Bref, en tant que parents, n’hésitez pas à vous tourner vers l’école pour demander des explications. Comment vont s’organiser ces animations ? Qui va s’en charger ? Quel suivi au sein de l’école ? « Il faut favoriser cette transparence », pointe Patrick Petit Jean qui insiste sur la nécessité d’un passage de relais pédagogique serein entre l’école et les parents. Annick Faniel, administratrice déléguée du CERE (Centre d’expertise et de ressources pour l’enfance), ne dit pas autre chose lorsqu’elle invite à ne pas invoquer l’Évras pour opposer un apprentissage à la maison contre un apprentissage à l’école. Mais plutôt à la considérer comme un module qui permet aussi de retisser les relations, de renforcer la triangulation parent-enfant-école.

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